
La cour d’assises de Lot-et-Garonne, la suite d’un incident que nous relatons plus loin, vient de renvoyer à une autre session l’affaire des cambriolages d’Agen, dans laquelle étaient inculpés les nommés Camille Rambeau, âgé de vingt-quatre ans, ouvrier peintre ; Thomas Sarrieu, âgé de dix-huit ans; Edmond Lapeyre, âgé de vingt-sept ans, serrurier, et la veuve Dumas, née Louise Pouchieux, âgée de vingt-cinq ans, chemisière, arrêtés à Bordeaux, sur la dénonciation d’un nommé Duthou, condamné en 1902 à dix ans de travaux forcés pour les mêmes faits, qui tout d’abord avait refusé de donner les noms de ses complices.
A l’issue des plaidoiries et au cours de l’audience de nuit, tenue hier soir, après une suspension de l’audience et à la reprise, un véritable coup de théâtre s’est produit.
Le président, M. de Gombault, a demandé à Sarrieu s’il avait des aveux A faire. Sarrieu a répondu affirmativement. Il a dit qu’il reconnaissait être un des auteurs de la tentative de vol commise dans la maison Bonysset, et il a ajouté que contrairement à ce que déclare Duthou, ils n’étaient pas trois mais quatre et que les complices n’étaient pas ceux qui étaient à ses côtés les vrais coupables étaient Parreau, Garcia, Duthou et lui. On devine la sensation profonde causée par cet incident inattendu.
Il résulte de l’information que Parreau est mort quant à Garcia, un Espagnol, dont le nom avait déjà été prononcé, on ne l’a jamais trouvé nulle part, et on ne sait même pas s’il a jamais existé.
Après un nouvel interrogatoire de Duthou et des témoins, M. Beaugrand a pris des conclusions tendant à ajourner l’affaire une prochaine session, pour permettre au parquet de vérifier les dires de Sarrieu. La cour en effet a ordonné le renvoi de l’affaire à la session d’août.
Le Petit Parisien 22 mai 1903
Agen, 4 août.
L’importante affaire des cambriolages d’Agen est revenue, pour la troisième fois, devant la Cour d’as sises de Lot-et-Garonne. Les accusés étaient Edmond Lapeyre, marchand de café, ancien serrurier à Bordeaux ; Thomas Sarrieu, ouvrier peintre à Agen; Camille Rambeau, peintre à Agen ; Mélina Dumas, veuve Pouchieu, maîtresse de Rambeau, auteurs de la tentative de vol commise à Agen, le 30 décembre 1901, dans les magasins de M. Bonysset, marchand de tissus. Le soir de l’affaire, alors que l’alarme avait été donnée par les voisins, l’un des malfaiteurs fut pris sur les lieux par la police; c’est le sieur Dutou, ancien voilier, à Bordeaux, lequel fut condamné à dix ans de travaux forcés, et refusa de dévoiler tout d’abord ses complices. Mais, quelques mois plus tard, alors qu’il était à l’Ile de Ré, sur le point de partir pour la Nouvelle-Calédonie, Dutou, pour qui ses camarades s’étaient montrés ingrats, les dénonça. Il déclara aussi que Rambeau et Sarrieu avaient commis un vol qualifié à Agen, au préjudice de Mme Thouet, épicière, rue des Autas. Les allégations de Dutou furent vérifiées. Rambeau et Sarrieu, poursuivis à la session de mai dernière devant la cour d’assises de Lot-et-Garonne, furent condamnés pour le vol de la rue des Autas, le premier à cinq ans de travaux forcés, le second à cinq ans de réclusion. Ils firent des aveux à l’audience, après leur première condamnation.
A la même session, Rambeau et Sarrieu furent enfin traduits, au mois de mai dernier, en compagnie de Sarrieu et de la femme Ponchieu, devant la cour d’assises, pour la tentative de vol commise chez M. Bonysset.
Là, les quatre accusés nièrent tout et taxèrent d’inventions et de mensonges les récits de Dutou. Seulement, après la clôture des débats, et avant que le jury ne rentrât dans la salle de ses délibérations, le jeune Sarrieu fit des aveux pour son compte personnel et déclara que ses complices n’étaient pas ceux qui étaient assis à côté de lui. Ces révélations nouvelles eurent pour conséquence le renvoi de l’affaire à la session actuelle.
Lundi et mardi, les débats de ce procès, se sont ouverts à nouveau devant la cour d’assises. Cette fois, Sarrieu déclare que ses complices étaient bien ses co-détenus.
Ceux-ci, ont obstinément nié toute participation au vol. Le jury est resté pendant deux heures dans la chambre des délibérations. Il en est ressorti à une heure et demie du matin, rapportant un verdict affirmatif en ce qui concerne Lapeyre et Sarrieu, négatif en ce qui touche Rambeau et la femme Pouchieu.
Sarrieu a été condamné à cinq ans de réclusion, Lapeyre à huit ans de travaux forcés. La peine, pour Sarrieu, se confondra avec celle prononcée au procès de mai.
Le Temps 6 août 1903