Le réquisitoire

M. le procureur de la République adjure le jury de se montrer très sévère, à l’égard des accusés qu’il considère comme plus coupables que des incendiaires et des criminels ordinaires. Il passe ensuite en revue les divers attentats commis par les inculpés et examine point par point les faits qui leur sont reprochés. Après l’edes faits, M. le procureur ajoute que l’un des camarades accusés Durbecq a été mis en liberté parce que sa complicité n’a pas été suffisamment établie, et qu’un autre, Blin, a été condamné en correctionnelle à trois mois de prison pour détention illégale de dynamite.

Après avoir résumé avec netteté et une habileté remarquable toutes les péripéties de cette affaire, M. le procureur insiste éloquemment sur les responsabilités de chacun des inculpés. Il reconnaît qu’à tous, il faudra accorder des circonstances atténuantes, car, sans cela, ce serait pour chacun la peine de mort. Enfin dans une péroraison courte mais très énergique, M. le procureur de la République, supplie le jury de ne pas oublier qu’ils ont le devoir de défendre la société contre ceux qui veulent la menacer, pour montrer aux ouvriers qu’ils doivent rechercher le progrès par d’autre moyens que le crime et l’épouvante.

Après ce réquisitoire, prononcé d’une voix ferme et qui a paru impressionner fortement l’auditoire, l’audience est suspendue et reprise à quatre heures et demie, devant une salle absolument comble.

Les plaidoiries

C’est Me Descharmes, avocat de Bigel et de Cordier, qui a le premier la parole. Reprenant la vie de Bigel, le défenseur le montre se conduisant assez bien jusqu’à son arrivée à Revin. Là, ce fut Bourgeois qui le perdit en pesant sur lui de son autorité de contre-maître. Ce caractère vantard et facile à conduire fut habilement exploité par Bourgeois et Chuillot qui n’eurent pas de peine à en faire leur instrument.

Me Descharmes termine sa plaidoirie en demandant les circonstances atténuantes pour Bigel et l’acquittement pour Cordier.

Après lui, Me Picart prend la parole pour défendre Bourgeois. Il fait d’abord l’historique des syndicats dans les Ardennes, cherche dans l’agitation politique de ces dernières années la véritable cause des faits reprochés aux inculpés, et après avoir fait le procès des meneurs qui poussent les ouvriers, il montre en Bourgeois une victime inconsciente des propagateurs de l’anarchie.

Excellent ouvrier – les certificats de ses patrons l’attestent, – Bourgeois ne lui paraît d’ailleurs nullement capable d’avoir posé la cartouche à la gendarmerie de Revin. Père de famille, il doit être rendu à ses enfants, qui sans lui tomberaient dans la misère. Le jury rendra certainement, dit Me Picart, un verdict d’acquittement en sa faveur, comme il devrait le faire pour tous ses co-accusés, car ce qui doit sortir de ces débats, c’est un verdict d’acquittement.

Après cette brillante plaidoirie, qui a duré près de deux heures, l’audience est levée à 7 heures ¼ du soir et renvoyée à mercredi matin, 8 heures ½.

Il est probable que le verdict sera rendu vers midi ou une heure.

Le Petit Ardennais 11 novembre 1891

Lire : L’affaire de la dynamite à Revin et Charleville (Ardennes). 10 novembre 1891 (1)

L’affaire de la dynamite à Revin et Charleville (Ardennes). 10 novembre 1891 (2)

L’affaire de la dynamite à Revin et Charleville (Ardennes). 10 novembre 1891 (3)

L’affaire de la dynamite à Revin et Charleville (Ardennes). 10 novembre 1891 (4)

L’affaire de la dynamite à Revin et Charleville (Ardennes). 10 novembre 1891 (5)

L’affaire de la dynamite à Revin et Charleville (Ardennes). 10 novembre 1891 (6)