Hier à 9 h ½, à la maison des Tanneurs, Grand Place n°15, la Ligue collectiviste-anarchiste, groupe de Bruxelles, a donné une conférence.
Sujet : Suffrage universel.
Au bureau se trouvait Debuyger président ; Delsaute, membre ; Steens, Verrycken et Govaerts sont dans la salle.
Spilleux, le conférencier, regrette de ne pas être un orateur, cependant il parlera par amour pour la révolution.
Il ne professe pas les idées de Duvergé, le partisan à outrance du suffrage universel.
Bien que ce dernier soit un des droits naturels de l’homme, il ne réalisera jamais la question du prolétariat. Si même on l’obtenait, les députés que nous pourrions envoyer à la chambre seraient la risée des députés de la bourgeoisie ; témoin ce qui se passe en France et en Allemagne, pays où fleurit le suffrage universel. Dans le premier, il amène au pouvoir les hommes qui ont fait le 16 mai, dans le second, ceux qui ont voté les lois contre le socialisme et l’élection de Bordeaux, Blanqui sur 24.000 électeurs, 3.000 se sont présentés au scrutin. Le parti bourgeois, qui dans la situation actuelle, tient les rênes du gouvernement est mauvais ; un gouvernement ouvrier serait une amère dérision. On a essayé de ce dernier avec les principes de Proudhon, de Fourier, des Phalanstériens, etc… Tous les partisans de ces idées, en se déclarant de prime abord anti-électoralistes en sont toujours revenus à la formation d’un état, d’un gouvernement. Ceux donc qui se disent anarchistes, doivent être les ennemis de toute espèce de gouvernement. Il lit à ce sujet plusieurs pages d’Arthur Arnould, un des membres de la Commune.
Pour se résumer, il prétend qu’il n’y a que les principes collectivistes et anarchistes qui puissent résoudre la question sociale. Il faut donc faire de la propagande en ce sens.
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Delsaute, entre temps bredouille quelques paroles préconisant l’anarchie et déclare qu’il a dit.
La parole est donnée au citoyen Verycken qui professe entièrement les opinions du citoyen Spilleux. Il se rit du mandat impératif de l’ami Stuyck (?). Il n’en veut pour preuve que ce qui s’est passé en Allemagne avec le député socialiste Hasselman. Celui-ci est aussi arrivé à la tribune allemande, croyant avoir derrière lui une masse armée qu’il pourrait soulever à son gré, cette masse lui a tourné le dos et quelques jours après le Reichtag votait les lois contre le socialisme.
Le citoyen Seconde demande s’il doit parler en flamand ou en français. Le président lui laissant le choix, l’orateur adopte le flamand.
A ce moment, l’auditoire qui au début de la séance se composait de 12 hommes et deux femmes, réunit environ 30 personnes.
Elles disparaissent quand Seconde monte à la tribune.
Me trouvant à peu près seul auditeur, je me suis retiré. Hertschap restait dans la salle.
Une conférence aura lieu aujourd’hui, rue de la Verdure 18.
Bruxelles le 6 janvier 1880.
Source : Archives de la ville de Bruxelles POL 177. XX. 3 Meetings en faveur du suffrage universel 1877-1880
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