
Préfecture de police
Direction générale des recherches
2e brigade
Cabinet
1er bureau
Réunion du groupe les Naturiens
21 août 1895
Rapport
Hier soir a eu lieu salle Rigaud, 69 rue Blanche, une réunion du groupe Les Naturiens.
L’assistance se composait de 12 personnes.
La séance est ouverte à 9h ½, par Bariol qui rappelle qu’à la dernière réunion, il a été décidé qu’un banquet aurait lieu au mois de septembre prochain et que le prix serait de 3 fr. par tête. Il invite les personnes qui le peuvent à verser de suite cette somme.
Deux assistants versent le prix de la carte, les autres promettent qu’ils souscriront à la réunion de mardi prochain.
Surtout, dit Bariol, je recommande que tout le monde se présente dans une tenue irréprochable, en vêtements noirs et cravate blanche.
Je vous fais cette recommandation parce que l’établissement de la Tartine, 11 rue Lepic, ayant été mal fréquenté, le patron actuel voudrait le relever et je tiendrais à ce que nous montrions un exemple de tenue correcte.
Plusieurs assistants font remarquer à l’orateur que c’est sortir de l’état naturel que de porter des vêtements noirs et une cravate blanche.
Beaulieu distribue le journal La Nouvelle humanité, dont ci-joint un exemplaire, qu’il a fait avec Zisly et Mayence et dont le dessin est de Gravelle.
Il dit qu’il en sera déposé un exemplaire à la Préfecture de police et au parquet.
Il ajoute que ce journal paraîtra une fois par mois et que son but est de critiquer les actes du gouvernement.
Bariol déclare qu’il n’a pas encore envoyé aux maires la circulaire qu’il était chargé de leur adresser et qu’il attend qu’on lui fournisse les bandes et les timbres.
Gravelle dit qu’il fera le nécessaire.
Un assistant fait remarquer qu’il serait plus simple d’écrire aux propriétaires de grands terrains non cultivés en leur expliquant le but du groupe que de s’adresser aux municipalités auprès desquelles on n’obtiendra probablement pas satisfaction. Il est approuvé.
La dame Noël Bertier interpellée par Gravelle sur ce qu’elle pense de l’état naturel, déclare qu’elle ne veut pas retourner en arrière, à l’état sauvage et que pour elle, il vaut mieux aller de l’avant.
Je suis libertaire, dit-elle, j’aime les choses nouvelles et je veux détruire les vieux préjugés. Je viens de faire un ouvrage à ce sujet et je vous le montrerai.
Bariol annonce qu’il a lu dans le journal socialiste troyen, organe guesdiste, un article dans lequel Coppée traite Gravelle de maboul.
Un assistant engage Gravelle à répondre à Coppée, par un article dans l’Echo de Paris et s’offre à le porter.
Gravelle répond : « Cela me conduirait dans une polémique qui pourrait être trop longue. Enfin je verrai. »
Pinet lui remet le journal Le Rappel, dans lequel il y a une étude sur la civilisation, au sujet des Indiens de l’Amérique.
La séance est levée à 11h ½
Le commissaire de police.
Archives de la Préfecture de police Ba 158
Lire le dossier Les Naturiens, des anarchistes précurseurs de l’écologie politique