Préfecture de police

Direction générale des recherches

2e brigade

Cabinet 1er bureau

Réunion du groupe les Naturiens

Paris le 26 juin 1895

Rapport

Hier soir a eu lieu 69 rue Blanche, une réunion des Naturiens.

L’ordre du jour portait :

Étude sur le retour à l’état naturel

Organisation d’un banquet

Causeries des citoyens Gravelle, Beaulieu et Léo Brissac

L’assistance se composait de 5 personnes.

La séance est ouverte à 9h1/2.

La dame Boucher, demeurant à Sèvres, chez sa tante, jardinière, sans autre indication d’adresse, déclare qu’elle est venue pour savoir ce qui s’est passé à la précédente réunion.

La dame Boucher raconte qu’elle connaît des gens, qui étaient autrefois ses amis mais ne le sont plus aujourd’hui, qui ont quitté la campagne, où il ont laissé un terrain inculte après avoir arraché une vigne atteinte du phylloxera et sont venus à Paris.

« Le mari, dit-elle, est employé à la Cie Générale des Omnibus comme contrôleur et la femme fait des perles et occupe deux ou trois ouvrières auxquelles elle donne un franc par jour.

Avec ce qu’il gagne et le bénéfice que la femme réalise sur le travail de ses ouvrières, ces gens placent de l’argent et ils aiment mieux ça que de travailler leur terre. »…..*

Gravelle prend ensuite la parole et explique que si tout le monde voulait vivre à l’état naturel, chaque individu aurait à sa disposition 12.000 mètres de terrain et avec cela n’aurait plus besoin de retourner à l’usine.

Gravelle fait connaître qu’il a reçu une lettre de Bariol, qui le prie de l’excuser, car il va dîner à la campagne chez un de ses amis, et en même temps lui parle du banquet qui est projeté, estime qu’avec une vingtaine de personnes, il pourra être organisé et recommande aux banqueteurs de se pourvoir de boucliers, d’arcs, de flèches, de massues et autres accessoires pour représenter le naturalisme.

Gravelle déclare que si on se conformait aux idées de Bariol, on aurait l’air déguisés de Carnaval.

Beaulieu est de l’avis de Gravelle et dit : « Il ne faudra pas comme l’autre fois laisser faire Bariol à sa fantaisie, car avec sa musique, il n’y a pas eu possibilité de causer.

Gravelle demande à Beaulieu s’il a vu Léo Brissac.

Beaulieu répond : « Je crois que son logeur l’a fait arrêter pour avoir passé par une fenêtre, afin de prendre des effets qui étaient restés en paiement de son loyer.

Le sieur Zisly distribue l’exemplaire ci-joint du journal L’Ami des ouvriers.

La séance est levée à 11h.

Le commissaire de police.

*Propos incohérents non recopiés

Source : Archives de la Préfecture de police Ba 1508

Lire le dossier Les Naturiens, des anarchistes précurseurs de l’écologie politique