16 avril 1877

La section bruxelloise de l’Internationale a tenu séance le 16 avril 77, vers 10 h du soir, au Cygne. Une vingtaine de membres étaient présents ; quelques étrangers, tels Rode, Gietsen (?), Baudry, un russe, etc ; à la suite d’une consultation tenue entre Brismée, Paterson, Standaert et autres, furent invités à se retirer.

Paterson, sur l’invitation de Brismée, lut le procès-verbal. Brismée déclare que les propositions y contenues seront résolues par le congrès prochain de Jemmappes. Le délégué qui s’y rendra devra manifester le désir de voir s’organiser un Congrès socialiste belge précédent le Congrès socialiste universel et que l’on y décide en même temps le choix de l’endroit propre à cette cérémonie. Payant (?) à l’attitude que doit prendre l’Internationale vis à vis du mouvement qui se produit dans le pays, il demande si quelqu’un désire prendre la parole sur cette question. De Paepe dit qu’il s’agit de savoir ce qui a amené la section bruxelloise à poser cette question ; c’est, ajoute-t-il, la constitution d’une Union ouvrière belge. Parlant du Congrès de Gand et des Trade Unions de l’Angleterre, il croit que l’Internationale n’a pas à s’en occuper. Les ouvriers peuvent se constituer librement en fédération et même se mêler d’un mouvement politique.

Brismée est d’avis qu’ils auraient pu d’abord se constituer en corps de métiers et puis se fédérer. Il est d’accord avec le préopinant. L’Internationale devrait seconder même le mouvement ouvrier qui, ainsi que les Gueux, composés de la classe libérale la plus avancée, demandent le suffrage universel ou toute autre réforme politique avantageuse pour la société. Mais ce qu’il désapprouve, c’est la conduite de Bertrand qui connaissant les éléments dont se compose l’Internationale et en faisant parti, cherche à exclure du sein de l’Union ouvrière des hommes ayant voué leur existence à l’enseignement du peuple, sous prétexte qu’elle ne sera formée que de salariés. Les petits patrons et ceux qui n’exercent pas de métier ou de travail manuel, souffrent souvent plus que les ouvriers. Ils ont cependant intérêt alors à seconder certains mouvements, tels que le suffrage universel, etc. Pourquoi les exclure de l’Union ouvrière ?

Bertrand répond que rien n’est encore arrêté définitivement. Il a même été question à la Chambre du travail, de l’admission de sections mixtes, partisans de la revendication des droits politiques. Le congrès de Bruxelles devant décider, il demande que cette discussion soit remise jusqu’après cette époque.

De Paepe prononce ensuite un assez long discours dans lequel il démontra les moyens employés en Angleterre par les Unions, qui arrivent insensiblement à la réalisation des réformes politiques et se rangent à l’opinion de Brismée, émise plus haut.

Il s’agit cependant de savoir si, dans le cas où l’Union admettrait l’Internationale, celle-ci y adhérerait.

Steens ayant pris la parole, entre dans un ordre de vues différent. Les hommes dirigeant l’Union appartiennent presque tous à l’Internationale ; on doit s’assurer s’ils en renient les principes et s’ils entendent fouler aux pieds ceux qui ont sacrifié une partie de leur temps, de leur bienêtre, au développement de l’intelligence du peuple. Si après tant de labeurs, s’écrie l’orateur, l’Internationale doit se voir vilipender par quelques individus aspirant à la grandeur, qu’elle les laisse faire ; son nom existera toujours et on pourra toujours dévoiler les traîtres. Si ces réflexions sont justes, le jugement et les suites seront néfastes pour l’un comme pour l’autre.

Bertrand demande que rien ne soit décidé avant que l’on ait connaissance des résolutions du Congrès de Bruxelles.

Brismée propose qu’une séance ait lieu dans les 15 jours ; on y décidera la nomination du délégué au Congrès de Jemappes.

A minuit, la séance est levée, mais au moment de quitter la salle ? Brismée annonce qu’un parisien, à la suite d’une bagarre survenue à Paris, sur le point d’être condamné, un membre de sa famille, agent de la police judiciaire, lui avait conseillé de quitter la France, attendu qu’il avait pris part au mouvement de la Commune. Or, cet homme, déjà âgé, est arrivé à Bruxelles et est sans ressources.

Il propose de faire une collecte afin de lui procurer les trois francs nécessaires pour pouvoir trouver un gîte cette nuit. La collecte, faite par Frix, produisit la somme demandée.

Source : Archives de la ville de Bruxelles POL 195

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