Sébastien Faure. Document Éphéméride anarchiste.

Audience du 10 août.

AFFILIATION A UNE ASSOCIATION DE MALFAITEURS, (LOI DU 18 DÉCEMBRE 1893). — VOLS QUALIFIÉS ET COMPLICITÉ. — DÉTENTION D’ARMES PROHIBÉES. — DÉTENTION D’ENGINS EXPLOSIFS ET DE SUBSTANCES DESTINÉES A ENTRER DANS LA COMPOSITION D’UN EXPLOSIF.

L’audience est ouverte à onze heures et demie.

La parole est donnée à Me Desplas, défenseur de Sébastien Faure.

PLAIDOIRIE DE Me DESPLAS

Après ces longs et si intéressants débats, le si remarquable réquisitoire de M, l’avocat général, la plaidoirie de mon confrère et ami de Saint-Auban, qui restera comme la plaidoirie du procès des Trente, mon rôle est maintenant plus modeste : j’ai à vous démontrer, en ce qui concerne Sébastien Faure, que l’accusation n’est fondée ni en fait ni en droit.

Avant ce débat, on a couvert d’infamie Sébastien Faure; un haut fonctionnaire de la préfecture de police a cru pouvoir ouvrir les dossiers secrets pour les livrer au vent de la publicité et créer un courant d’antipathie contre cet homme. Vous n’avez pas osé, monsieur l’avocat général, soutenir cet agent ; vous avez dit qu’il avait agi ainsi pour se concilier des sympathies dans la presse. Quand on agit ainsi, on commet une ignominie. On vous a montré Sébastien Faure comme un mauvais mari. Il a divorcé, c’est vrai; mais, ne voulant pas entraîner sa femme dans sa terrible vie d’aventures, il lui a laissé prendre contre lui un jugement de divorce dont les termes sont d’une déplorable banalité.

Faure a été employé d’assurances comme inspecteur; il avait de 10 à 15.000 francs d’appointements et il avait vingt-six ans. Il quitta cette situation pour entrer dans l’anarchie. Est-ce par ambition ‘i Etrange ambition que celle qui vous procure des coups et la Cour d’Assises !

M. l’avocat général vous a dit qu’il ne poursuivait pas l’anarchie, mais il a ajouté bien souvent, qu’il faisait le procès de cette secte abominable. Et cependant cette secte contient dans son sein des hommes d’une hante valeur, comme Elisée Reclus. Il faut donc qu’il y ait quelque chose dans ce parti pour attirer de pareils penseurs. M. l’avocat général veut faire condamner celui-ci pour ce qu’il a écrit, ceux-ci pour ce qu’ils ont dit ; vous, vous ne pouvez les condamner que pour ce qu’ils ont fait. Admettons le raisonnement de l’accusation ; admettons-le tout entier; je vais vous démontrer que la loi de 1893 ne s’applique pas aux de faits actuels. Il faut d’abord que vous connaissiez la loi. Vous avez à dire s’il y a une entente ; encore faut-il que vous sachiez ce que c’est que l’entente.

Me Desplas, abordant cette discussion juridique, indique l’origine des articles 265 et suivants, insérés dans le Code pénal, pour atteindre les bandes de malfaiteurs existants en 1810, connus sous le nom de « chauffeurs ».

Ces textes, dit-il, n’étant pas applicables aux anarchistes qui n’admettaient pas cette même organisation, on déposa le projet qui est devenu la loi du 18 décembre 1893, votée après l’attentat de Vaillant. La loi voulait atteindre l’association, quels que soient sa durée et le nombre de ses membres.

M.Flandin, rapporteur de la Commission, à la séance du 15 décembre 1893, s’exprimait de la manière suivante : «I1 existe peut-être certains groupes anarchistes organisés, qui se sont donné pour mission de poursuivre la propagande de l’Idée; ceux-là professent des doctrines que nous répudions d’une façon absolue, sans qu’assurément personne d’entre nous ait la pensée de les incriminer au point de vue pénal. »

La loi de 1893 n’a eu pour objet que l’entente en vue de la propagande par le fait; la propagande de l’Idée, par l’écrit, par la parole, publique ou privée, reste en dehors de son application. Cela est si vrai, que la loi du 30 juillet 1894 a eu précisément pour but de combler les lacunes de la loi de 1893.

Après l attentat de Lyon, on a voulu atteindre la propagande de l’Idée anarchiste, que l’on a considérée comme un danger extrêmement grave pour la sécurité publique. Mais, s’il a été nécessaire de voter une loi en 1894 pour la répression de la propagande de l’Idée anarchiste, c’est la preuve même que la loi de 1893 ne s’appliquait pas à elle.

Lorsque M. Guérin, ministre de la justice, a voulu déterminer le sens de la loi de 1894, 11 a prononcé un discours, duquel il résulte que la propagande individuelle non publique ne tombe pas sous le coup de la loi de 1893, la loi nouvelle ayant pour but d’atteindre la propagande dans les groupes, les correspondances, la préparation d’un attentat.

Voilà d’après M. le garde des sceaux les éléments qui ne constituent pas l’entente. C’est l’embauchage des soldats, les conciliabules privés, les soirées familiales, la propagande individuelle, l’organisation de conférences, les groupements, la correspondance. Si vous étiez douze gardes des sceaux,messieurs les jurés,vous devriez acquitter Sébastien Faure; ainsi il n’y a pas association, et même y en eût-il, que la loi de 1893 ne serait pas applicable, parce que le but de cette association ne tombe pas sous le coup de la loi de 1893.

Sébastien Faure, qu’on appelle le commis-voyageur de l’anarchie, est plutôt l’enfant perdu de ce parti. Il n’yentre qu’en 1891 et, par conséquent, il est étranger à tous les actes antérieurs. Il circule, vendant ses propres produits intellectuels, mais jamais sa conscience.

On l’arrête, puis, peu avant la loi de 1893, il est mis en liberté. On lui reproche d’avoir mis en rapport les différents groupes, mais jamais on n’a rien prouvé de semblable ; jamais, dans tout le cours de l’existence de la Révolte ou du Père Peinard, il n’y a écrit une ligne, ni un mot.

Me Desplas lit dans le journal La Révolte un compte-rendu d’une conférence dans laquelle

Faure demande aux économistes de discuter ses idées, de venir les combattre et au besoin en triompher.

Voilà ce qu’est exactement Sébastien Faure, ajoute-t-il ; voila quelles sont ses idées et sa façon de discuter.

Aussi n’a-t-on rien trouvé à reprendre dans ses conférences. Une seule fois il a été condamné à la suite d’une conférence faite à Lyon : il avait comparé la société à une « montagne qu’il faut faire sauter ».

Dites-moi ce qu’est une conférence sans apologie, sans violence, sans excitation, sans attaques ? Telles sont les conférences faites par Faure.

Arrivons au fait Léauthier. Ce garçon a écrit à Faure une lettre arrivée après l’attentat. Faure ne le connaissant pas, ne l’ayant jamais vu, lui répond par lettre des plus banales, des plus simples; il le tutoie — mais on se tutoie dans l’anarchie, — lui donnant des conseils pour sa défense et acceptant de la présenter devant le jury. Voilà le lien ; voilà l’association. Il lui envoie encore cent sous. Y a-t-il là une association une entente? Si vous le croyez, vous le direz quant à moi, je ne le vois ni ne le comprends ; mon esprit se refuse à accepter une pareille interprétation.

Ou vous a amené ici, selon l’expression du ministère public, le cerveau qui pense, c’est Grave ; la voix clame, c’est Faure ; le bras qui exécute, c’est Ortiz. Il n’y a entre eux aucun rapport; mais, y en eût-il, la loi de 1893 ne s’appliquerait pas à eux, elle ne concerne pas le vol. M. Bérenger l’a constaté dans son rapport lors de la discussion qui a eu lieu au Sénat.

Monsieur l’avocat général, vous avez voulu créer une impression, et c’est ainsi que vous avez, pendant la plus grande partie de votre réquisitoire, parlé uniquement des faits antérieurs à la loi de l893; puis vous avez affirmé que ces faits s’étaient continués dans la suite ; et voilà tout.

Ce procès n’est que la justification des poursuites arbitraires engagées contre plus de 400 personnes. En France, on n’aime pas l’hypocrisie ; votre poursuite n’est pas nette, n’est pas loyale, n’est pas franche.

Quand on voulait autrefois accabler un adversaire, on le déportait à Lambessa, mais on ne le jugeait pas; on ne cherchait pas à parer cet acte des apparences de la justice; c’était une canaillerie, mais exempte d’hypocrisie.

On pourrait vous dire : « Prenez garde, une fois en liberté, ces individus recommenceront leur campagne de violences et de propagande, et peut-être de nouveaux attentats vont se perpétrer; il faut donc les condamner. » Mais, messieurs, le gouvernement est armé d’une loi terrible, implacable, qu’il appartiendra au Tribunal correctionnel d’appliquer.

Prenez garde ; ce procès restera peut-être un procès historique, n’attachez pas votre nom à une décision qui serait une honte, un mensonge judiciaire.

Me Desplas termine en disant que Sébastien Faure désirerait ajouter quelques mots pour sa défense.

M. le président (à Faure) : Vous avez la parole.

l’avocat général : Je tiens à avertir la presse et aussi l’accusé que je me réserve de requérir l’interdiction de cette partie des débats, s’il y a lieu.

EXPLICATIONS DE SÉBASTIEN FAURE

D’ordinaire les accusés voient avec angoisse arriver l’heure de votre verdict ; moi je l’attends avec impatience; si j’ai demandé la parole, c’est moins pour solliciter un verdict d’acquittement, qui est déjà rendu dans vos esprits, que pour me réhabiliter auprès de ceux que mon arrestation a pu étonner et égarer sur la nature de mes idées et de mes sentiments.

Je veux établir ici que ma responsabilité morale n’est pas engagée, pas plus que ma responsabilité matérielle; j’ai la conscience nette, le cœur pur, les mains propres. On cherche aussi à me dépouiller de la considération dont je suis entouré; on a voulu salir mon honneur; j’y tiens plus qu’à ma liberté. Complètement innocent du crime qu’on me reproche ; je veux prendre ici l’attitude modeste de l’homme qui se défend.

M. l’avocat général, dans ses fréquents réquisitoires, a déclaré souvent que l’anarchie était la négation de tout, sans hiérarchie ni direction, ni organisation; que ses adeptes voulaient imposer cette situation à la société.

Aujourd’hui, M. l’avocat général vient démontrer qu’il existe une organisation, un plan, une direction; il soutient ici le contraire de ce qu’il avait dit auparavant. Quand a-t il dit la vérité ? A quel moment était-il dans le vrai ?

Depuis deux ans, détenu sans interruption, j’ai joui de quelques instants seulement de liberté, et je viens ici pour répondre d’un fait prévu par une loi qui a huit mois d’existence. Si j’ai eu quelques rapports avec des individualités, ce sont des faits isolés. Jamais je n’ai conseillé un crime, une mauvaise action ; je suis resté étranger à ce qui s’est passé dans le domaine des faits ; je ne peux être condamné que par une souveraine injustice. L’accusation a dû abandonner le véritable terrain de la loi et renoncer à m’unir aux auteurs des attentats; et alors on groupe mille riens, on les passe à la loupe de parti pris, puis on assaisonne le tout de quelques « évidemment », et de là on tire des conclusions de condamnation.

On me représente aussi comme un violent, avide de meurtre, de sang, excitant les malheureux à des violences, alors que, seul, je continuerais, à l’abri de toutes poursuites, à vivre grassement et largement.

Mais il existe des lois qui répriment ces excitations, ces violences, et ce n’est pas de celles-là qu’on demande l’application. Vous êtes sollicités de vous prononcer sur l’existence d’une association, d’une affiliation à cette association. Si elle eût été vraie, je l’aurais acceptée cette imputation, mais elle est absolument fausse, absolument inexacte. Où ai-je manqué de courage ? L’accusation est muette, elle s’évapore quand on l’approche.

L’accusation n’allègue aucun lait ; mais, elle dénature mes sentiments, calomnie le caractère de ma propagande et transfigure mon rôle.

Je veux d’abord vous faire connaître mes sentiments et mes conceptions. Ma propagande est faite pour développer les pensées les plus élevées, l’amour le plus ardent de l’humanité, les sentiments les plus délicats.

Il faut que je vous expose les grandes lignes de ma philosophie. Ne serait-ce pas injuste d’arracher de l’histoire du christianisme la page relative à l’Inquisition et de dire : « Toute la religion est là ! » Si, détachant la page de la Terreur, on vous disait : « Toute la Révolution est là » ; ce serait absolument injuste. De même, détacher les crimes et les bombes de l’ensemble de la doctrine anarchiste et dire : « Toute la ‘philosophie libertaire est là », ne serait pas moins inexact et moins injuste.

On croit qu’il existe chez les anarchistes, un certain credo que formulent certains organes, que certains individus proclament. Chacun de nous a une pensée indépendante; nulle pensée n’est enchaînée par la mienne, et la mienne n’est enchaînée par rien.

M. le président: Ne faites pas d’exposé de doctrine; renfermez-vous dans ce qui concerne votre défense.

L accusé : Mais l’exposé de mes idées, de mes sentiments est nécessaire à ma défense; je ne veux pas qu’on me confonde avec certains anarchistes dont on a développé les doctrines dans l’accusation et qui ne sont pas les miennes.

M. Le président : Je ne puis admettre ici aucun exposé de ce genre.

Me Desplas: M l’avocat général peut interdire la reproduction de la défense de Sébastien Faure. Je comprend le sentiment de bienveillance qui vous dicte cette observation.

M. le présient : Il n’y a aucun sentiment de bienveillance ; j’ai la direction des débats.

Me Desplas : La défense de Sebastien Faure consiste à se faire connaître, il prétend que l’accusation ne le présente pas comme il est ; il veut pour se justifier faire connaître ses idées. C’est sa défense que vous voulez interdire !

M. le président : Je ne permettrai aucun exposé de doctrine.

L’accusé : Ma situation est difficile; je voulais me faire mieux connaître et vous montrer qu’on m’avait ici défiguré. Je m’incline , toutefois, sans observation virulente, et je me conforme aux volontés de M. le président.

Supposez qu’après vous avoir développé un anarchisme déterminé, je vous aie donné un aperçu de ce je voudrais voir réaliser ; pourquoi je crois que tout n’est pas bien dans le meilleur des mondes; qu’un autre monde peut sortir du nôtre ; je vous demanderai si un homme qui pense ainsi pouvait être un ami des auteurs des attentats. Si je vous disais qu’au lieu de la haine je prêchais l’amour, si au lieu de tout détruire, je voulais tout édifier ; et si je tirais des conclusions qui sont celles de ma doctrine !

Dans mes conférences, j’ai toujours cherché la pure et saine vérité. Où se trouve la haine, dans mes conférences ? Elle ne se trouve nulle part. Je ne suis pas un être féroce, je suis pris d’une immense pitié à la vue de ceux qui souffrent, de ceux qui pleurent ; je n’ai jamais prêché la haine, fait l’apologie d’un attentat ; ma responsabilité s’arrête à mes paroles et à mes actes. Je ne suis pas un chef, les faits l’affirment et la raison l’établit. Je n’ai jamais joué ce rôle, jamais je ne l’ai cherché. Je dis et je le répète que le seul mal c’est la contrainte ; que nul ne doit confier à autrui le soin de penser pour lui ; d’agir à sa place ; que la règle du bonheur consiste à suivre les impulsions de sa libre initiative. Me mettre à leur tête serait contraire à toutes mes idées, à toute ma doctrine. On dit que mon influence impose une direction à tous ; mes idées sont à tous; je les lance, on les accepte ou on les repousse, sans que personne tienne compte de la personne qui les émet.

Je m’adresse à mes co-accusés et je leur rappelle que de leur réponse dépend peut-être leur liberté, leur avenir. Au nom de la femme, de l’enfant dont ils sont séparés, je les adjure de dire si un seul a été mon élève; si un seul peut déclarer qu’il a subi mon inspiration, que celui-la se lève, ne s’inquiétant pas de moi; qu’il ne songe qu’à la vérité; qu’il se lève, je l’en supplie.

Vous cherchez la manifestation de la vérité, vous l’avez !

Je ne suis d’aucune secte; je suis seulement un homme qui s’est fait volontairement l’apôtre d’une idée, sans s’inquiéter d’où venait celui qui l’écoutait ; ou me combattait en toute liberté.

Je suis celui qui n’a jamais rien été et ne veut rien être; celui qui, les mains pleines de vérités, les jette dans le sillon commun ; l’inventeur qui, ayant fait une découverte, la livre à l’humanité. Je suis le médecin qui, ayant découvert un remède, le répand autour de lui; je suis l’homme qui, contemplant un fleuve et voyant ses flots agités, annonce que s’il n’est pas bientôt endigué il se répandra dans la campagne. Ce fleuve, c’est celui de la misère humaine, qui se gonfle et va déborder; si l’inondation survient, la faute en sera-telle à moi ou à ceux qui n’auront pas su endiguer le fleuve ?

Depuis 1891, moi, fils de bourgeois, habitué au confortable et à l’élégance, j’ai vécu de la vie des malheureux; pour mes convictions, j’ai perdu un brillant avenir; j’ai perdu des amitiés qui m’étaient chères, j’ai été condamné cinq fois, perquisitionné plus de vingt fois; je suis détenu préventivement depuis six mois.

Après avoir été acquitté je sortirai d’ici sans ressources, sans foyer, n’ayant d’autre richesse que le sentiment du devoir accompli, quelques larmes essuyées et le rayon de vérité que j’aurai fait briller aux yeux des malheureux. Depuis six mois je suis accablé d’injures; on m’a fait même passer pour un traître à mes idées ; j’attendais avec impatience le moment de me réhabiliter.

Vous me comprenez, maintenant ; dites si le bagne me réclame ? Pour moi il n’y a pas de juste milieu ; ou bien je suis coupable d’affiliation, et alors c’est le bagne; ou bien je suis innocent, et alors c’est la liberté.

Le bagne c’est la lente agonie qui arrache chaque jour lentement au forçat une parcelle de son

cerveau, de son cœur, de son existence même. A vous de dire si c’est là le sort dont je suis digne ; à vous de décider.

L’audience, suspendue à deux heures un quart, est reprise au bout d’une demi-heure.

Dans la seconde partie de l’audience, Me Le Chaplain a présenté la défense de Ledot ; Me Aubin celle de Chatel ; Me Bougnereau celle de Aguelli ; Me Lagasse celle de Bastard ; Me Pauthès a plaidé pour Paul Bernard; Me Paul Morel pour Brunet.

L’audience, levée à six heures quinze, est renvoyée à demain pour les dernières plaidoiries, le verdict et l’arrêt.

La Gazette des tribunaux 11 août 1894