Du 18 avril 1886

Commissaire spécial près la préfecture du Rhône

Réunion publique organisée par la Fédération lyonnaise au bénéfice des grévistes de Decazeville, salle Rivoire.

Rapport sur la réunion publique organisée par la Fédération des syndicats lyonnais au bénéfice des grévistes de Decazeville, le 18 de ce mois, salle Rivoire avenue de Saxe, 242.

La séance a été ouverte à 2 heures ½ du soir. 450 personnes assistent à cette réunion dont l’ordre du jour portait :

1° Le chômage, ses causes et ses conséquences ;

2° Réduction de la journée de travail à 8 heures pour les travaux de la ville ;

3° Résistance légales ;

4° De l’utilité des syndicats

Le bureau d’ordre a été ainsi constitué :

Président : Pays, socialiste révolutionnaire ;

Secrétaire : Denonfoux, socialiste-révolutionnaire ;

Assesseurs : Vacher et Desbordes, socialistes révolutionnaires

Bernard, anarchiste :

« Vous m’avez tous connu pour un révolutionnaire ; je dois vous dire que je suis resté le même et que, pour moi, il n’y a que la force brutale dans la rue qui pourra faire la révolution.

On a pu croire pour un moment que la misère était un moyen pour faire la révolution. Non, la misère ne peut pas faire la révolution ; elle ne peut, au pis aller, que faire disparaître quelques bourgeois.

Pour faire la vraie révolution, il faut que l’étude en soit faite d’avance et que chacun sache bien où il va. On ne dit pas au peuple : « Étudiez », quand il est en mouvement ; on lui dit : « Agissez ». Pouvez-vous le lui dire en ce moment ? Non ; c’est pourquoi je reconnais que les Chambres syndicales sont bonnes et propres à faire quelque chose, surtout à faire l’étude dont je vous parle.

Je ne crois pas que vous arriviez à un résultat quelconque avec la diminution des heures de travail ; d’ailleurs vous ne pouvez avoir cette réforme que par les grèves et vous ne pourrez faire de grèves qu’avec l’organisation des Chambres syndicales, qui représentent toutes les opinions. C’est là où on apprend à se connaître et à s’aimer entre travailleurs. Les chambres syndicales sont un terrain de conciliation entre toutes les Écoles socialistes ; elles ne doivent pas se déclarer pour telle ou telle École. Les Écoles doivent être complètement de côté dans une Chambre syndicale.

Quand on lutte et qu’on remporte quelques victoires, cela donne du courage ; il faut donc venir en aide, non seulement aux grévistes de Decazeville, mais aussi aux verriers qui luttent pour leurs droits.

Je fais un appel à tous les citoyens, en les invitant à faire partie des Chambres syndicales » (Applaudissements)

Source : Archives départementales du Rhône 10 M 339