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Archives Mensuelles: juillet 2019

L’anarchiste Druelle était-il l’agent Sabin de la Préfecture de police ? (11). La brochure « Les mouchards »

31 mercredi Juil 2019

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Document Musée social.

Au public

Outrageusement calomnié par le journalisme de toutes nuances, je viens devant le public me défendre et me justifier au grand jour. Il m’importe de dévoiler la trame des odieuses machinations qui ont abouti à l’accusation infâme lancée contre moi. Dénoncé à la vindicte populaire comme mouchard, des ennemis politiques m’ont condamné sans m’entendre.

Il faut que la lumière se fasse, soit que je prouve mon innocence, soit que mes accusateurs établissent leur dénonciation sur des faits irrécusables, car il ne faut pas que le public demeure sous l’impression vague qu’on laissée les seuls documents publiés jusqu’à maintenant. C’est donc pour ces motifs que je viens établir ma non-culpabilité et tâcher de dévoiler les mobiles qui ont poussé mes accusateurs à formuler sur mon compte une aussi monstrueuse calomnie.

Dévoué à la cause de l’émancipation du prolétariat, je n’ai jamais reculé devant les devoirs que la propagande impose ; ceux qui m’ont connu peuvent certainement l’affirmer.

Le meeting de la salle Lévis n’avait été organisé que pour faire entendre à la classe bourgeoise le cri de la Révolution. Je me suis rendu dans ce meeting, comme je suis souvent allé ailleurs, pour crier à la foule la parole de liberté et d’émancipation, pour affirmer la nécessité de la révolution, pour combattre tous ceux qui, par des moyens parlementaires, créent des obstacles à la marche en avant et la ralentissent ; pour l’exhorter à se méfier des politiciens qui n’ont d’autre ambition que celle d’escalader le pouvoir et de satisfaire leurs passions de gouvernementalisme.

Il est très compréhensible que les sentiments révolutionnaires des meurt-de-faim, innés chez l’homme et entretenus par les anarchistes, aient choqué les aspirations de ceux qui n’ont d’autre but que de conquérir le pouvoir et veulent diriger la révolution. Les sentiments de haine que ces gens-là nourrissent contre les anarchistes sont donc naturels. Acculés comme ils l’étaient, ils devaient se jeter dans les machinations les plus odieuses pour déconsidérer le parti qui travaille au renversement de tous les pouvoirs et de toutes les dictatures.

Qu’il plaise à ces gens-là de dénaturer mes paroles et de me faire passer, vis-vis du public, comme un agent provocateur, c’est leur intérêt politique, et l’histoire pourrait certainement nous montrer des cas analogues au mien.

On sait parfaitement que pour ces usurpateurs, la calomnie est une arme précieuse ; ils n’en ont déjà que trop usé. Mais elle vieillit aujourd’hui ; on n’accepte plus bénévolement les jugements déclamatoires, et dans mon cas, il s’est trouvé des individus qui ont demandé à réfléchir, ont examiné l’accusation, n’y ont pas ajouté foi et sont venus me prêter leur appui pour dévoiler les trames de ces vils calomniateurs.

J’avais déjà eu connaissance de certaines calomnies débitées sur mon compte antérieurement à cette affaire de la salle Lévis. Je n’avais pas songé à provoquer immédiatement les porteurs de racontars en discussion publique, en voyant la fragilité de leur accusation. Peut-être ai-je eu tort de mépriser ces bruits, car en se répandant, ils devaient fatalement conduire les ennemis des anarchistes à me choisir comme bouc émissaire.

On a pu voir les accusations imprimées dans le Cri du peuple, on a pu voir aussi avec quelle joie tous les organes bourgeois, monarchistes, capitalistes, intransigeants, radicaux, possibilistes et soit-disant révolutionnaires, se sont fait les complices acharnés du Cri du peuple, et sont parti de là pour conspuer et dénigrer tout le parti anarchiste. Lorsqu’on assiste à cet enthousiasme collectif de tous les journaux, on doit rigoureusement en conclure que les anarchistes sont véritablement les ennemis de l’organisation sociale…..

Il ne suffisait pas d’une simple accusation pour me tuer moralement et tuer les anarchistes. Il fallait quelque chose de plus neuf, de plus frappant, pour tromper le peuple et emporter d’autant les convictions. On a imaginé un coup de théâtre et organisé une véritable comédie. La troupe d’acteurs s’est pompeusement intitulée : Jury révolutionnaire.

Les individus se prétendant les régénérateurs de la société ont-ils réellement agi comme tels ?

Non. On a vu, en effet, ces gens-là se choisir mutuellement, se réunir à huis-clos et se poser en juges suprêmes et infaillibles pour condamner un homme, leur ennemi politique reconnu. Ce sont là les actes de fantoches sinistres, usant de clinquant, de boum-boum, de tam-tam pour abuser de la crédulité publique. Ils ont cédé à une haine commune, à un instinct de bestialité pour me juger, ils ont réveillé une sauvagerie assoupie pour ameuter contre moi tous les anarchistes et tous les préjugés du passé. Et je dois, certes, le constater, malheureusement la plupart de ceux qui se disent révolutionnaires s’étaient laissés endoctriner à première vue par leurs fantasmagories.

Pourtant il s’est trouvé des individus conscients ne s’enrégimentant jamais derrière quelqu’un, ne jugeant jamais que par eux-mêmes, qui sont venus au milieu du danger, me tendre une main chaleureuse, me soutenir et m’aider à résister au flot montant des injures et des infamies.

Nous leur ferons voir à ces insulteurs, qui nous sommes, et nous montrerons au public que ce n’est point ainsi que l’on abat les anarchistes. Nous sommes peu nombreux, c’est vrai ; mais les idées que nous semons ont plus de force que toutes les théories menteuses et surannées sur lesquelles les autoritaires de n’importe quelle couleur, tous ces aspirants aux gouvernements futurs cherchent à asseoir leur autorité.

Oui, ils croyaient ne trouver en nous que des hommes faibles, ils comptaient que la défection autour de l’accusé serait complète. Ils ne pensaient pas qu’il se trouverait des hommes sachant s’élever au-dessus de ces immondes intrigues.

Qu’à-t-on vu dans ce jury révolutionnaire ? Quelles sont les preuves qui ont été fournies sur ma culpabilité ? Quelles sont les questions qui ont été posées ? A qui ont-elles été posées ? Je démontrerai que rien ne subsiste de ce qui a été avancé contre moi.

Ce que l’on peut constater en passant, c’est que des individus, se posant en farouches adversaires des institutions sociales actuelles, se sont prostitués à ces institutions. Ils attaquent journellement la magistrature ; ils se sont choisis juges suprêmes et sans appel pour me juger ; ils crient à l’infamie de la police, ils se sont appuyés sur la police pour me condamner.

Je suis venu au Cri du peuple lorsque ce concile concluait ; je venais exiger ma comparution pour entendre les accusations et présenter ma défense. Je me suis heurté au plus obstiné des partis pris. J’ai vainement réclamé des éclaircissements, on s’est retranché lâchement derrière une résolution prise collectivement, derrière le fait accompli.

Je fus arrêté le lendemain, et je ne fus remis en liberté provisoire que quatre jours après. Immédiatement je m’occupai de prouver la fausseté des accusations portées contre moi.

Je profitai de qu’une réunion avait été organisée sous l’inspiration de quelques-uns de mes accusateurs, au groupe les Misérables, réunion à laquelle étaient invités tous les révolutionnaires sans distinction d’opinion. Je m’y présentai. Un rapport venimeux fut lu sur moi. Des questions me furent posées. J’y répondis. J’en posai aussi à mes accusateurs. Ils ne purent répondre avec franchise. Je les terrassai.

Mais cela était insuffisant et était en outre absolument en dehors de mon action. Aussi espérant rencontrer un certain appui chez des journaux qui se targuent d’une indépendance relative, j’adressai, m’appuyant pour ces communications sur les compagnons Cousson et Mollin, la note suivante aux journaux la Bataille et Terre et Liberté.

Aux anarchistes

Compagnons

« Attaqué violemment par le Cri du peuple, calomnié d’une façon odieuse, accusé d’être un mouchard ! Il est nécessaire d’expliquer les manœuvres indignes des misérables qui en essayant de me salir, visent bien moins ma personnalité, que l’idée à laquelle j’ai voué ma vie.

Condamné par un jury soi-disant révolutionnaire, je n’ai pu me défendre. Pires que la magistrature bourgeoise, les jurés du Cri du peuple prononcèrent leur verdict sans m’entendre.

Aux accusations lancées par le Cri du peuple, je démontrerai aux anarchistes les preuves de la fausseté de ces calomnies.

Ma vie privée est ouverte à tous, que tous ceux qui sont réellement révolutionnaires fassent une enquête et ils verront si j’ai vécu à la solde de Girard.

Le cri du peuple a annoncé mon arrestation en déclarant qu’elle était l’œuvre de la police pour me soustraire à la vengeance des anarchistes. Il s’est bien gardé d’apprendre à ses lecteurs ma mise en liberté provisoire qui eu lieu mardi matin avec celle des citoyens Leboucher et Ponchet.

De plus, le Cri du peuple, a annoncé une communication du groupe « Les Misérables » du XVe arrondissement pour la réunion de jeudi dernier. Je me suis présenté à cette réunion et il ne m’a pas été difficile de prouver les infamies lancées contre moi. Le Cri du peuple a fait la lâcheté du silence pour cette réunion.

On m’a dénoncé comme agent provocateur, parce que à la salle Lévis, les meurt de faim ont acclamé la révolution sociale, répudiant les palliatifs que voulaient leur proposer les pitres révolutionnaires de la foire électorale. On m’a accusé d’avoir engagé les travailleurs à sortit immédiatement dans la rue. C’est là un mensonge et le Cri du peuple s’est fait l’agent de la police en me dénonçant à la justice bourgeoise.

On a voulu me tuer parce que j’étais un obstacle à l’ambition de quelques soi-disant révolutionnaires.

Poursuivi par les tribunaux et accusé d’être un mouchard, je n’en conserve pas moins toute mon énergie. Dédaignant les attaques de quelques misérables qui se sont alliés au Cri du peuple et pour lesquels je n’ai que dédain et mépris ; je remercie les amis qui sont venus m’offrir leur concours pour démontrer la lâcheté des accusations lancées contre moi. Je démontrerai à tous, mon innocence, et anarchistes, je ne reculerai point devant les moyens pour me faire justice. Et qu’on sache bien que ce n’est point, dans le silence du cabinet que je donnerai les preuves de ma non-culpabilité. Au Cri du peuple et au jury déclarant leur mission terminée et qu’il n’y a plus de mouchards parmi nous, nous démontrerons à tous les révolutionnaires leurs infamies, nous jetterons à bas les masques, nous citerons non point des calomnies, mais des faits, rien que des faits. Et cela, nous le répétons, non point dans l’ombre, mais au grand jour, en pleine lumière. C’est ainsi qu’agissent tous ceux qui n’ont rien à redouter.

E. Druelle

7 rue Saint-Lambert Vaugirard

Malgré les insistances de ces deux amis, j’essuyai un refus forme. Ne pouvant compter sur aucun organe, nous décidâmes de marcher par nous-mêmes et de ne compter que sur nos propres forces. Aux deux camarades dont j’ai parlé vinrent s’en adjoindre plusieurs autres, parmi lesquels mon amis Faliès.

C’est alors que nous fîmes l’affiche collée sur les murs de Paris et ainsi conçue :

Pour paraître le samedi 27 décembre 1884

Les mouchards par Sabin-Druelle

prix 1 fr.

En vente sous les galeries de l’Odéon

Outrageusement calomnié par le journalisme de toutes nuances, je viens devant le public, au grand jour, me défendre et me justifier.

Eugène Druelle,

ouvrier électricien

7 rue Saint-Lambert Paris

Cette affiche annonce que dans une brochure je prouverai l’infamie des accusations. Cela sera fait. Mais, je l’avoue, des circonstances imprévues m’ont empêché de tenir ma promesse à l’heure dite.

Les recherches des preuves de ma non-culpabilité que j’ai dues faire avec mes trois camarades, m’ont entraîné très loin et ne m’ont pas laissé le temps matériel de publier ma défense. Mais je ne pouvais laisser passer la date fixée par moi sans m’expliquer. C’est dans ce but que je publie ces quelques pages, qui doivent, pour ainsi dire, servir de préface à ma défense.

En ce moment, nous sommes engagés dans des recherches plus approfondies, et il nous faut quelque temps encore pour livrer nos résultats à la publicité.

De plus, il faut manger pour vivre ; j’ai cherché et trouvé du travail qui me laisse peu de temps de liberté.Je ne puis donc faire tout ce que désirerais.

Aussi ai-je chargé pour ainsi dire, mes camarades Cousson, Falliès et Mollin de m’aider à sortir de la situation où je me trouve, en me sacrifiant leurs instants de liberté. Ce sera donc dans le courant de février 1885 que paraîtra irrévocablement ma justification.

Donc, que le public ne considère bien ce qui précède que comme une simple introduction à ce que j’ai à dire dans le livre Les Mouchards, livre dans lequel je dévoilerai avec des preuves à l’appui, par des faits irréfutables, les machinations odieuses ourdies contre moi et partant contre les anarchistes, dans lequel je saurai faire tomber les masques et mettre à jour les perfidies sans nom de mes lâches calomniateurs.

Alors, mais seulement alors, le public pourra juger.

Eugène Druelle

ouvrier mécanicien

7 rue St-Lambert, Paris

 

Les mouchards par Sabin-Druelle. Paris. En vente sous les galeries de l’Odéon. Dépot chez Gabriel Mollin 1 rue Godefroy. 1885

Les anarchistes dans la province de Liège. Henri Cardinal dénonce « les meneurs du parti ouvrier, qui se gorgent de viande et vivent en parasites au détriment des ouvriers ». 16 mai 1887

30 mardi Juil 2019

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Gendarmerie

Compagnie de Liège

Meeting socialiste-anarchiste

Un meeting socialiste-anarchiste, auquel assistaient 70 à 80 personnes, a été tenu hier, de 9h à 11heures du soir, au (?), quai de la Batte à Liège. Les citoyens Piedboeuf, Cardinal, Forêt et Volant y ont pris successivement la parole et ce à plusieurs reprises. Le premier nommé Piedboeuf, après avoir constaté les progrès faits par les socialistes depuis un an, conseille aux ouvriers de former des corporations et des syndicats, de marcher avec ensemble pour réclamer paisiblement et le cas échéant prendre par la force le suffrage universel, la personnification civile des sociétés ouvrières, l’abolition du remplacement et de l’armée permanente et si une armée est jugée nécessaire, qu’elle soit démocratique, il demande aussi la gratuité de la justice, l’instruction gratuite, laïque et obligatoire afin que la bourgeoisie et l’aristocratie ne soient plus seules maîtresses du pouvoir.

Le citoyen Cardinal monte ensuite à la tribune et au milieu d’un tumulte, de provocations et de discussions qui ont lieu dans l’auditoire entre socialistes et anarchistes et où ceux-ci semblent être le plus grand nombre, combat les théories de son prédécesseur, dit que celui-ci est payé pour donner des meetings, attaque les membres du comité et les meneurs du parti ouvrier, qui se gorgent de viande et vivent en parasites au détriment des ouvriers qui les paient et qui crèvent de faim ; il préconise la révolution purement et simplement, disant que la société est pourrie, qu’elle doit être renouvelée et montre les pays de suffrage universel tels la France, la Suisse et l’Allemagne où l’ouvrier est tout aussi malheureux qu’en Belgique.

Les citoyens Piedboeuf, Forêt et Volant répondent alors à ce dernier, conseillant aux ouvriers de se grouper et finalement proposent, ce qui est accepté, de donner dimanche prochain, 22 courant, à 3 heures, un meeting contradictoire entre socialistes et anarchistes, rue Neuve 18, en cette ville.

Ce meeting s’est terminé sans autre incident et l’ordre n’a pas été troublé. La présence d’aucun militaire n’y a été remarquée.

17 mai 1887

XV A 58

Les anarchistes dans la province de Liège. Meeting à Seraing. 24 avril 1887

29 lundi Juil 2019

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Gendarmerie

Compagnie de Liège

Lieutenance de Seraing

La Ligue des métallurgistes a tenu un meeting sous la présidence de son secrétaire, le nommé Smet, le 24 courant de 3 h ½ à 5h ¼, à la salle Douroy à Seraing.

Smet y a parlé et a fait connaître que la grève générale était imminente, qu’il l’appelait de tous ses vœux et que les ouvriers devaient comprendre par là que grève générale voulait dire : révolution. Il dit que l’on ne doit pas craindre l’armée, qu’il était convaincu que la plupart des soldats ne tireraient plus sur leurs frères ; « nous n’avons plus devant nous, dit-il, que la gendarmerie et la police, chez qui nous rencontrerons encore de l’énergie, mais qu’importe, cela ne doit pas nous arrêter ; il est inutile d’attendre plus longtemps ».

Le nommé Moreau de Bruxelles, n’est pas de cet avis, il explique à l’auditoire ce qu’est une grève générale, et dit que l’on doit auparavant être préparé et avoir des ressources en suffisance, dans ce but il engage les ouvriers à s’associer, se coaliser et surtout faire la propagande parmi les miliciens afin de les faire entrer dans les ligues, qu’en s’y prenant dès maintenant, pour 1889, ils auront l’armée à eux ; ce sera seulement alors, le moment de faire la grève générale.

Un anarchiste de Verviers, le nommé Wigsman, et un autre également de cette ville, dont le nom n’a pu être connu, préconisent, comme Smet, la grève générale immédiate ; à leur avis, il est inutile d’attendre que les ouvriers se soient crées des ressources pour la faire, les bourgeois ont leurs magasins remplis de marchandises, on n’a qu’à s’en emparer de force.

Ils veulent la révolution, à bref délai, la suppression de tous les pouvoirs et de tout maître ; pas de suffrage universel, disent-ils, puisque tout autorité doit disparaître.

250 personnes environ dont aucun militaire, assistaient à cette réunion où l’ordre a régné tout le temps.

25 avril 1887

Source : Archives de l’Etat à Liège. Archives de la province de Liège. Sûreté publique, XV A 53

Les anarchistes dans la province de Liège. Meeting à Dison. 24 octobre 1886

28 dimanche Juil 2019

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Gendarmerie

Compagnie de Liège

Lieutenance de Verviers

Meeting à Dison

Le 24 octobre 1886 à 9h du soir, un meeting a été organisé par le Cercle d’études sociales de Dison, dans le café du sieur Mathieu Cornet.

Renkin de Dison, président lit un long mémoire pour définir la signification du mot « anarchiste» ; il engage les ouvriers à se former en petits groupes et à s’instruire en lisant le journal « La Liberté » qui renferme le programme anarchiste.

Fils, de Verviers, parle dans le même sens que le précédent ; quand le moment sera venu il faudra agir avec toute la violence possible ; il blâme les chefs du parti ouvrier de prêcher constamment le calme, s’ils ne l’avaient pas fait lors des troubles de Liège et de Charleroi on aurait aujourd’hui la révolution.

Noël de Dison, critique la conduite des anarchistes qui dans chaque meeting désapprouvent les théories du parti ouvrier ; il blâme les orateurs précédents de montrer à l’ouvrier leur désunion ; c’est cependant vers le même but que socialistes et anarchistes marchent ; si on peut y arriver d’une manière pacifique, c’est préférable, mais s’il faut aller aux barricades, le socialiste sera à côté de l’anarchiste.

Terminé à 11 heures. Environ 40 personnes présentes, aucun militaire. L’ordre n’a pas été troublé.

25 octobre 1886

Source : Archives de l’Etat à Liège. Archives de la province de Liège. Sûreté publique, XIV A 243

Campagne de publicité pour la colonie d’Aiglemont

26 vendredi Juil 2019

Posted by fortunehenry2 in Fortuné Henry

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Saison 2 : Fortuné Henry, l’animateur de la colonie l’Essai d’Aiglemont. Lire l’ensemble des épisodes.
Sixième épisode épisode : Campagne de publicité pour la colonie d’Aiglemont

 

Fortuné Henry. Album Bertillon septembre 1894. CIRA de Lausanne.

Durant le mois d’août 1904, Jules Lermina, un ami de Fortuné Henry qui tient une rubrique dans le quotidien Le Radical, vient passer une semaine à la colonie et y publie dix articles sous le titre « Bavardage ». Il fait du cadre bucolique, entourant l’Essai, une description enchanteresse : « Autour de moi, formant le cadre d’une clairière de deux hectares en demi-lune, la forêt, avec ses épaisses frondaisons de chênes, de bouleaux, de charmes et de hêtres, dont les feuilles chargées de rosée, frissonnent au premier soleil du matin.

On dirait un double collier de velours vert, sur lequel scintillent des diamants : au dessus de moi, le ciel d’un doux bleuté, dans lequel passe de subtiles nuées, flocons de fumée blanche. »1

Jules Lermina republie ses chroniques peu après dans le Libertaire sous le titre « Bien être et liberté »2 qui résume à lui seul son état d’esprit à Aiglemont : « Je nage dans une atmosphère de calme, je plonge dans un bain de placidité, tandis qu’à distance j’aperçois les camarades – car il ne s’agit pas d’une île déserte, bien au contraire – qui binent les haricots, sarclent les pois, creusent l’étang, fauchent ou bottellent le foin.

C’est une expression de bien-être complet, une de ces sensations inexprimables qui nous pénètrent jusqu’au plus profond de soi.

Un des travailleurs siffle un air d’opéra qu’il arrange à sa façon, et c’est un gazouillis très doux qui se perd dans l’espace, les voix humaines, dans cette solitude, ont une harmonie singulière qui s’accorde aux bruissements de la forêt et au pépiement des oiseaux.

La chienne Néra, assise sur ce qui lui sert à cela, me regarde à distance, se demandant peut-être ce que peut bien faire là ce fainéant qui ne pioche, ne fauche, ni ne bine ».

Jules Lermina et Adrienne Tarby. Agrandissement CP n°3

Lermina émet tout de même un bémol concernant la maison d’habitation et semble trouver la nourriture un peu sommaire: « Oh!ne supposez pas que ce soit encore un Eden. La maison d’habitation est plus que rudimentaire ; on ne vit pas encore de chaud-froid de volailles, mais de lait, de légumes, d’un peu de viande, à sa faim bien entendu, et même avec le café. Mais enfin on vit bien, et le grand air, l’ambiance saine des bois vous tiennent en santé.

Pas une goutte d’alcool. Pas même de vin. Rien que de l’eau des sources, qui ont des saveurs diverses. Il en est une de spécialement réservée pour l’apéritif.

Mais quand à la maison d’habitation ! Baste ! Il ne s’agit là que de sa peau et on n’en est pas bien soigneux. On a construit cela le plus vite possible pour ne pas perdre le bon temps du printemps à faire du confortable aux dépens du nécessaire.

Donc cette maison a été faite de terre battue et séchée et elle est couverte en chépois. Quid le chépois ? Une graminée, paille fine et lisse qui pullule dans ces parages. Vingt fois meilleure que le chaume pour les toitures.

Tout le monde y a mis la main et cela a été bâclé à la six quatre deux.

Si bien que cette nuit… voilà qu’éclate subito un orage du tonnerre de chien. Oh ! Mais là, vous savez, un de ces bons déchaînements dont dame nature a le secret…

Il était trois heures du matin, je dormais du sommeil de l’innocence, qui ressemble d’ailleurs tout à fait au sommeil du crime. J’avais arrosé des choux, des carottes et des oignons… donc, plein repos…

Quand je reçois sur la hure – pardon, sur le visage – une douche d’eau ! Non ! Quelle averse ! C’était le chépois qui, gonflé par la pluie, s’était déplacé … et vlan l’inondation commence !

Les camarades, entendant mes gloussements, accourent. Ce qu’on s’est tordu ! Bref, on a épongé, canalisé la pluie, qui ne cessait de faire rage, avec accompagnement de ronrons formidables…

Il n’en a été que cela… Seulement ça a duré trois heures d’affilée ! Et je n’ai pas dormi une minute de plus.»3

Les bâtiment en bois comportent des écriteaux avec des devises explicites « Nul ne peut être heureux tant qu’il y a un seul malheureux » ou « Le plus de bien être possible, au prix de la moindre souffrance ».4

Mais avec quel objectif Jules Lermina publie-t-il cette série d’articles dans le Radical ? : « Par moi et par mes amis, nous allons nous efforcer de constituer le très petit capital – quelques milliers de francs – qui permettront de hâter cette éclosion de justice.

N’est-il personne qui vienne se joindre à nous pour cette œuvre d’avenir ? Allons un bon mouvement ! Jamais la réforme sociale, la vraie, n’a été plus près de sa réalisation.

Pour ma part, je ne sache pas de plus grande joie que d’y contribuer ».5

L’appel du pied à souscrire à l’emprunt de 5.000 francs, lancé par Fortuné Henry dans le Libertaire, est implicite.

Cet appel reçoit un écho presque inespéré, puisque Lermina peut annoncer dans le numéro du 14 septembre 1904 : « je vous le dit, la colonie d’Aiglemont est aujourd’hui hors de gêne, et c’est aux lecteurs du Radical que cette heureuse issue est due. Son budget d’établissement a été constitué par de braves cœurs qui n’ont pas hésité à apporter leur obole – parfois très forte (j’ai encaissé jusqu’à 1.000 francs d’un coup) – pour aider à cette œuvre de réforme sociale ».

Dans les Ardennes, même la Fédération socialiste soutient la colonie d’Aiglemont, un appel est lancé dans les colonnes du Socialiste ardennais pour l’achat d’une vache : « L’Essai de Fortuné Henry est une démonstration qui mérite tous les encouragements. Bien des choses utiles manquent encore à la colonie. Et notamment le lait, si nécessaire aux enfants et si utile aux adultes. Nous croyons être l’écho des nombreuses sympathies qui entourent la jeune colonie L’Essai, en ouvrant dès aujourd’hui une souscription destinée à l’achat d’une génisse au profit de la colonie d’Aiglemont. Nous prions tous les camarades qui le peuvent d’adresser leur obole de fraternité au bureau du journal. Des listes de souscription sont, dès maintenant, à la disposition des camarades qui voudront bien s’en charger ; s’adresser au citoyen Lainel, au bureau du journal.»6

Fortuné Henry et la vache Jolie. Agrandissement CP n°9, photo de presse, agence Rol. Gallica.

La souscription est couronnée de succès, la vache est surnommée Jolie, à son arrivée à la colonie. On la voit même photographiée sur l’une des cartes postales éditées par la colonie, aux côtés de Fortuné.

Mais localement si L’Essai est soutenu par Le Petit ardennais et le Socialiste ardennais, la droite au travers d’un de ses journaux les plus agressifs commence une campagne tantôt humoristique, tantôt

fielleuse, moquant la souscription pour l’achat de Jolie, la « génisse d’honneur à ces aimables anachorètes » : « On en rira longtemps à Aiglemont. Là, en effet, on sait en quoi consiste le travail de ces messieurs ; on sait que les ressources ne manquent pas à la colonie, qui n’hésite pas à faire appel à la bourse des philanthropes de tous les pays.

On sait qu’une aimable compagnie égaie parfois la triste solitude de Gesly. Enfin, on n’ignore pas les visites de l’automobile social, chargé des plus solides moellons du Bloc.

Ce que tout le monde ne sait pas, et ce qu’il serait intéressant de tirer au clair, ce sont les relations de la Colonie avec l’administration.

  • Serait-il vrai qu’il y a quelques mois, les colons, nouveaux trappistes, ayant commencé à défricher les bois entourant leur propriété, une observation leur fut faite par un modeste défenseur de la propriété ?
  • Serait-il vrai que l’observation ayant été fort mal reçue, la colonie reçut la visite d’un garde chargé de la surveillance des bois des communes ?
  • Serait-il vrai que, plus mal reçu encore, celui-ci revint à la charge accompagné de son chef ?
  • Que ce gradé, sur la remarque que personne ne devait défricher sans une autorisation administrative, reçut cette verte réponse : « Fichez-nous la paix ! Nous ne connaissons pas la loi. Si vous voulez des renseignements sur nous, adressez-vous au Ministère de l’intérieur. Nous ne relevons que du Ministère ! »
  • Serait-il vrai, chose qui a plutôt « estomaqué » certain gros bonnet du Bloc au récit qu’on lui fit au Petit Ardennais, que peu de jours après la visite forestière, la Colonie libertaire reçut, sans l’avoir demandé, l’autorisation de défricher ?
  • Serait-il vrai qu’un des chapitres du budget de la colonie (côté recettes), porte le titre de « Indemnités extorquées aux chasseurs pour prétendues déprédations commises par leurs lapins », et que certains de ces nemrods, peu soucieux de continuer des relations avec les libertaires, désireraient résilier le bail de leur chasse ».7

La série d’articles de Jules Lermina dans le Radical touche certainement un large public, le mois de septembre 1904 voit l’arrivée à Aiglemont « d’une compagne d’un certain âge, séduite par ce qu’elle connaissait de la vie au Gesly ».8

Émilie. Agrandissement CP n°12, photo de presse agence Rol. Gallica

Francis Jourdain raconte en détail la venue de celle dont le nom reste inconnu mais prénommée Emilie : « Par dévotion au souvenir de son défunt, une veuve à cheveux blancs continuait à lire le quotidien cher à son vieux franc-maçon de mari. Les articles de Lermina eurent toute son attention. Elle vivait seule, elle achevait dans la tristesse et – grâce à de maigres économies – dans l’inactivité, une existence grise que le travail et les soucis, puis les deuils avaient emplie. Pourquoi, pensa-t-elle ne pas aller demander aux être généreux, fraternels et bons dont parlait Lermina, une petite place à leur heureux foyer ? Elle pouvait encore, ménagère expérimentée, rendre de petits services et lorsqu’il s’agissait d’une communauté comme celle dont son mari avait rêvé, elle remettrait son modeste bien entre les mains des bons compagnons au milieu desquels elle attendrait paisiblement la mort. Mourir en voyant poindre ce qu’une chanson fredonnée par le cher disparu appelait le soleil de l’Égalité, mourir dans la sérénité, ayant acquis l’espoir, la certitude d’une humanité réconciliée avec elle-même ! … Quelle belle fin !

La bonne vieille écrivit à Lermina. Lermina crut certainement accomplir une bonne action en conseillant à Fortuné d’accepter la proposition qu’il était chargé de lui transmettre. En quelques jours l’affaire – hélas ! C’était bien d’une affaire qu’il s’agissait – fut conclue. La douce veuve ravie expédia à Aiglemont son buffet Henri II, son armoire à glace, son lit, les quelques meubles qu’en sortant du logement dont elle avait donné congé, devenaient propriété commune. »9

Quelques jours après l’arrivée d’Émilie, une famille avec deux garçons, puis un couple, viennent tenter l’expérience. L’Essai compte désormais 11 colons. « Les animaux aussi augmentent : 90 poules, 50 canards, 50 lapins, une vache, un cheval, 6 chèvres et 50 pigeons ».10

Prosper l’Aveyronnais, agrandissement CP n°8

La famille avec les deux garçons est très probablement celle de Prosper, dit l’Aveyronnais, accompagné de sa femme et de leurs deux fils « Georges, un solide gars de 14 ans, fort comme un turc et qui a récemment quitté le lycée, et Étienne âgé de sept ans ».11Prosper a quitté le Rouergue de bonne heure. Il était poseur de voies à la Compagnie des tramways à Paris, « quand son amour de la liberté le pousse à Aiglemont ».12

Georges, agrandissement CP n°9, photo de presse, agence Rol. Gallica.

C’est dans cette phase de développement que la colonie publie une série de 6 cartes postales, destinée à être vendue à son profit.

Le Libertaire annonce qu’il possède 50 collections, mise en vente au journal : les six cartes postales pour 60 centimes, 70 par la poste.13

Fortuné obtient de se faire interviewer, à cette occasion, par Albert Meyrac, le rédacteur en chef du Petit ardennais, il confirme le nombre de 11 colons et pour lui justifier de la bonne santé de la colonie lui montre la série de cartes postales, faisant l’historique de l’Essai. Il annonce un tirage de 12.000 cartes qui est immédiatement épuisé, un second et un troisième tirage, plus forts que le précédent 14 ont le même succès.

Fortuné au cours de l’interview avec Albert Meyrac, explique également que les colons ont mis sur pied un kiosque où ils vendent brochures et journaux de propagande, à un prix modique pour les touristes, promeneurs et curieux. L’Essai s’est également équipé d’un cheval, et d’un char-à-bancs, indispensables pour les courses en ville ou aux alentours.

La colonie dispose également d’un bibliothèque de douze cents volumes dont un millier apportés par Fortuné.

L’hiver s’annonce donc sous les meilleurs auspices d’autant que la colonie voit en octobre l’arrivée d’un nouveau membre, André Mounier. L’effectif est alors de 12 hommes et femmes.

Notes :

1 Le Radical 6 août 1904

2 Le Libertaire 17 et 24 septembre 1904

3 Le Radical 7 août 1904

4 Le Radical 9 août 1904

5 Le Radical 18 août 1904

6 Le Socialiste ardennais 3 septembre 1904

7 La Dépêche des Ardennes 11 septembre 1904

8 En communisme. La colonie libertaire d’Aiglemont par André Mounier. Publications périodiques de la colonie d’Aiglemont n°3, avril 1906, p. 6

9 Né en soixante seize par Francis Jourdain, revue Europe juin 1950

10 Le Libertaire 8 octobre 1904

11 Le Temps 11 juin 1905

12 Ibid.

13 Ibid.

14 Milieux libres par G. Narrat, p. 116

Remerciement à cartoliste pour les reproductions en haute définition des cartes postales, ayant permis de tirer des portraits des colons.

Documents :

A la colonie « l’Essai » d’Aiglemont

Jeudi, Fortuné Henry vint au Petit Ardennais nous faire visite. Naturellement il fut« interviewé».

— Eh bien, lui demandons-nous, cela marche-t-il comme vous le voulez à la colonie d’Aiglemont ?

— Merveilleusement, nous répond-il, au-delà même de nos espérances. Nous sommes onze camarades, déjà. Certain journal de Charleville, dont la montre retarde d’au moins un siècle et demi, et que, d’ailleurs, je ne lis point avait raconté, du moins on me l’affirma, que notre essai de colonisation était abandonné, que nous étions partis, « laissant tout en plan », et le ne sais encore quelles autres stupides balivernes.

Pauvre journal qu’effraie les questions sociales actuelles — autant vaudrait nier le soleil en plein midi — et qui regrette les temps monarchiques ! Jamais notre colonie n’a mieux prospéré. Depuis son origine si modeste, vous le savez, elle ne fit que croître, que s’arrondir. Voyez plutôt.

Et Fortuné Henry nous montrait six jolies cartes postales illustrées — elles s’insinuent

partout, maintenant, — qui racontent à la vue toute l’intéressante genèse de la colonie.

— Voici, nous dit-il, notre « premier pas de Communisme expérimental » ; au pied de cet arbre une hutte et, à son orée, le chien qui veille ; le chien ce fidèle compagnon à quatre pattes de l’homme, déjà son gardien et son aide aux époques pré-historiques.

N’est-ce pas que ce tableautin vous donne comme une impression des temps primitifs, alors que l’espèce humaine s’essayait à la vie ? Puis voyez nos abris rudimentaires, certes, parce que, construits par nous, mais commodes et nous garantissait a souhait du soleil ou des averses. Voici l’étang que nous avons aménagé ; nos bâtiments d’élevage pour les moutons, les vaches et les brebis. Regardez, cette cinquième carte ; nous voyez-vous en plein travail ces champs, moissonnant, et récoltant nos légumes. Puis enfin, devant notre maison, tous ces nombreux amis qui voulurent, en souvenir de leurs bonnes et fréquentes visites être pris sur le vif au milieu de nous ?

— Et de ces cartes vous fîtes-vous un grand tirage ?

  • Oui ! Un tirage de douze mille, et certainement nous les vendrons. On y verra que nous sommes des travailleurs, des citoyens paisibles, faisant, en loyauté parfaite, un essai de communisme. Et pourquoi ne l’aurions-nous point tenté, ou renouvelé plutôt, puisque l’avaient, soit en théorie, soit en pratique, tenté déjà Fourier et Cabet. Les produits de notre récolte, les poissons de l’étang nous assurent la vie matérielle. En outre, pour le profit du fond commun nous installâmes un petit kiosque où nous vendons brochures et journaux de propagande.

  • Oh ! Pas très chères, sans doute, ces brochures : car autrement…

  • Pas chères en effet ; dix centimes, deux ronds, pas davantage, chaque brochure. Ou nous en achète beaucoup. Les amis qui nous viennent voir, les touristes, les promeneurs, les curieux qui veulent s’arrêter et nous regarder, parfois un brin, comme on regarderait des phénomènes — que nous ne sommes pas je vous l’assure, et vous le savez — tous, emportent leur brochurette et nous en sommes d’autant plus ravis qu’ils y trouvent les bons enseignements humanitaires et républicains. Ils sont, d’ailleurs, fort intéressants ces opuscules, écrits sans prétention par nos publicistes les plus en vue, par nos économistes les plus compétents, qui savent ce qu’ils disent et ce qu’ils veulent, désireux de convaincre non par la violence mais, et c’est la meilleure méthode, comme aussi la plus sûre, par les arguments irrésistibles, l’exemple et la persuasion.

  • Et puis, nous avons un petit cheval, et puis nous avons un char-à-bancs, celui-ci et celui-là, vous le pensez bien, indispensables pour nos courses en ville ou aux alentours ; et puis, aussi, notre bétail s’accroîtra : n’est-ce point nécessaire dans une colonie agricole, toute communiste -soit-elle ?

  • Nos voisins d’Aiglemont nous aiment beaucoup ; ils sont presque tous conquis ou, tout au moins, fort intéressés. La défiance primitive, la curiosité qui suivirent, se sont, je crois, changées en sympathie réelle. On s’est convaincu que nous étions d’entière bonne foi et qu’avant tout nous sommes, non des révolutionnaires dans le sens inexact que certaine bourgeoisie trop craintive donne à ce mot, mais des travailleurs épris de solidarité !

  • Voilà, maintenant disons-nous à Fortuné, que s’approchent les longues soirées d’hiver. Vos travaux agricoles sont interrompus sans doute : que comptez-vous faire ?

  • Ces longues soirées d’hiver, répond-il, nous les voyons arriver sans crainte, et même non sans certain plaisir. Aux occupations manuelles, aux travaux du corps succéderont les travaux et les occupations de l’esprit. Nous lirons en commun, l’un de nous lisant à haute voix, pour tous ; et qui voudra lire seul, ou écrire, pourra facilement s’isoler avec son livre. — Vous avez donc une bibliothèque ? — Oh ! un commencement, mais tout de même un joli commencement. Environ douze cents volumes. Pour ma part j’en portais un millier, les miens, à l’association. Si vous vouliez nous en donner quelques-uns, quel plaisir vous nous feriez ! Surtout votre si complète Géographie illustrée des Ardennes qui nous apprendrait à connaître, mieux encore qu’il ne l’est, et mérite de l’être, ce curieux et pittoresque pays d’Ardenne !

  • Oh ! très volontiers. Et ayant promis ma Géographie, je faisais lier, tout aussitôt, un paquet de six volumes que, par un heureux hasard, j’avais en ce moment même sous la main. — Merci ! merci ! dit Fortuné, mais il faudrait que votre exemple fut suivi.

  • Eh bien ! peut-être le sera-t-il. Pour-quoi ceux qui liront cet « interview » n’auraient-ils pas l’idée de vous envoyer quelques volumes ?

  • Je le désire, et ils seront les bien accueillis, quels qu’ils soient, et maintenant, à bientôt ! Sur cet au revoir que scandait la poignée de main, nous quitta ce petit homme — il est plutôt de taille moyenne,— à figure énergique mais que l’on devine être une énergie persuasive et douce, aux yeux tenaces et d’un regard franc, au tempérament d’apôtre ; un apôtre de la solidarité humaine ; — et malgré moi me revint à la mémoire, le commencement de la célèbre ode d’Horace : Jusium ac tenacem propositi virum… etc., etc. .: « l’homme inflexible dans ses principes est sourd à tout bruit… Que l’Univers s’écroule autour de lui : ses débris le frapperont sans l’ébranler.

Albert MEYRAC.

Le Petit ardennais 9 octobre 1904

 La collection de 6 cartes postales « Communisme expérimental. Colonie l’Essai d’Aiglemont (Ardennes) » à voir sur cartoliste

Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Le procès en correctionnelle vu par le journal « Ni dieu ni maître »

25 jeudi Juil 2019

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Les condamnations

Un premier groupe d’anarchistes, ceux qui ont été arrêtés jeudi soir, comparaissaient mercredi devant le tribunal correctionnel. Ils sont au nombre de 42, dont 22 sont détenus.

Voici les noms des prévenus :

Détenus : Edouard Wagener, Grave, Jacob Melchers, Théodore Collard, Emile Pickheusen, Lignon, Hubert Redouté, Jean Lejeune, Pierre Delhex, Jean-Hubert Bollen, Alfred Lenssens, Jules Tilleur, Théodore Raze, Louis Dozin, Charles Verlée, Bemelmans, Joseph Bronsin, Alphone Vonherck, Schoolmeesters, Nicolas Monthieux, Joseph Thirard, Victor Hubert.

Un grand nombre d’avocats chargés de présenter la défense de ces inculpés, se pressent à la barre.

Des mesures de police exceptionnelles ont été prises dans le prétoire et aux abords du tribunal.

On n’arrivait dans la deuxième cour du palais qu’en traversant une ligne compacte de soldats d’abord, de gendarmes ensuite.

La consigne la plus sévère avait été donnée de ne laisser entrer que les avocats en robe et les témoins porteur d’invitations du parquet.

La salle d’audience présentait un aspect des plus animés, dix gendarmes forment la haie depuis la porte d’entrée, jusqu’au prétoire. Une foule de commissaires et d’agents de police en tenue garnissent les bancs réservés aux témoins.

Devant le tribunal, sur la table servant à réunir les pièces à conviction, se trouvent les drapeaux rouges, revolvers, cannes, parapluies saisis sur les délinquants ; à terre un tas de pierres provenant des mêmes.

Le tribunal entre en séance, il est composé de MM. Demarteau, président, Delchambre et Philippart, juges ; M. Remy, substitut du procureur du roi, occupe le siège du ministère public.

Un premier prévenu est introduit, il se nomme Jean-Baptiste Vanheck, 20 ans, ouvrier à Liège. Il est prévenu de bris de clôture de glace au Pont-d’Ile et de recel d’un parapluie volé.

M. Remy requiert une peine sévère eu égard aux circonstances.

Le tribunal condamne Vanheck à 10 mois de prison pour recel et à 4 mois de la même peine pour bris de clôture.

2° Charles Verlée, 36 ans, mineur, a brisé les carreaux de l’aubette du tram, place St Lambert et a frappé le commissaire de police Taelmans qui l’empêchait de briser une glace au Continental.

Il est condamné à 3 mois de prison pour bris de clôture et à un an pour rébellion.

3° Wagener est condamné à 6 mois pour bris de clôture ; il aura à répondre d’autres préventions plus graves.

Ni dieu ni maître 28 mars 1886

Lire le dossier : Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Mars 1886

Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Événements à Seraing, Tilleur et Jemmepe.

24 mercredi Juil 2019

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Seraing

Lundi, à deux heures, a eu lieu à Seraing, salle Legrand, un meeting organisé par les anarchistes de Seraing et des environs. La salle était comble. Au sortir du meeting, la foule a eu maille à partir avec les gendarmes et les lanciers. Des coups de revolver furent échangés. Un cheval s’abattit, frappé d’une balle.

Mardi, des bagarres ont encore eu lieu à Seraing. La troupe a de nouveau tiré sur la foule, blessant grièvement plusieurs personnes. La maison du sénateur Braconnier, exploiteur de la plus pire espèce, a été littéralement saccagée. Bravo !

Le ministre de la guerre est arrivé à Seraing !

Dimanche prochain, grand meeting à Seraing, organisé par les anarchistes.

Tilleur

Le 22 mars, plus de 400 houilleurs sont arrivés à Tilleur. Le 9e de ligne, les lanciers et les gendarmes sont intervenus aussitôt. On a chargé et le premier rang s’était mis à genoux pour faire feu. On a tiré sur eux et blessé quelques-uns.

Les grévistes venus de Montegnée pour voir leurs frères de misère à Tilleur, ont fait preuve d’une audace rare, lundi. Les troupes se trouvaient en face d’eux pour barrer le charbonnage. Les officiers leur intimèrent l’ordre de se retirer : les grévistes refusèrent d’obéir ; ils tirèrent sur les soldats et leurs jetèrent des pierres. Le chef commanda aux soldats de faire feu. Plusieurs décharges eurent lieu. Les grévistes ne bougèrent pas, ils criaient exaspérés, fous de rage : « Tuez-nous ! ». Il a fallu plusieurs charges pour les disperser.

Jemeppe

Jeudi, 18 mars, les houilleurs de la Concorde, à Jemmepe, se sont mis en grève. Samedi, la grève s’étendait à Marihaye, Seraing, Le Many et Ivoz.

A la pharmacie Génicot, à Jemeppe, où tout à été saccagé samedi soir, on a trouvé dans l’officine une pierre tellement énorme qu’il a fallu deux hommes pour la transporter.

Ni dieu ni maître 28 mars 1886

Lire le dossier : Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Mars 1886

Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). La Belgique en état de siège

23 mardi Juil 2019

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La Belgique en état de siège

Les groupes anarchistes de Liège, Tilleur, Jemeppe, Frémalle-Grande et les compagnons non groupés de Seraing avaient publié, à l’occasion de l’anniversaire du 18 mars, la proclamation suivante :

Appel aux travailleurs

Compagnons,

Partout les ouvriers s’agitent, la crise, – terrible et lamentable, – au lieu de diminuer, grandit de jour en jour ; partout aussi les idées d’émancipation pénètrent dans la masse exploitée.

A Londres, à Amsterdam, à New-York, partout enfin, les travailleurs font entendre leur voix aux oreilles de la bourgeoisie égoïste.

Resterons-nous dans une coupable apathie ?

Continuerons-nous à laisser nos femmes et nos enfants sans pain, quand les magasins regorgent des richesses que nous avons crées.

Laisserons-nous éternellement la classe bourgeoise jouir de tous les droits, de tous les privilèges et refuser la justice et toute liberté à ceux qui la nourrissent, à la classe des producteurs.

Nous ne le pensons pas ; c’est pourquoi nous faisons appel à toutes les victimes de l’exploitation capitaliste, aux meurt-de-faim, à tous ceux que le chômage a jeté sur le pavé pendant le rigoureux hiver que nous traversons.

Rappelez-vous, compagnons, que jeudi 18 mars il y aura 15 ans, l’héroïque population de Paris se soulevait pour l’émancipation des peuples et que cette tentative de rénovation sociale fut étouffée dans le sang de 35.000 travailleurs.

Nous vous invitons donc, jeudi 18 mars, 15e anniversaire de la Commune, à vous joindre à la grande manifestation ouvrière qui (illisible) place Saint-Lambert, à 7 heures du soir.

Pour le Groupe Anarchiste de Liège :

J. Rutters                                               F. Billen

Rue des Ecoliers, 8                            Rue Robermont, 28

Une propagande très active avait été faite pour ce meeting. Dès midi, on remarquait même dans les quartiers du centre de la ville une animation inaccoutumée.

Les groupes cités plus haut, celui de Liège excepté, sont partis de Flémalle en chantant des chants révolutionnaires et en criant : Mort aux riches ! Mort aux propriétaires !

Ces groupes ont fait leur jonction avec celui de Liège, place du Théâtre, pour de là se rendre ensemble place Saint-Lambert.

Avant le meeting, il y a eu une manifestation à laquelle plus de 3.000 hommes ont pris part. Cette manifestation est partie de la place Saint-Lambert. En tête marchaient deux compagnons, portant des drapeaux rouges. Elle a parcouru les rues Léopold, de la Cathédrale et de l’Université pour revenir à son point de départ. C’est alors qu’à eu lieu le meeting annoncé. Un compagnon a prononcé un discours, dans lequel il a fait un parallèle entre la misère des travailleurs et la richesse des capitalistes. « Vous avez traversé des rues riches où des richesses sont étalées, s’écria-t-il, vous ne possédez rien, mais vous avez faim. Vous êtes des lâches ! ».

Après cela, un cortège s’est formé et s’est mis en marche vers le quartier d’outre Meuse. En passant dans les rues commerçantes, les manifestants ont jeté des pierres dans les vitrines et ont brisé des glaces et des étalages. Les boutiques des boulangers et joailliers ont été pillées.

Le bourgmestre les somme de se disperser. Des charges sont faites par la gendarmerie et les chasseurs. Les anarchistes résistent et lancent des pierres, tirent des coups de feu sur les gendarmes et les gardes civiques, et jettent des bidons de pétrole enflammés entre les jambes des chevaux.

Deux commissaires de police, un inspecteur, plusieurs agents et gendarmes ont été blessés.

Une cinquantaine d’arrestation furent opérées, parmi lesquelles notre ami Wagener.

La place Delcour fut occupée militairement. Des charges étaient faites à chaque instant. Là, le désordre fut excessivement grave : des coups de revolvers retentissent à tout bout de champ ; une grêle de projectiles, pierres, graviers, cailloux de toutes espèces tombaient dru sur ceux qui voulaient maintenir l’ordre et ils étaient insultés de toutes manières.

L’ordre arrivait de distribuer les cartouches à balles.

Une charge à fond de train, baïonnettes en avant, fut faite sur la montagne. A deux reprises différentes on dût charger à la baïonnette.

A 11 heures du soir, les rues de la ville retentissaient du roulement des tambours, battant le rappel.

Ni dieu ni maître 28 mars 1886

Lire le dossier : Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Mars 1886

Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Le soutien du journal anarchiste « Ni dieu ni maître ». 28 mars 1886

22 lundi Juil 2019

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Bravo Liège

Les compagnons de Liège viennent de donner au pays un grand exemple.

La Belgique qui, jusqu’à présent, n’avait pas fait grand chose, vient, par la manifestation énergique des liégeois, de conquérir sa place dans le mouvement révolutionnaire.

Cette manifestation que, nous le disons franchement, nous étions loin d’espérer si grande, prouve qu’en Belgique, comme ailleurs, la coupe de misère et de souffrances est pleine, que la patience des travailleurs est à bout et qu’il suffira de la première occasion pour faire éclater la colère populaire.

Ce qui prouve par-dessus tout ce que nous avançons, c’est l’affolement, la terreur qui s’emparent de la bourgeoisie.

Cette fois, elle n’a plus affaire à des politicailleurs, à des braillards, à des ambitieux, mais à des hommes à convictions sincères, à dévouement absolu, qui montrent aux travailleurs la véritable voie à suivre pour arriver à leur affranchissement et, le moment venu, marchent à leur tête, sans s’inquiéter s’ils risquent leur liberté et leur vie.

Les journaux de toutes nuances, catholiques, libéraux ou progressistes, sont unanimes pour condamner la manifestation de Liège. Les plus indulgents se contentent de dire qu’il n’y avait le 18 mars à Liège que des voyous.

Les organes du parti ouvrier parlementaire s’évertuent à désavouer les manifestants de Liège. Braves gens, vous vous donnez bien du mal pour rien. Tout le monde sait parfaitement que lorsqu’il s’agit d’un mouvement énergique, de faire de l’action, ce n’est pas dans vos rangs qu’il faut chercher des hommes.

Nous, anarchistes, devant l’œuvre de nos amis de Liège, nous applaudissons hautement et prenons fièrement notre part de responsabilité dans ce qu’ils ont fait !

Le principal pour nous, c’est que pour la première fois en Belgique on est allé droit au but. A bas les bourgeois ! À bas les riches ! À bas les exploiteurs ! Criaient les travailleurs, ce qui prouve qu’ils comprennent de quelle manière il faudra se conduire au moment de la grande et décisive bataille qui se prépare.

Plusieurs des nôtres paient de leur liberté le succès de cette journée. Nous leur adressons nos félicitations ; ils se sont montrés dignes du nom d’anarchistes et nous leur disons : Bravo, frères, vous avez fait votre de voir ! Courage, le jour est proche où nous ferons payer largement à la bourgeoisie infâme les souffrances qu’elle nous a infligées pendant tant d’années.

Serrons nos rangs et préparons-nous car elle avance à pas de géant, la grande Révolution, et nous n’avons qu’à ouvrir nos yeux pour voir l’aurore de la Révolution sociale.

Ni dieu ni maître 28 mars 1886

Lire le dossier : Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Mars 1886

Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Les anarchistes au pont de Herstal et soutien à Wagener. 22 mars 1886

21 dimanche Juil 2019

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Herstal le 24 mars 1886
A monsieur le gouverneur de la province de Liège,
J’ai l’honneur de vous adresser le rapport suivant concernant la grève qui a éclaté en cette commune.
Le 22 mars, les ouvriers des charbonnages de Gérard-Cloes, situé partie sur Herstal et partie sur Liège, avaient fait signifier au directeur, qu’ils ne descendraient pas, s’ils n’obtenaient pas une augmentation de salaire.
Ces ouvriers gagnent en moyenne 9, 75 francs par jour. Hier matin, comme nous l’avons déjà rapporté, leur demande fut refusée, les ouvriers s’étaient présentés au nombre de 160 et dès qu’ils connurent la réponse négative, 129 d’entre eux se formèrent en rangs, descendirent la montagne Jolivet et vinrent à la direction à Coronmeuse  parlementer avec le directeur M. Lebanc.
Grande fut leur surprise de trouver à la paire ? La police et la gendarmerie de Herstal, lesquels avertis depuis la veille de ce qu’il allait se passer avaient été mises au charbonnage, pour empêcher tout acte agressif. Après avoir longuement parlementé, ils se retirèrent en bon ordre, en promettant de revenir le lendemain. Ils remontèrent tous ensemble Jolivet et se dispersèrent dans les campagnes… La matinée fut très calme, aucun incident ne survint qui mérite d’être rapporté.
Monsieur Grégoire, bourgmestre de Herstal, monsieur Bayet échevin, se rendirent sur les lieux à Coronmeuse et une demande 4 gendarmes fut faite à Liège, deux gendarmes de notre brigade se trouvant indisposés pour faire un service sérieux.
Les quatre agents de Herstal furent envoyés dans toutes les directions, pour surveiller les manœuvres des grévistes et recueillir des renseignements dans les autre houillères de la commune.
Vers midi un rapport est adressé à M. le commissaire, disant qu’une dizaine d’anarchistes se sont promenés la nuit précédente dans la commune de Wandre Avec drapeau rouge et bonnets phrygiens ; qu’ils ont chanté la Marseillaise sous les fenêtres du bureau du charbonnage, qu’ils ont traversé le pont d’Herstal-Wandre et sont venus manifester devant la maison du détenu Wagener. Cette nouvelle est accueillie d’abord avec incrédulité, mais est bientôt confirmée par des témoignages sérieux. Aussitôt M. le bourgmestre fait convoquer le corps des pompiers de Herstal et place un poste d’observation au pont de Wandre et un autre place de la Lieuvre où, disait-on, il devait y avoir un meeting le soir. Bientôt arrivent des nouvelles alarmantes de Jupille-Souverain-Wandre, on téléphone que les anarchistes doivent se réunir et tenir un meeting à la Licour ? Et faire une manifestation au pont de Wandre.
De Liège, de Jemeppe, de Seraing, on demande si cela est vrai, on ne peut répondre d’une façon affirmative. Monsieur le commissaire accompagné de deux pompiers se rend au pont de Wandre et y constate un grand rassemblement de curieux.
L’ordre est donné de fermer tous les cafés et aux attroupements de se disperser, cette dernière recommandation est vaine, on n’en tient pas compte. On reçoit des nouvelles de tous les charbonnages de Herstal, les ouvriers de nuit descendent partout, excepté à Gérard-Cloes où 80 nouveaux ouvriers se mettent en grève et se retirent dans la campagne aussi tranquillement que ceux du matin. Des figures étrangères circulent dans la commune et chacun paraît inquiet : monsieur le bourgmestre demande un renfort de gendarmes à Liège, il lui est répondu qu’on ne peut rien donner pour le moment, enfin un télégramme signé arrive de Wandre, confirmant qu’un mouvement anarchiste se prépare du côté de Jupille et qu’il y a lieu de garder le pont de Wandre. Tout le personnel de la police, de la gendarmerie et du corps des pompiers est envoyé d’urgence au pont et l’on obtient la promesse de 10 gendarmes envoyé de Liège.
Un télégramme de monsieur le gouverneur arrive interdisant le passage du pont aux personnes non connues et toutes les autorités abandonnent Gérard Claens pour se rendre au pont menacé.
Les gendarmes de Liège et sont envoyés immédiatement au pont. Monsieur le bourgmestre de Wandre avait requis ceux de Vise et le pont est gardé.
La compagnie des pompiers sous les ordres du sous lieutenant Linotte fait circuler et disperser les rassemblements. Tout marche dans un ordre parfait. Les gendarmes du côté de Wandre demandent du renfort pour empêcher le passage du pont à un groupe de 20 étrangers arrivant par Wandre.
Pendant que les sentinelles sont sur le pont, on signale qu’un groupe d’individus est entré chez l’épouse Wagener et deux anarchistes d’Herstal, voisins et amis de Wagener et deux individus de Liège qui déclarent être venus apporter de l’argent à l’épouse Wagener. Le commissaire fait fermer la maison, engage ceux qui s’y trouvent à en sortir, ce qu’ils font sans murmurer et s’en retournent sur Liège, escortés par la police locale, jusqu’au-delà du pont.
Ces gaillards ont mauvaise mine et elle s’allonge considérablement quand ils s’aperçoivent que le pont est gardé. Les autorités de Herstal et de Wandre sont réunies et à neuf heures on ne voit rien poindre. La compagnie des pompiers est mise à la disposition de la police pour faire avec cette dernière, des patrouilles dans le centre et aux extrémités de la commune. Dans la campagne on rencontre les grévistes par groupes de deux ou de trois, ils disent qu’ils ne veulent rien faire de répréhensible et qu’ils ne travailleront plus, si on n’a fait droit à leur réclamation. Ils déclarent s’être rendus au pont de Wandre en vue d’une manifestation, ils se sont retirés parce qu’ils y avait trop de gendarmes. Les patrouilles rentrent à minuit.
A une heure du matin les gendarmes de Liège sont renvoyés.
La police et la compagnie des pompiers aidé de la brigade de gendarmerie assurent le service de nuit, tant au pont qu’à la houillère Gérard-Cloes. Les nouvelles reçues étaient donc exactes mais grâces aux excellentes mesures prises, rien de délictueux ne se produit…
Le 24 à 5 heures du matin, tous les ouvriers de Gérard-Coes ont refusé de descendre, trois surveillants ont été menacés. Les grévistes ont tenté d’arracher pendant la nuit les tuyaux en fonte placés dans une rigole pour empêcher les eaux de filtrer dans le fond (cela est peu important). Les charbonnages de l’Espérance, d’Horloz, de Haring travaillent, il en est de même de la Petite Bacnure bien que ce dernier a été ce matin l’objet d’une manifestation faite par les grévistes de Gérard-Cloes. Lorsque cette manifestation s’est produite, les ouvriers de la Bacnure étaient tous rentrés dans la paire dont les portes ont été fermées ce qui a empêché toute communication entre les grévistes et les ouvriers de la Petite Bacnure.

Le bourgmestre

Archives de l’Etat Liège. Archives de la province de Liège. Sûreté publique. 1ère partie XIV B 249

Lire le dossier : Les émeutes de Liège et du bassin de Seraing (Belgique). Mars 1886

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