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Archives Mensuelles: juillet 2018

Les activités de l’Internationale anti-autoritaire en France, selon James Guillaume. Mai 1872- août 1873

31 mardi Juil 2018

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J’ai parlé à plusieurs reprises du mouvement socialiste en France et des relations que nous avions avec les militants de ce pays. Le rapport de notre Comité fédéral au Congrès jurassien du Locle, le 19 mai 1872, disait : « De nombreux groupes en France, n’ayant pu constituer une Fédération française, nous ont envoyé leur adhésion ». Dans une lettre à Mathilde Rœderer, du 24 mai, Malon écrivait : « En France, jamais l’Internationale ne fut moralement si forte ; on peut compter une centaine de Sections (Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Béziers, Narbonne, Bourgoin, Toulon, Saint-Etienne, Lille, Roubaix, Bordeaux, Tarare, etc.), sans compter les cent cinquante chambres syndicales qui se reconstituent et sont d’aspiration avec elle. La fameuse loi l’a fait connaître à toute la France ; mais il y a à craindre qu’elle ne la fasse dévier de son but en l’entraînant dans l’ornière des sociétés secrètes [575]. »

Mais il y avait dans deux ou trois villes françaises des représentants du Conseil général, investis par celui-ci de pleins pouvoirs, véritables proconsuls, qui s’occupaient, non à faire une propagande de principes, mais à calomnier et à proscrire ceux qui ne s’inclinaient pas devant leur autorité et celle des hommes de Londres. À Montpellier, par exemple, un étudiant en médecine, Paul Brousse, qui était en correspondance avec Jules Guesde, avait commis le crime d’engager les socialistes de cette ville à observer la neutralité dans la querelle qui divisait l’Internationale [576] : pour ce fait, son expulsion fut prononcée par un agent du Conseil général nommé d’Entraygues, que nous retrouverons plus loin. Des lettres diffamatoires étaient envoyées de Londres, par Serraillier et d’autres, contre d’anciens membres de la Commune, devenus membres de la Fédération jurassienne ; Mlle Eleanor Marx elle-même collabora à cette belle œuvre, en écrivant à l’une des deux jeunes Alsaciennes avec qui nous étions en relations, Élise Grimm, dont elle avait fait la connaissance à Londres, pour tâcher de la brouiller avec Mme André Léo ; elle n’y réussit pas ; avertie de cette manœuvre, Mme Champseix écrivait à ses jeunes amies (août 1872) : « Les Jurassiens, attaqués si vilainement dans leur honneur, se sont défendus en hommes de cœur, — pas en anges, c’est vrai : mais ils ne sont pas chrétiens… Vous avez jugé la lettre de Mlle Marx. Cette jeune personne qui écrit de si jolies choses, si elle n’est pas idiote, elle est responsable, et je ne saurais l’excuser. Je suis épouvantée de tant de méchanceté ignoble de la part de ces soi-disant socialistes [577]. »

D’octobre 1872 à janvier 1873.

En France, on l’a vu dans le volume précédent, de nombreuses sections de l’Internationale s’étaient réorganisées, et il s’était créé un certain nombre de sections nouvelles. Toutes celles de ces sections qui étaient en relations avec des proscrits réfugiés en Suisse s’étaient affiliées à la Fédération jurassienne, faute de pouvoir constituer entre elles une Fédération française. Nous entretenions des correspondances avec des camarades emprisonnés en France [38], et avec quelques-uns de ceux qui avaient été déportés en Nouvelle-Calédonie. Notre Bulletin, qui, à partir de son numéro du 15 novembre, publia « un extrait du procès-verbal des séances du Comité fédéral, afin de tenir les membres de la Fédération au courant des relations du Comité fédéral tant avec les sections de l’intérieur qu’avec celles de l’extérieur [39], » contient dans chaque numéro, pendant trois mois, des nouvelles des Sections françaises ; on annonce successivement « la formation de divers nouveaux groupes en France qui adhèrent à la Fédération jurassienne », et « les résolutions adoptées par un Congrès français composé de vingt-trois délégués de Sections françaises » (procès-verbal du 10 novembre) ; « la constitution de nouvelles sections et leur fédération probable et prochaine » (24 novembre) ; « plusieurs lettres de France donnant des renseignements sur les progrès de la cause : plusieurs nouvelles sections sont en formation » (1er décembre) ; des « lettres très importantes de France qui signalent la misère croissante des travailleurs et les progrès qui s’opèrent dans le sens d’une réorganisation des forces ouvrières » (5 janvier 1873). Mais le procès-verbal du 12 janvier dit : « En raison des nouvelles persécutions dont l’Internationale vient d’être l’objet en France [40], il est décidé que le procès-verbal ne mentionnera plus les correspondances que le Comité fédéral reçoit de ce pays ».

La Fédération rouennaise publia, en octobre, dans l’Internationale de Bruxelles, une protestation contre les votes du Congrès de la Haye et contre l’attitude de son délégué Faillet (à la Haye sous le nom de Dumont), qui « s’était permis de voter dans un sens complètement opposé à celui du mandat qu’il avait reçu ». En enregistrant cette protestation, le 10 novembre, notre Bulletin ajouta : « Nous le savions bien que ces soi-disants délégués de la France qui se sont faits les instruments complaisants de M. Marx, et ont aidé la majorité à dénaturer les statuts de l’Internationale, ne représentaient pas le prolétariat français, et qu’ils seraient désavoués. Rouen n’est pas la seule Section qui ait protesté. D’autres, que la prudence nous défend de nommer ici, mais que la plupart de nos lecteurs connaissent, ont protesté aussi contre l’indigne abus qui a été fait de leurs noms, et ont déclaré se rallier à la Déclaration de la minorité ainsi qu’aux résolutions du Congrès de Saint-Imier. »

On a vu qu’un citoyen de Béziers, Abel Bousquet, avait figuré dans le rapport de la Commission d’enquête sur l’ Alliance à la Haye, où il était qualifié de « secrétaire de commissaire de police », ce qui équivalait, dans l’intention de la Commission, à le représenter comme un mouchard. Jules Montels, de la Section de propagande de Genève, écrivit au Bulletin une lettre (publiée dans le numéro du 10 novembre) pour prendre la défense de l’inculpé ; il disait : «Ayant connu le citoyen Bousquet soit à Paris (pendant le premier siège), soit dans l’Hérault, je proteste contre l’accusation lancée contre lui, accusation toute serraillière, qui, à coup sûr, n’est que le produit d’une rancune personnelle et peut-être d’une divergence d’opinions anti-marxistes ». Il expliquait, en citant une lettre de Bousquet à la République de Montpellier du 1er janvier 1872, que « la municipalité de Béziers, voulant s’entourer de fonctionnaires vraiment républicains et énergiques, avait offert à Bousquet [en 1871] le poste de commissaire municipal ; que son dévouement à la République démocratique et sociale le fit passer sur les inconvénients que pouvait avoir cette position, et qu’il l’accepta » ; mais que les attaques, imméritées d’une partie de la démocratie, et aussi une assignation en police correctionnelle pour un écrit politique, l’engagèrent à résigner ses fonctions, ce qu’il fit. Montels ajoutait : « Si le citoyen Bousquet a eu tort d’accepter l’emploi qu’il a un instant occupé, son acte est certainement atténué dans ce sens que la municipalité de Béziers est essentiellement républicaine, composée qu’elle est de dix-sept ouvriers et de dix républicains de diverses nuances ». Dans la séance du Comité fédéral jurassien du 22 décembre, le secrétaire donna lecture d’une lettre, de Serraillier écrite de Londres en réponse à celle de Montels, à propos de l’affaire Bousquet : il fut décidé « que la lettre du citoyen Serraillier serait communiquée au citoyen Montels, puis insérée au Bulletin avec la réponse que ferait celui-ci ». On verra plus loin (p. 61) le motif qui empêcha l’insertion de la lettre de Serraillier.

À côté des Sections françaises qui n’avaient pas reconnu les décisions de la Haye et le Conseil général de New York, il s’en trouvait quelques-unes qui acceptaient l’autorité de l’agent du Conseil général, Serraillier, et de divers sous-agents, le blanquiste Van Heddeghem (venu au Congrès de la Haye sous le nom de Walter) à Paris, un certain Dentraygues (venu au Congrès de la Haye sous le nom de Swarm), de Pézénas, fixé à Toulouse depuis mars 1872, et un ami de Lafargue, nommé Larroque, à Bordeaux. J’ai raconté (t. II, p. 313) comment l’étudiant Paul Brousse, de Montpellier, avait été expulsé de l’Internationale (19 septembre 1872), par un arrêt signé Dentraygues ; cette mesure avait été prise sur la dénonciation d’un certain Calas, secrétaire de la Section de Béziers. Jules Guesde, alors ami de Brousse, fut indigné d’un semblable procédé, et il publia dans la Liberté de Bruxelles, du 20 octobre 1872, le texte de la grotesque sentence : Dentraygues n’y était désigné que par l’initiale D. ; mais le nom de Calas s’y trouvait en toutes lettres, toutefois avec une erreur de transcription qui transformait le nom en Colas. Le pamphlet L’Alliance dit à ce propos (p. 51) : « La police, mise en éveil par cette dénonciation [de Guesde], surveilla Calas, et, immédiatement après [41], saisit à la poste une lettre de Serraillier à Calas où on parlait beaucoup de Dentraygues de Toulouse. Le 24 décembre, Dentraygues était arrêté. » Or Guesde et Brousse, traités ainsi de dénonciateurs, ont démontré péremptoirement, en réponse à cette imputation, que la publication faite dans la Liberté n’avait pu compromettre ni Dentraygues ni Calas, puisque Dentraygues et Calas étaient tous deux des mouchards, comme l’a établi le procès jugé à Toulouse en mars 1873. Quant aux arrestations assez nombreuses qui eurent lieu à la fin de décembre à Toulouse, Béziers, Narbonne, Montpellier, Cette, Perpignan, etc., elles furent faites sur la dénonciation du mouchard Dentraygues lui-même [42].

Dès la fin d’octobre, à la demande de Jules Guesde, le Comité fédéral jurassien avait envoyé aux Conseils fédéraux de toutes les Fédérations de l’Internationale et à quelques amis une circulaire confidentielle[43]   pour lui signaler les actes de Dentraygues en France ; nous n’avions pas encore la preuve que celui-ci appartînt à la police, mais nos amis français avaient des soupçons ; et ils nous avaient priés de faire connaître aux internationaux des autres pays les procédés dont usaient en France les « proconsuls marxistes ». On verra (p. 62) combien les défiances des socialistes du Midi étaient justifiées.

De janvier à juin 1873.

Les arrestations faites en France en décembre 1872 eurent pour conséquence plusieurs procès, dont les deux principaux furent celui de Denfraygues à Toulouse (10-28 mars 1873) et celui de Van Heddeghem à Paris (10 mars). Je ne les raconterai pas en détail ; je me bornerai à reproduire une lettre de moi, une lettre de Jules Guesde, et un extrait d’un article du Bulletin.

Le 7 février 1873, avant le commencement des procès, j’écrivais ce qui suit à un international belge, à Verviers [14] :

Serraillier nous a écrit une lettre pour éreinter ce citoyen Bousquet qu’on avait proposé d’exclure à la Haye. Le Comité fédéral jurassien avait décidé l’insertion de cette lettre au Bulletin, en témoignage de notre impartialité [15]. Mais après ce qui vient de se passer dans l’Hérault et ailleurs, il me semble que ce serait un acte de la plus haute imprudence que de continuer dans nos colonnes une discussion relative à un homme qui habite Béziers, et de le désigner tout haut comme membre de l’Internationale. Qu’en pensez-vous ? Croyez- vous qu’il vaille mieux, dans l’intérêt de nos amis poursuivis en France, supprimer la lettre de Serraillier ; ou bien que, mettant la réputation de bonne foi du Bulletin au-dessus de la sécurité de nos amis, nous devions insérer la lettre quand même ?

J’ai reçu une lettre du fameux Cuno, président de la Commission d’enquête sur l’Alliance. Il m’écrit d’Amérique, où il paraît avoir fondé une section, et sa lettre est si cocasse que nous nous empresserons de la publier dans le Bulletin, comme d’ailleurs il le réclame [16].

Au sujet des arrestations dans le Midi de la France, j’ai reçu des nouvelles positives. Nos amis français affirment que ce sont deux agents marxistes, Calas et Swarm (déjà nommés dans notre circulaire confidentielle [17]), qui ont dénoncé leurs propres camarades. En effet, tous les individus arrêtés sont des marxistes ou des indifférents. Un seul des nôtres a été dénoncé : c’est Paul Brousse, qui a pu se soustraire au mandat d’amener et s’est réfugié à Barcelone.

Pour ce qui concerne Calas, il est atteint et convaincu de mouchardise ; Brousse en a donné les preuves publiquement. Quant à Swarm, dont le vrai nom est Dentraygues, Guesde m’écrit de Rome qu’il n’y a à son égard que de forts soupçons, et qu’une enquête se fait en ce moment.

Le procès de Toulouse changea, à l’égard de Dentraygues, les soupçons en certitude. Jules Guesde nous écrivit à ce sujet la lettre suivante, qui fut publiée dans le Bulletin (numéro du 15 avril 1873, article intitulé Les proconsuls marxistes en France) :

Rome, 29 mars.

Chers compagnons.

Vous avez bien voulu, il y a trois mois [18], signaler à l’Internationale tout entière les agissements des agents de Marx dans le Midi de la France. Et, par mon intermédiaire, nos compagnons français vous remercient de votre courageuse initiative.

Aujourd’hui, les soupçons, les probabilités se sont changés en preuves. Le Swarm qui, après avoir contribué à expulser à la Haye Bakounine et Guillaume de notre Association, avait ensuite, de son autorité privée, étendu cette expulsion au compagnon Paul Brousse de Montpellier, vient de se révéler devant le tribunal de Toulouse sous son vrai jour. Sous prétexte d’affilier les ouvriers de notre Midi à l’Internationale, et grâce aux pleins-pouvoirs de Marx, il rabattait le gibier socialiste dans les filets de la police thiériste.

C’est lui qui a dénoncé les trente-six victimes de Toulouse, les quatre victimes de Béziers, etc. ; et c’est son témoignage qui les fait condamner à l’heure qu’il est.

Il s’appelle de son vrai nom Dentraygues.

« Vous êtes la cheville ouvrière de l’accusation », a pu lui dire en face le président de la Cour, sans soulever de sa part la moindre protestation.

Qu’aurait-il pu d’ailleurs articuler pour sa défense ? Dans sa déposition écrite comme dans ses réponses au tribunal, n’a-t-il pas été à l’égard de ses dupes l’auxiliaire, le chien du ministère public ?

« J’ai plaidé beaucoup, beaucoup d’affaires de ce genre, — a déclaré l’avocat d’un des prévenus, M. Floquet, — et j’en ai une longue pratique ; j’ai eu de plus l’occasion de lire, après le 4 septembre, les dossiers des dénonciateurs que l’on avait vu surgir dans des affaires de cette nature. Eh bien, j’affirme ne jamais en avoir vu d’aussi cyniques que Dentraygues. »

Et un autre défenseur, Mie, de Périgueux, d’ajouter : « À chaque difficulté de l’accusation, le ministère public s’écrie : « À moi, Dentraygues ! » comme on s’écriait jadis : « À moi d’Auvergne ! » avec cette différence qu’autrefois c’était l’honneur qu’on appelait, et qu’aujourd’hui c’est la honte. Dentraygues, enfin, c’est le tiroir que l’on ouvre et dans lequel on trouve toutes les lettres de ceux qu’il a compromis ou dupés, tous les renseignements que l’on souhaite, et nous arrivons à cette conclusion douloureuse : Dentraygues est l’auxiliaire du ministère public. »

Mais assez sur ce chapitre !

Ce qui ressort du procès de Toulouse, ce n’est pas seulement le rôle infâme du fondé de pouvoirs de Marx et du Conseil général, mais la condamnation du système de l’organisation autoritaire dont Marx et le Conseil général sont les soutiens.

Ce qui a permis en effet à Dentraygues de livrer à la police rurale les organisateurs de l’Internationale dans le Midi de la France, c’est la fonction d’initiateur attribuée dans notre Association par le Congrès de la Haye à une autorité centrale.

Laissez la classe ouvrière, dans chaque pays, s’organiser anarchiquement, au mieux de ses intérêts, et les Dentraygues ne sont plus possibles :

1° Parce que les travailleurs de chaque localité se connaissent entre eux et ne seront jamais exposés à s’en remettre à un homme qui puisse les trahir, les vendre ;

2° Parce que, en admettant même que la confiance qu’ils ont placée en l’un des leurs ait été trompée, le traître, limité à sa seule section, ne pourra jamais livrer qu’une section aux policiers de la bourgeoisie.

L’autonomie des sections, des fédérations, n’est pas seulement l’esprit de l’Internationale, mais sa sécurité.

Que nos compagnons français, éclairés par l’expérience, y songent !

À vous et à la Révolution.

Jules Guesde.

C’est sur la dénonciation de Dentraygues que son collègue Van Heddeghem, fondé de pouvoirs du Conseil général à Paris, avait été arrêté. Voici ce que dit notre Bulletin de cet autre procès :

Venons au procès de Van Heddeghem dit Walter.

Ce dernier paraît avoir joui auprès des marxistes de moins de confiance que Dentraygues, parce qu’on le soupçonnait d’être sympathique aux blanquistes auteurs de la brochure Internationale et Révolution. Le sieur Serraillier lui avait écrit pour le sonder à ce sujet, en lui disant entre autres qu’on lui reprochait « d’avoir attaqué Marx, Lafargue et Serraillier dans des termes assez peu convenables ».

À l’audience. Van Heddeghem déclare qu’il a été la dupe des meneurs de l’Internationale, mais que, les ayant vus de près, il s’est promis de percer à jour leurs basses intrigues ; que dorénavant il n’a plus qu’une idée fixe, c’est d’écraser l’Internationale. Ce repentir touche M. le substitut du procureur de la République, qui demande les circonstances atténuantes ; aussi Van Heddeghem ne reçoit-il que deux ans de prison.

Sans prétendre excuser l’attitude du prévenu, nous devons avouer que son mépris pour la coterie marxiste ne nous étonne nullement.

Une lettre du prétendu Conseil général de New York, signée Sorge et adressée à Van Heddeghem, a été lue à l’audience, de même que le texte du mandat délivré au proconsul parisien. La lettre de Sorge dit entre autres : « Des mandataires ont été nommés pour Toulouse et Bordeaux ; Auguste Serraillier, de Londres, a été nommé représentant du Conseil général pour la France, sous date du 22 décembre 1872, chargé et autorisé d’agir au nom du Conseil général ».

Donc, au-dessus des proconsuls locaux de Paris, Toulouse et Bordeaux, il existe un proconsul général pour la France, et c’est le sieur Serraillier, résidant à Londres, qui remplit cette haute fonction. Nous savions déjà par le Volksstaat que Marx avait reçu des fonctions analogues pour l’Allemagne. Ce qui veut dire bien clairement que Sorge et ses acolytes de New York ne sont que les hommes de paille de la coterie de Londres, et que le pouvoir réel est resté entre les mêmes mains qu’avant le Congrès de la Haye.

Voici quelques extraits du mandat de Van Heddeghem, que nous ne pouvons donner en entier, vu sa longueur :

« Le compagnon L. Heddeghem est nommé provisoirement mandataire du Conseil général pour le district de Paris, où il devra agir d’après les instructions suivantes :

« 1° Il organisera l’Internationale dans le district mentionné conformément aux statuts et règlements généraux et aux résolutions du Congrès…;

« 5° Il enverra au mandataire du Conseil général, résidant à Londres, une copie exacte de toutes les communications adressées au Conseil général ;

« 6° Il aura droit de suspendre une organisation ou un membre quelconque de son district, jusqu’à l’arrivée de la décision du Conseil général, auquel il donnera avis immédiatement de chaque suspension prononcée, en y joignant les pièces justificatives et la supplique (sic) des partis accusés. »

Ce mandat est signé Sorge et daté du 30 décembre 1872.

Voilà un échantillon de la splendide organisation que la majorité du Congrès de la Haye a rêvé de donner à l’Internationale. Est-ce que devant de semblables aberrations et les beaux résultats qu’elles ont produits, ceux qui sont encore aveuglés n’ouvriront pas les yeux ?

Marx avait trois mandataires en France : l’un, Swarm [Dentraygues], s’est trouvé un mouchard ; le second, Van Heddeghem, a renié l’Internationale ; du troisième, celui de Bordeaux, nous ne pouvons rien dire, ne le connaissant pas [19]. Mais à eux trois, à quoi ont-ils abouti ? à faire arrêter de malheureux ouvriers, sans constituer la moindre organisation sérieuse.

Et c’est à cette occasion qu’un des gendres de Marx, M. Longuet, a l’effronterie ou la naïveté de s’écrier, dans une lettre publiée par la Liberté de Bruxelles du 6 avril 1873, que les adversaires du Congrès de la Haye sont de mauvaise foi, parce que « ils ont attaqué les mandats français, dont les tribunaux se chargent aujourd’hui de démontrer l’authenticité [20] ».

Elle est jolie, l’authenticité !

Heureusement qu’il y a en France, à côté de ces fantômes d’organisation ébauchés par les marxistes et vendus aussitôt à la police par leurs agents, des sections sérieuses, qui continueront à propager avec ardeur les principes immortels de l’Internationale.

Il reste à faire connaître les appréciations de la coterie marxiste sur la conduite de ses deux agents. Voici ce qu’Engels écrivait à ce sujet à Sorge le 20 mars 1873 :

En France, tout le monde semble avoir été pincé. Heddeghem a joué le traître, comme le prouve le procès de Caen, où le procureur l’a expressément nommé comme le dénonciateur, Dentraygues (Swarm) à Toulouse avait, avec la pédanterie habituelle, dressé une masse de listes inutiles, qui ont fourni à la police tout ce dont elle avait besoin ; le procès a lieu en ce moment. Nous attendons tous les jours des nouvelles.

Et le 15 avril :

Vous aurez vu par les journaux français que Walter [Heddeghem] apparaît comme un incontestable espion. On dit que c’était un mouchard bonapartiste. À Toulouse, Swarm [Dentraygues] ne s’est pas conduit beaucoup mieux ; mais n’ayant pas lu le compte-rendu in-extenso, je ne puis parler avec certitude ; en tout cas ce n’était pas un mouchard, mais il paraît avoir été faible et capricieux [21].

Le 3 mai, comme Sorge lui avait écrit : « Nous attendons d’avoir plus de nouvelles concernant la France, avant de prendre aucune mesure », Engels lui répond :

Je ne vois pas que vous puissiez prendre quelques mesures que ce soit. Toutes nos sections sont pincées. Heddeghem était espion déjà à la Haye. Dentraygues n’est pas un espion, mais il a, pour des motifs personnels et par faiblesse, dénoncé des individus par qui il avait été rossé (die ihn vorher durchgekeilt hatten) … [22]. Quoiqu’il en soit, en France l’organisation est pour le moment fichue (klatsch), et elle ne pourra se refaire que très lentement, puisque nous n’avons plus aucune relation [23].

De juin à août 1873.

À propos de la situation de l’Internationale en France, il sera intéressant de reproduire une lettre écrite par Bakounine à Pindy, à la date du 11 janvier 1873. La voici :

Mon cher Pindy, Tu ne seras pas étonné que l’envie m’ait pris de causer avec toi. J’ai été si content, si heureux de me voir en parfaite harmonie avec toi à Saint-Imier ! Nous avons, et moi surtout j’ai si peu d’amis français ! Toi, Alerini, Camet, voilà tout notre paquet [17]. Ah ! il ne faut pas que j’oublie cet excellent Élisée Reclus, qui est venu me voir il y a trois ou quatre semaines, et avec lequel nous nous entendons de mieux en mieux. C’est un homme modèle, celui-ci — si pur, si noble, si simple et si modeste, si oublieux de soi-même. Il n’a peut-être pas tout le diable au corps désirable ; mais c’est une affaire de tempérament, et la plus belle fille ne peut donner que ce qu’elle a. C’est un ami précieux, bien sûr, bien sérieux, bien sincère et tout à fait nôtre. Il m’a envoyé tout dernièrement deux nouveaux manifestes de MM. Albert Richard et compagnie. Je vous les envoie. Lis-les ; ils sont curieux. Vous les recevrez de Sonvillier. Et sais-tu qui figure maintenant dans la compagnie de Richard ? Bastelica en personne et son ami Pollio. Ils sont tous réunis aujourd’hui à Milan, bien recommandés aux soins de nos amis italiens… [18].

Et en France, comment les choses marchent-elles ?

Tant que l’état de choses actuel existe, vous devriez faire, il me semble, de la Fédération jurassienne un centre provisoire de tout le mouvement international révolutionnaire dans la France méridionale ; et toi, mon cher ami, qui as conservé une influence si légitime dans ton pays, tu peux y contribuer beaucoup. La grande difficulté pour tes compatriotes, c’est qu’ils ont désappris à conspirer, et que, sous le régime actuel, sans conspiration on ne peut rien organiser en France. Je te serai bien obligé si tu voulais bien me donner quelques nouvelles précises sur le mouvement qui s’y fait aujourd’hui. En général, prenons l’habitude de nous écrire de temps à autre. Nous sommes si peu, et ce n’est qu’en nous serrant et en nous soutenant mutuellement que nous pourrons faire quelque chose. J’espère donc que tu m’écriras bientôt, et dans cet espoir je te serre la main.

Ton dévoué,
M. Bakounine [19].

Alerini et Brousse, tous deux réfugiés à Barcelone, le premier depuis le printemps de 1871, le second depuis décembre 1872, y constituèrent au printemps de 1873, en s’adjoignant le jeune canut lyonnais Camille Camet (venu de Zürich), un comité de propagande et d’action, qui se donna pour tâche de publier un journal en langue française et de préparer en France un mouvement insurrectionnel. Ce comité, qui prit le nom de Comité de propagande révolutionnaire socialiste de la France méridionale, exposa son programme dans une circulaire autographiée datée du 4 avril 1873 (publiée par Nettlau, note 3708), où il disait :

Unis pour la lutte économique, les travailleurs de tous les pays ont déjà remporté sur ce terrain plus d’une victoire. C’est à la solidarité ouvrière que sont dus tous ces succès. Aujourd’hui cette arme est appelée à nous rendre de plus grands services encore. Il faut la transporter sur un autre terrain que le terrain économique, sur un autre champ de bataille que celui de la grève, sur celui de la révolution.

Les circonstances sont favorables, puisque en Espagne une période révolutionnaire vient de s’ouvrir. Il faut dès aujourd’hui qu’une solidarité morale s’établisse entre les prolétaires de ce pays et les travailleurs du Midi de la France, pour que demain tout soit préparé pour qu’elle devienne effective et matérielle et qu’elle les unisse sur le terrain de l’action.

… C’est pour arriver à cette union… qu’il a été fondé à Barcelone un Comité de propagande révolutionnaire socialiste, et que ce Comité va publier un organe, la Solidarité révolutionnaire. Déjà les relations avec la France méridionale sont assurées ; confié à des mains amies, notre journal sera distribué sûrement à tous ceux à qui il s’adresse. Mais cette action révolutionnaire, ces publications destinées à l’aider, vont entraîner des frais considérables, frais que des souscriptions doivent couvrir. Décidé à faire son devoir, le Comité compte sur tous les révolutionnaires dignes de ce nom.

La circulaire parlait ensuite du programme du Comité, et disait :

Nous nous placerons sur le terrain de l’an-archie… Nous ne sommes pas communistes, parce que ce système nécessite l’établissement d’un grand pouvoir central… ; nous ne sommes pas non plus mutuellistes, parce que nous ne croyons pas à la constitution de la valeur… : nous sommes collectivistes.

Et elle se terminait ainsi :

Voilà, citoyens, le but de notre Comité, le programme du journal qui sera son organe. Nous comptons sur le concours de tous ceux qui sont dévoués à la cause du travailleur.

Pour le Comité : Ch. Alerini, Paul Brousse, Camille Camet.

Les fonds souscrits devront être envoyés à l’adresse suivante : M. Charles Boc, Calle de Provenza, n° 250, à Barcelone, Espagne, qui est celle du citoyen Paul Brousse, trésorier du Comité.

La Solidarité révolutionnaire ne commença à paraître que le 10 juin. Un de ses collaborateurs fut Jules Guesde (alors fixé momentanément à Gênes), qui ajoutait à sa signature la qualité de membre de la Fédération jurassienne ; dans un article de lui, intitulé L’État (numéro du 1er juillet 1873), on lit :

La société actuelle est fondée sur l’inégalité des rapports entre les hommes qui la composent… La minorité… a dû demander à un tiers la force qui lui manquait, et les moyens de résistance, c’est-à-dire d’oppression, qu’elle ne trouvait pas en elle-même. Ce tiers est le gouvernement ou l’État, inutile dans une société digne de ce nom, et dont l’unique mission est la conservation artificielle de ce qui est… L’État ou le gouvernement est donc… l’obstacle le plus considérable que rencontre la classe ouvrière en travers de ses revendications… La condition sine quâ non de tout affranchissement des masses est l’abolition, la destruction de l’État… On ne saurait trop le répéter, en France surtout, maintenir l’État, sous quelque forme et sous quelque prétexte que ce soit, c’est faire le jeu de la gent capitaliste, c’est perpétuer la domination d’une caste moribonde dont les prétentions ne sont égalées que par l’incapacité.

La Solidarité révolutionnaire eut dix numéros ; le n° 10 porte la date du 1er septembre 1873. Elle dut cesser ensuite de paraître, Brousse étant venu se fixer en Suisse, et Camet, qui était rentré en France — malgré la condamnation dont il avait été l’objet à Lyon — pour y faire de la propagande, ayant été arrêté.

À côté de la propagande révolutionnaire clandestine, un mouvement syndicaliste, d’allures encore bien modestes, continuait à se produire à Paris et dans quelques grandes villes. Une souscription avait été ouverte par le journal le Corsaire pour permettre l’envoi de délégations ouvrières à l’Exposition universelle de Vienne, et l’élection des délégués par les ouvriers fut pour eux une occasion de se grouper et de s’entendre. Un correspondant nous écrivit de Paris : « L’élection de cette représentation ouvrière servira, je l’espère, de point de départ à la fédération des métiers. Presque tous ceux qui concourent à ce mouvement sont les partisans d’un régime démocratique à la Gambetta bien plus que d’une organisation socialiste comme nous la comprenons ; mais ils n’en servent pas moins, malgré eux, la cause socialiste en aidant à la réorganisation du prolétariat, qui tôt ou tard sera vivifié par l’esprit de l’Internationale. »

Je ne puis indiquer, même approximativement, combien la France comptait, dans l’été de 1873, de chambres syndicales organisées, ni combien il s’y trouvait de groupes secrets adhérents à l’Internationale. Tout ce que je puis dire, c’est que les Sections internationales en France avaient une existence bien réelle, car elles allaient se faire représenter par cinq délégués à notre Congrès général.

Pendant ce temps, Engels écrivait à Sorge (14 juin) : « Serraillier [le fondé de pouvoirs du Conseil général pour la France] n’a absolument rien à écrire, attendu qu’il n’a plus une seule adresse en France, tout a été pincé. Mais il vous fera, pour le Congrès, un petit rapport sur les procès. »

SOURCES : L’Internationale, documents et souvenirs de James Guillaume

sur Wikisource : D’octobre 1872 à janvier 1873. De janvier à juin 1873. De juin à août 1873.

L’Internationale anti-autoritaire du Midi prête à l’insurrection. octobre 1872

30 lundi Juil 2018

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La section s’est réunie sous le présidence de Chardon. Le procès-verbal de dernière séance a été lu et adopté.

Le secrétaire correspondant a donné lecture des lettres relatives aux affaires politiques de la France.

Toutes ces lettres, sans exception font acte d’adhésion à la section jurassienne, toutes aussi observeront le plan d’ensemble pour le mouvement qui doit éclater et qui a été conçu par la section.

Comme je vous l’ai dit dans un de mes courriers précédent, il est possible que le soulèvement n’ait pas lieu le 11 novembre et que le signal ne soit pas donné par Paris car la section de propagande et d’action révolutionnaire est assurée, après la lecture des correspondances de ce soir, du concours d’un grand nombre de groupes correspondants du Midi de la France et avec lesquels elle se tient en relations constantes.

Les groupes principaux résident à Lyon et à Marseille. La section jurassienne compte beaucoup sur ces deux villes, puis Toulouse, Béziers, Toulon, Valence, Nîmes, Cette, Montpellier, Marseillan, Narbonne, Avignon, Orange, Tarascon, Arles, Aix, Baucaire, Saint Remy de provence, Tonneins, Agen, Lagon, Allais, Uzès, Agde, Castelnaudary et Bordeaux.

Le mouvement qui doit éclater et hâter la solution s’accentue de plus en plus dans le Midi. Méfiez-vous de cette partie de la France, tâchez de vous bien renseigner sur les partis et les idées de ces provinces. Ne vous fiez pas trop car je puis vous affirmer que les esprits sont montés et prêts à éclater ; ils sont entretenus dans cette exaltation par des agents de plusieurs sociétés politiques qui parcourent la France et plus particulièrement le Midi, où ils sont certains de rencontrer des têtes bouillantes et des cœurs faciles à enflammer.

Je vous le répète, la section jurassienne et toute la proscription de Genève, travaillent activement au succès de Gambetta qui servira de marche-pied au parti communaliste pour arriver au pouvoir.

Je crois que les proscriptions de Londres et de Bruxelles travaillent également à la réalisation du même projet.

En conséquence je ne saurais donc trop vous conseiller d’être actif et vigilant.

Comptez sur moi pour vous tenir au courant des agissements de la proscription suisse.

SOURCE : Arch. Pref. de Pol Ba 438

Bakounine et la construction de l’Internationale anti-autoritaire en France. Décembre 1872

29 dimanche Juil 2018

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Ministère de l’intérieur                         Versailles le 30 décembre 1872
Direction de la sûreté générale
1er bureau

Monsieur le Préfet, j’ai l’honneur de vous transmettre, à toutes fins utiles, copie d’un rapport rendant compte d’une réunion tenue au commencement de ce mois à Berne, à l’instigation de Bakounine.
Je vous serai obligé de vouloir bien me communiquer de votre côté les renseignements que vous posséderiez sur cette réunion, l’influence qu’exerce Bakounine sur les sociétés secrètes du Midi de la France donnant un intérêt sérieux à toutes les informations relatives à ce personnage.

Pour le Ministre
Le Directeur

Une réunion* convoquée sur la demande de Bakounine, vient d’avoir lieu à Berne.
Il a exposé qu’une révolution était probable en France par suite du désaccord entre l’assemblée et le pouvoir exécutif, et qu’elle pouvait éclater soit pas un coup d’état, soit par la retraite de M. Thiers, soit par la dissolution de l’assemblée.
Qu’il fallait hâter le moment de cette dissolution et la révolution qui s’en suivrait et être prêt pour diriger le mouvement et s’emparer du pouvoir.
Ce qu’on a fait jusqu’à ce jour est insuffisant, le seul système efficace est d’avoir dans chaque ville de France, même dans la plus petite, des correspondants et un centre d’action sur lequel on puisse compter et qui agisse avec énergie au moment voulu.
Bakounine propose donc une ligue formée des membres de la Commune de Paris, des membres de l’Internationale et de toutes les loges maçonniques.
Plusieurs représentants de ces loges ont hésité à prendre d’aussi graves engagements ; il en est résulté des discussions très vives pendant plusieurs jours.
Jules Vallès et Guillaume reprochaient à Bakounine de vouloir faire trop d’autorité et de compromettre par une violence de langage la réussite du plan projeté. Bakounine répondait qu’il était surpris si peu d’énergie dans ceux qui se posaient en chef de la révolution.
Enfin, l’idée de Bakounine a prévalu, et sa proposition a été acceptée par la majorité. Il a déclaré qu’il se chargeait de se mettre en relation avec les loges maçonniques et de leur envoyer des instructions.
La question d’argent a été aussi agitée, et les délégués italiens ont déclaré pouvoir disposer de fonds importants.
La surveillance de ce conciliabule a été extrêmement difficile, car il a eu lieu dans des chambres particulières.
Les principaux assistants étaient délégués des loges de Lyon, Marseille et Toulouse, puis Vallès**, Lefrançais, Huguenot, Malon et Guillaume, logés à l’hôtel des Boulangers. Bakounine, Becker, Saffi, Poussier, Winger, Dupuis et Garier, logés à l’hôtel du Faucon et à l’hôtel du Maure.

SOURCE : Arch. Préf. de Police Ba 438

* On ne trouve pas trace de cette réunion dans L’Internationale de James Guillaume : https://fr.wikisource.org/wiki/L%E2%80%99Internationale,_documents_et_souvenirs/Tome_III/V,2#cite_ref-38 qui cite le calendrier-journal de Bakounine

** Sur la rencontre possible Vallès-Bakounine voir p. 11: http://raforum.site/reclus/IMG/pdf/Valles-Reclus.pdf

Chronique de La Fédération jurassienne par Droz, indicateur de la Préfecture de police de Paris (10)

15 dimanche Juil 2018

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Document Éphéméride anarchiste

Neufchâtel, le 20 février 1881
Ici, comme à Paris, la politique est calme en ce moment, ce qui n’est pas plus mauvais.
Hier soir, nous avons eu une réunion qui s’est exclusivement bornée au dépouillement et à la lecture de la correspondance.
Nous avons fait quelques efforts en faveur de Cipriani et nous avons reçu des réponses, une des membres du cercle d’études sociales de Turin, l’autre de Bianchi de Lugano, au nom des réfugiés italiens de cette ville. Ils disaient qu’ils ont fait faire secrètement, soit auprès de Garibaldi, soit auprès de quelques membres du parquet de Milan, des démarches en vue d’obtenir la liberté de Cipriani, mais le résultat du fameux comité (?) de Rome, qui s’est trouvé complètement en faveur de la monarchie italienne, a empêché toute réussite et Cipriani est toujours au secret.
Ils ajoutent que la propagande révolutionnaire marche activement et qu’à Padoue, Florence et Naples, de nouvelles sections ont été formées.
Nous avons une lettre de la section de Verviers (Belgique) qui nous annonçait un nouveau congrès pour le dimanche 20 mars, à Cuesmes.
La Fédération jurassienne a envoyé son adhésion pour le Congrès international révolutionnaire qui se tiendra à Londres le jour anniversaire de la prise de la Bastille, soit le 14 juillet. Nous y enverrons des délégués.
Une brochure, imprimée à Genève, rue du Nord, et composée par Félix Pyat est expédiée à Paris, par petites quantités parce qu’il paraît qu’elle est saisie à la frontière, et alors elle prend le chemin que je vous ai déjà indiqué.
Robert, de la Chaux-de-Fond se charge de ces expéditions par les contrebandiers de tabac : cela passe le Doubs entre la Rase et la Chapelle de Blanche-Roches.
Une fois la ligne de douane passée, cela est réexpédié, je ne sais comment par chemin de fer.
J’ai cherché à connaître l’adresse du destinataire à Paris ; je sais que c’est rue St Joesph, mais je n’ai pu connaître ni le nom, ni le numéro.
C’est m’a-t-on dit Gambon et Cournet, qui sont chargés des distributions de ces brochures.
Paul Brousse nous écrit aussi que la propagande se fait très mal à Paris et que le gros des amnistiés ne veut pas répondre aux nuances faites par les comités révolutionnaires. Il craint même que les élections prochaines ne soient complètement mauvaises pour le parti collectiviste et il dit regretter la Suisse.
Droz

Source : Archives de la Préfecture de police de Paris Ba 438

Lire les autres chroniques de Droz ici

Inédit. La vie quotidienne de Ravachol à la Conciergerie. 7 mai 1892

14 samedi Juil 2018

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Sûreté                                                           Paris le 7 mai 1892

Rapport

Surveillance du nommé Ravachol

La surveillance exercée à la Conciergerie, de minuit à 7 heures du matin au sujet du nommé Ravachol Léon, aucun incident ne s’est produit qui soit de nature a signaler au service.

Ce dernier a passé une nuit très calme.

Nous avons été relevés par nos collègues Charlet, Lécureuil, Laemmer.

Les inspecteurs

Gallet, (illisibles)

***********************

Sûreté                                                                               le 7 mai 1892

Rapport

Pendant la surveillance exercée de 7 heures du matin à midi auprès du nommé Ravachol, rien de particulier à signaler.

Monsieur le directeur, accompagné de trois personnes ont rendu visite au détenu dans sa cellule.

Les inspecteurs

Charlet, Lécureuil, Laemmer.

********************

Sûreté                                                                           Le 7 mai 1892

Rapport

Surveillance sur le nommé Ravachol

Nous avons l’honneur de rendre compte à Monsieur le commissaire de police, chef du service que pendant la surveillance exercée de midi à 7 heures du soir sur le nommé Ravachol, le détenu est allé à la promenade de 2 heures à 2 heures ½

A 5 heures ½, nous l’avons conduit devant M. Lascoux, juge d’instruction, muni d’une commission rogatoire du parquet de Saint-Etienne. Ce magistrat l’a interrogé sur les crimes qui lui sont reprochés :

1° assassinat du brocanteur de la Varizelle et de sa domestique commis en 1886.

2°Assassinat de deux vieilles femmes à Saint-Etienne commis le 28 juillet, un mois après son évasion lorsqu’il fut arrêté pour l’assassinat de l’ermite de Chambles.

Il lui a été présenté le marteau qui a servi à tuer ces deux femmes, il nie connaître cet outil et nie également être l’auteur des 4 crimes qui lui sont reprochés.

Chaumartin était présent comme témoins à l’interrogatoire et à déclaré que Ravachol lui avait dit être l’auteur de l’assassinat de la Varizelle, il a ajouté qu’il s’était vanté d’avoir « estourbi » cinq personnes et qu’il ne désespérait pas d’arriver à la douzaine.

Nous l’avons réintégré dans la cellule. En descendant nous avons vu Béala et la fille Soubère qui attendaient pour être interrogés par M. Lascoux.

Richer, Maigre, Sénart

Sûreté Paris le 7 mai 1892

Rapport

Surveillance du nommé Ravachol

La surveillance exercée à la Conciergerie de 7 heures à minuit au sujet du nommé Ravachol, Léon, aucun incident ne s’est passé qui soit de nature à signaler au service.

Ce dernier a été conduit à l’instruction de 7 heures ½ à 8 heures, lequel a été interrogé sur les assassinats et la violation de sépulture dont il est inculpé.

En sortant de l’instruction, monsieur le juge nous a demandé ce que faisait Ravachol. Il a été répondu à ce magistrat que l’inculpé lisait une bonne partie de la journée.

Ensuite de dernier a lu jusqu’à 9h ½ et il s’est couché, au moment où nous quittons la surveillance ce dernier dort d’un profond sommeil.

Nous avons été relevés par nos collègues Charlet, Lécureuil, Laemmer.

Gallet, (illisibles)

SOURCE : Arch. Préf. de pol. JA 8

Congrès français de l’Internationale anti-autoritaire à Oullins les 28 et 29 septembre 1872

13 vendredi Juil 2018

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Nouvelles de l’extérieur.

Une lettre de France nous communique les résolutions adoptées par un Congrès français, composé de 23 délégués de sections françaises.

Sur l’action politique actuelle des classes ouvrières, le Congrès vote l’abstention pure et simple en matière électorale.

Cette résolution a été adoptée par 22 voix contre une.

Sur l’organisation des forces ouvrières ouvrières, le Congrès vote la création de groupes autonomes.

Une lettre d’un compagnon français nous avise que deux importantes sections du Midi se sont prononcées pour les résolutions du Congrès de Saint Imier.

Bulletin de la Fédération jurassienne n°23 du 1er décembre 1872

******************************

A la fin de l’été 1872, un rapport, en provenance de Genève, signé par un mystérieux « L.x. », annonçait aux autorités françaises pour le 28 septembre, la tenue à Lyon d’un congrès ayant pour but  « l’organisation des sections du Midi en fédération ». Une réunion s’est effectivement tenue à Oullins les 28 et 29 septembre 1872, à laquelle auraient participé 25 internationalistes.

Parmi eux, se seraient trouvés des membres de la section de Narbonne. Le Petit Lyonnais rapporta qu’à cette même période des délégués de Bordeaux étaient également de passage à Lyon pour participer à des réunions clandestines. Lors de cette importante réunion, des résolutions furent prises « dans le sens de l’abstention électorale et de l’emploi exclusif des moyens révolutionnaires ».

Les tentatives de reconstitution de la première internationale et les débuts du mouvement anarchiste à Lyon 1871-1881 par Lionel Bébin. Mémoire de maîtrise Université Lumière-Lyon II. Septembre 1996. p. 88 et 89.

Les sections d’Oullins et de Narbonne de l’Internationale anti-autoritaire

12 jeudi Juil 2018

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Tribunal correctionnel de Lyon

(Correspondance particulière de la Gazette des tribunaux)

Présidence de M. Gilardin, vice-président.

Audience du 27 mars.

Association internationale des travailleurs. Affiliation. Colportage.

L’envoi de brochures relatives à la Commune, à l’Internationale ou à leurs doctrines, et l’expédition de lettres adressées à des membres de l’Internationale, dans lesquelles il est ouvertement question des buts et des doctrines de l’association pour les approuver, prouvent suffisamment contre l’auteur de cet envoi ou de ces lettres, l’existence du délit prévu par la loi du 23 mars 1872, punissant l’affiliation à l’association internationale des travailleurs ou à toute autre association ayant le même but, et professant les mêmes doctrines, ainsi que le concours prêté à leur développement.

Le délit de colportage n’est pas suffisamment caractérisé par l’envoi de brochures, lorsqu’elles ont été expédiées sur commande.

Nous avons annoncé dans un de nos précédents numéros les condamnations prononcées contre les sieurs Rogelet et Combet, pour affiliation à l’Internationale.

Voici le texte du jugement rendu par le tribunal de Lyon.

« Le tribunal,

Attendu que les poursuites opérées à Narbonne, contre divers membres de l’Internationale ont fait découvrir dans cette ville, au domicile de Niquel, deux lettres qui lui avaient été adressées par le secrétaire correspondant d’une section du Rhône ; que ces deux lettres, écrites par la même main, sont signées, la première, A. Monteuil, secrétaire-correspondant, avec l’adresse A. Rogelet, place de la Mairie, 4, Oullins ; l’autre est signée du prénom seul d’Auguste ; que la première, datée du du 20 septembre dernier, a pour but de nouer, entre les sections des deux pays, des relations qui avaient été préparées par le voyage d’un sieur Combet, à Narbonne, qu’il y est traité ouvertement du but criminel de l’association, de ses doctrines subversives, des détails de son organisation ;

Qu’il y est reconnu qu’il n’existe aucune divergence sur le but et sur les doctrines entre les divers peuples qui composent l’association internationale, et qu’on n’est en désaccord que sur les moyens d’arriver, qui sont considérés comme une question purement locale ; qu’il y est traité aussi des livres de nature à en propager l’esprit et des moyens de se les procurer ; qu’il y est question d’une visite faite à cet effet, à la librairie républicaine, par l’auteur de la lettre avec son ami Combet, de l’insuffisance de cet intermédiaire, et d’un service de contrebande organisé pour remplir ce but ; qu’enfin, on y invite la section de Narbonne à se faire représenter par un membre, à une réunion qui devait avoir lieu à Oullins, les 28 et 29 septembre suivants ;

Attendu que dans la deuxième lettre, datée du 19 octobre dernier, il est rendu compte de la réunion qui a eu lieu à Oullins, et des résolutions qui ont été prises dans le sens de l’abstention électorale et de l’emploi exclusif des moyens révolutionnaires ; qu’il y est en outre annoncé l’envoi d’une caisse qui venait de Genève et qui renfermait des livres et des brochures, relatifs à la Commune, à l’Internationale et à leurs doctrines, avec l’indication des titres et du prix de ces ouvrages ; que cet envoi correspond d’une manière exacte, d’une part, avec une déclaration d’expédition d’une caisse de papiers et registres qui a été faite à Oullins, le 20 octobre dernier, avec la signature Lagoutte, à l’adresse de Gaillard, à Narbonne, et, d’autre part, avec un mandat sur la poste de 90 fr. 75 C., qui a été adressé par Niquel, de Narbonne, à la date du 1er novembre, à Rogelet, d’Oullins, qui représente le prix exact des ouvrages dont l’envoi a été annoncé par lettre du 19 novembre et qui a été touché par ce dernier le 3 novembre, au bureau central de Lyon ;

Attendu qu’il résulte de la vérification des écritures et de toutes les circonstances de la cause, la preuve évidente que Rogelet (Auguste), est l’auteur des deux lettres adressées à Niquel, de la déclaration d’expédition signée Lagoutte et de la signature Rogelet apposée sur le récipissé de la poste ; que, malgré les dénégations du prévenu, aucun doute ne peut s’élever à cet égard, à raison de la similitude complète des écritures, qui est, pour chacune des lettres, révélée par les détails les plus caractéristiques ;

Attendu qu’il est, en outre, établi par la procédure et les débats, que Combet (Antoine) a effectivement fait un voyage à Narbonne, au mois de septembre dernier, avant la correspondance précitée ; que pendant son séjour dans cette ville, il a été en relation avec Niquel, Gaillard, Darie et les autres membres de l’Internationale, actuellement poursuivis devant le tribunal de Toulouse, et que c’est bien par son intermédiaire que les sections du Rhône et de Narbonne ont été mises en rapport ; qu’il a été chargé depuis, par Darie, de se rendre à la librairie républicaine pour y remettre une lettre et y solder un compte, démarche dont il a été rendu compte par Rogelet, dans sa lettre ; qu’enfin, à la date du 7 octobre 1872, il a expédié, par le chemin de fer, à son beau frère, Bringuier, à Narbonne, un colis du poids de 750 grammes, qui a été déclaré par lui contenir des cartes de visites ; que sa signature a été vérifiée d’une manière indubitable, malgré ses dénégations, sur la feuille d’expédition ; que le colis a été livré au domicile de Bringuier, à Narbonne ; qu’il résulte encore des termes d’une lettre de Pierre Bringuier, en date du 10 novembre dernier, saisie au domicile de Combet, que ce colis renfermant des brochures, a été reçu par lui et remis à Niquet, auquel il était destiné ;

Attendu qu’il résulte de tous ces faits la preuve que Rogelet et Combet ont été, depuis moins d’une année et notamment en septembre et en octobre derniers, dans le département du Rhône, affiliés à l’Association internationale des travailleurs, ou a toute autre association ayant le même but et professant les mêmes doctrines ;

Que Rogelet a, en outre, accepté dans cette association les fonctions de secrétaire correspondant qu’il a exercées sous un faux nom ; qu’il a assisté aux réunions des 28 et 29 septembre dernier, dont il a rendu compte ; que les témoignages destinés à constater son alibi ont établi, au contraire, qu’il avait été à Oullins la plus grande partie de la journée du 28, ainsi que la matinée du 29, et qu’il avait passé le reste de ces deux jours à Lyon ;

Qu’il a, en outre, sciemment concourant au développement de l’Association, en propageant ses doctrines, soit par des lettres, soit par l’envoi de brochures écrites dans le même esprit, qu’il a déclaré lui-même être destinées à ce but ;

Qu’il n’est pas établi, en ce qui ce qui concerne Combet, qu’il ait assisté aux réunions des 28 et 29 septembre, ni qu’il ait fait acte de propagation des doctrines de l’Association ; que les circonstances de la cause permettent de présumer qu’il n’a été qu’un intermédiaire choisi parmi les affiliés, à raison des relations de famille qu’il avait à Narbonne et qui peuvent expliquer son voyage ;

Que ces faits constituent les délits prévus et punis par les articles 1, 2, 3 de la loi du 23 mars 1872, et que le tribunal, en appréciant leur gravité, croit devoir, malgré le système de défense des prévenus, leur tenir compte, dans une certaine mesure, de leurs bons antécédents ;

Attendu, en ce qui concerne le délit de colportage, qu’il ne paraît pas suffisamment caractérisé, l’envoi des brochures ayant eu lieu en suite de commandes, et les prévenus n’ayant été, à cet égard que des intermédiaires chargés d’en faire l’acquisition ;

Par ces motifs,

Le tribunal, vu les articles 2 et 3 de la loi du 23 mars 1872,

Jugeant contradictoirement et en premier ressort ;

Condamne Rogelet (Auguste) à un an d’emprisonnement, 50 fr. d’amende et cinq ans d’interdiction de tous ses droits civiques, civils et de famille, énumérés en l’art. 42 du Code pénal ;

Condamne Combet (Antoine) à trois mois d’emprisonnement, 50 fr. d’amende et cinq ans d’interdiction de tous ses droits civiques, civils et de famille, énumérés en l’art. 42 du Code pénal ;

Les condamne en outre solidairement aux dépens ».

Gazette des tribunaux 9 avril 1873

L’Internationale anti-autoritaire en France : le complot de Lyon 1874 (4)

11 mercredi Juil 2018

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Tribunal correctionnel de Lyon.

(Correspondance particulière de la Gazette des tribunaux)

Présidence de M. Giraud.

Audience du 22 avril.

Affaire dite du complot de Lyon. Société secrète. Affiliation à l’Internationale. Propagation des doctrines de cette association. Détention d’armes de guerre.

(Voir la Gazette des tribunaux des 22, 23 et 24 avril)

L’interrogatoire des prévenus s’est terminée à l’audience du 22. Nous publions la fin des explications données par eux au Tribunal.

Serre

D. Vous avez été condamné pour vol et vagabondage ?

R. Oui, monsieur

D. Vous avez prêté votre local pour des réunions ?

R. Oui, je croyais qu’il s’agissait d’une réunion d’ouvriers tisseurs ; n’ayant pu assister à la première réunion, je n’en connus le caractère que le lendemain en lisant le programme.

Durieux

D. Qui est-ce qui vous convoquait à ces réunions ?

R. Je n’ai jamais assisté à aucune réunion, je ne puis donc le savoir.

D. Bruy et Serre déclarent que vous assistiez aux réunions de Dubois et Serre ?

R. C’est à faux qu’ils m’accusent.

En effet, de la lecture des interrogatoires devant le juge d’instruction, il semble résulter qu’une similitude de noms a pu faire croire qu’il assistait aux réunions ; aucun des prévenus ne l’a vu. Tous rectifient leur déclaration en ce sens.

M. le président à Dubois : Durieux est-il venu chez vous ?

R. J’étais à cette réunion ; des noms ont été prononcés, entre autres le mien ; mais aucun nomination officielle n’ayant été faite, je n’ai pas cru devoir protester.

Dubois interrogé répond que l’accusé allait souvent chez lui, mais pour un tout autre motif.

D. La première réunion chez Dubois est-elle celle où Boriasse a présenté son programme ?

R. Oui, monsieur, je me souviens maintenant de ce fait. Je me souviens également que j’ai protesté vivement contre les divers articles de ce programme.

Gaillard explique ensuite comment il a été arrêté. Il se trouvait avec Damaisin et Roure. Lorsque les agents de police les abordèrent, Damaisin, qui se rendait compte de leurs intentions, se sauva ; les autres auraient pu en faire autant, mais ils préférèrent se livrer. Damaisin en fit autant quelques minutes après. L’accusé veut conclure que, s’il avait eu des délits sur la conscience, il ne se serait pas mis volontairement entre les mains de la police.

Busque

D. Vous avez été poursuivi, en 1870, comme affilié à une société secrète ?

R. La poursuite n’a pas eu de suite.

D. Vous avez fait partie du Comité d’émigration. Où se tenaient les réunions ?

R. Chez Garrin

D. A quelle époque ?

R. Je ne m’en souviens pas.

D. Vous avez été mis en rapport avec Chassan ?

R. Je n’ai jamais eu de relations avec lui.

D. A quelle époque avez-vous connu Gouttenoire ?

R. Je ne me rappelle pas. J’ai du le voir, pour la première fois, il y a deux ou trois ans, dans quelques réunions comme il y en avait tant à cette époque.

D. Votre femme n’a-t-elle pas porté des lettres à Saint-Etienne ?

R. Je ne sais pas.

D. Gillet a dit que c’était une dame Léo, de passage à Saint-Etienne, qui avait apporté des lettres de Lyon ?

R. Je n’ai jamais connu Gillet, je ne sais pas.

D. Une dame qui donne des leçons de piano, qui prend votre prénom, voilà de fortes présomptions pour qu’on puisse croire que cet intermédiaire était votre femme ?

R. Voilà une question à laquelle je ne puis répondre.

D. Vous avez assisté le 15 août au congrès de Lyon ? Vous étiez chez Garrin.

R. J’ai suivi Gouttenoire à Lyon ; me doutant du but de la réunion, je n’y suis pas allé.

D. Quand avez-vous retrouvé Gouttenoire ?

R. A la sortie ; je suis même descendu dans le sous-sol le chercher.

Les déclarations de Boriasse, Perroncel, Gillet et Gouttenoire attestent, en effet qu’il était resté en haut.

Lorsqu’il a été poursuivi pour affiliation à la société secrète, il croyait que la société ne s’occupait alors que de questions ouvrières. Il y a loin de là, dit-il, aux tendances révolutionnaires que la société a manifestées depuis et je réprouve complètement ses doctrines actuelles.

Sibilat*

D. Où avez vous connu Perret ?

R. J’étais un de ses camarades.

D. Vous avez assisté au congrès du 15 août ?

R. Je n’étais pas ici.

D. Laurençon déclare cependant avoir vu au congrès un grand jeune homme blond, qui portait des lunettes et qu’on nommait Sibilat

R. Ce doit être une erreur, il ne m’a pas reconnu à la confrontation.

D. Lachal a fait la même déclaration.

R. Je n’étais pas à Lyon ce jour là, j’étais à Montchat.

D. Perret vous a adressé Camet avec une lettre qui disait : « Tu traiteras Camet, non en non en communard, mais en ami. Tu sais que nous attendons prochainement la fin de la comédie versaillaise. La semaine verra peut-être la fin de toutes ces turpitudes. N’oublie pas de venir au rendez-vous ».

R. Je n’ai jamais eu de relations avec Camet **

*Orthographié Sibiliat dans le document

** le texte indique Sibilat.

Après cet interrogatoire, l’un des prévenus, Gillet, lit sa défense écrite ; la parole est ensuite donnée à Me Andrieux, défenseur de Polosse, Deville, Gouttenoire et Durieux.

La Gazette des tribunaux 25 avril 1874

Rhône (Lyon)

Les débats de l’affaire dite du complot de Lyon, se sont terminés à l’audience d’aujourd’hui. Une dépêche de notre correspondant nous fait connaître la décision du tribunal.

Polosse et Sibilat ont été renvoyés des fins de la prévention.

Camet et Gillet ont été condamnés à cinq ans de prison, les autres prévenus à des peines variant de six mois à trois ans d’emprisonnement. Tous ont été condamnés à une amende de cinquante francs et le tribunal leur a interdit l’exercice de leurs droits civils.

La Gazette des tribunaux 26 avril 1874

Inédit. La vie quotidienne de Ravachol à la Conciergerie. 6 mai 1892

10 mardi Juil 2018

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Sûreté                                                                    le 6 mai 1892

Rapport

Surveillance sur le nommé Ravachol

Nous avons l’honneur de rendre compte à Monsieur le commissaire de police, chef du service, que pendant la surveillance exercée de minuit à 7 heures du matin sur le nommé Ravachol, il ne s’est rien passé de particulier de nature à être signalé.

Le détenu dormait à notre arrivée et ne s’est réveillé qu’à 6 heures ½, heure à laquelle on réveille les détenus.

Richer, Maigre, Sénart

**************************

Sûreté                                                             Paris le 6 mai 1892

Rapport

Surveillance du nommé Ravachol

La surveillance exercée à la Conciergerie de 7 heures du matin à midi au sujet du nommé Ravachol Léon, aucun incident ne s’est produit qui soit de nature à signaler au service..

Ce dernier s’est levé à 7h1/2 et à 10h1/2 il est allé à la promenade jusque midi.

Nous avons été relevés par nos collègues Charlet, Lécureuil, Laemmer

Gallet, (illisibles)

******************************

Sûreté                                                     Paris le 6 mai 1892

Rapport

Surveillance de 12h à 7 h du soir

Dans l’après-midi le nommé Ravachol a été conduit au service d’identification où il a été photographié dans différentes poses.

M. le directeur de la Conciergerie est venu lui rendre visite pour s’informer si les livres qu’on lui distribuait lui étaient d’une lecture agréable.

Les inspecteurs

Charlet, Lécureuil, Laemmer

************************************

Sûreté                                                            le 6 mai 1892

Rapport

Surveillance sur le nommé Ravachol

Nous avons l’honneur de rendre compte à monsieur le commissaire de police, chef du service que pendant la surveillance exercée de 7 heures du soir à minuit sur le nommé Ravachol, il ne s’est rien passé de particulier de nature à être signalé.

Le détenu a lu jusque 8 heures et demie et dormait lorsque nous avons été relevés.

Richer, Maigre, Sénart

SOURCES : Arch. Préf. de pol. JA 8

L’Internationale anti-autoritaire en France : le complot de Lyon 1874 (3)

09 lundi Juil 2018

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Tribunal correctionnel de Lyon

(Correspondance particulière de la Gazette des tribunaux)

Présidence de M. Giraud.

Audiences des 20, 21 et 22 avril.

Affaire dite du complot de Lyon. Société secrète. Affiliation à l’Internationale. Propagation des doctrines de cette association. Détention d’armes de guerre.

(Voir la Gazette des tribunaux des 22 et 23 avril)

Après l’exposé présenté par M. Boissard, procureur de la république, M. le président procède à l’interrogatoire des prévenus ; ainsi que nous l’avons annoncé, presque tous reviennent sur les aveux de l’instruction ou cherchent à atténuer la portée de leurs premières déclarations ; voici les explications données par quelques-uns d’entre eux.

Bruy.

Il dit qu’il n’a jamais fait de propagande ; il est allé voir Boriasse, avec lequel il était allé au comité d’émigration et l’a vu pour ce motif, non pour celui d’organiser le congrès du 15 août. Il reconnaît que dans une réunion à laquelle il assistait, il fut question de la création d’un journal, mais les difficultés à surmonter firent rejeter ce projet.

A son insu, il fut nommé membre de la commission de statistiques et chargé de donner les noms des membres révolutionnaires qu’on pouvait enrégimenter.

Audouard

Il dit que, depuis 1850, il n’a jamais assisté à une réunion publique, et qu’il s’est entièrement consacré au travail. Il a combattu la candidature Barodet, parce que le caractère du candidat ne lui convenait pas. D’ailleurs, il décline l’honneur d’exposer devant le tribunal les raisons de cette antipathie. Il fut exclu du groupe de la Guillotière en raison de ses antécédents.

Afin de répondre à ses dénégations, M. le président lui oppose les déclarations de plusieurs de ses coaccusés, entre autres Lafay, Boriasse, Lachal, Dubois.

D. Qu’aviez-vous à répondre à ces déclarations ?

R. Je déclare que ces réponses ont dû être suggérées à mes camarades, car je ne pouvais assister à ces réunions quand même je l’aurais voulu. Je conteste formellement les déclarations dont vous parlez.

Dubois

Il se plaint d’avoir été tenu cinq mois au cachot, bien que malade.

D. Avez-vous été nommé membre de la commission de permanence ?

R. Oui, j’étais membre de la commission des finances ; je devais recueillir les fonds.

Il reconnaît également avoir fabriqué le timbre.

D. De qui teniez-vous les numéros de la Solidarité et de la Révolution sociale, trouvés chez vous ?

R. Boriasse les avait déposé chez moi afin que tout le monde pût en prendre connaissance.

D. On a trouvé chez vous des épingles bleues et une lame de sabre.

R. Cette lame de sabre est une lame de hallebarde qui n’a donc jamais pu que défendre les droits canoniques.

Damaisin

D. Vous avez été délégué du comité central ?

R. Oui, pour la première campagne de mon bataillon. Je fus président deux mois, mais sans secrétaire confidentiel.

Il demande à rendre compte de l’accusation portée contre lui d’avoir tenu une maison de filles soumises. Le fait est complètement inexact, et il dit que s’il a été arrêté en 1850, cela a été une erreur ; elle a été reconnue.

D. Vous avez assisté à la réunion chez Dubois ?

R. Non. Je suis allé un soir chez Dubois, mon collègue, à la société de secours mutuel dont j’étais le secrétaire, afin de lui demander des renseignements sur la messe annuelle que nous devions faire dire. J’y ai assisté par curiosité seulement.

Masson

Il allait souvent chez Dubois. Voici comment il expliqua ce fait. Lorsque sa femme allait faire des courses, elle laissait les clés de la maison chez Dubois ; l’accusé, en rentrant le soir, était forcé de les reprendre chez lui.

L’accusé entame une longue dissertation sur la distinction à faire entre les sociétés publiques et les sociétés secrètes. Il affirme hautement sa profession de foi. Je n’ai jamais fait partie de l’Internationale, ni d’aucune société secrète.

Gillet

D. Vous avez été condamné le 14 juillet 1866 à un mois de prison pour vol et vagabondage ?

R. Oui, monsieur ; j’étais dans une communauté religieuse, j’avais mis de côté une somme de 18 francs ; mais au moment de partir, sachant bien que le directeur, qui était un abbé, ne me rendrait pas mon petit pécule, je résolus de me payer de mes mains.

Or, il résulte des déclarations de M. le président que ce que l’accusé appelle une communauté religieuse, était une maison de correction.

D. N’avez-vous pas essayé de créer un journal à Saint-Etienne ?

R. Non, le journal en question étant imprimé à Bruxelles.

De ses déclarations devant le juge d’instruction, il résulte qu’il a composé plusieurs articles.

A ce propos, il déclare avoir renié dans une lettre la responsabilité de ses déclarations et ne répondra plus aux interrogations.

Il explique son emploi de pseudonymes par l’exemple de hauts personnages entre le roi du Danemark. Il reconnaît le nom de Verval et avoir correspondu avec Bakounine, Pindy, par l’intermédiaire de Philippine ; les lettres lui étaient adressées à Raphaël Phila, ouvrier à la manufacture d’armes de Saint-Etienne. C’est lui qui a écrit l’article de la Solidarité révolutionnaire :

« Chaque cheveu enlevé à une tête d’Internationaliste est une tête de bourgeois qui tombe », « Gambetta est un intrigant et un ambitieux » disait Bakounine dans une lettre à Gillet, il faut s’en garder comme de la peste et si j’avais à choisir entre Chambord et Thiers, je préférerais le dernier.

D. Vous avez correspondu avec Gouttenoire ?

R. Je ne lui ai adressé que deux lettres.

D. Pourquoi employez-vous de faux noms pour signature ?

R. Je vous ai dit que c’était une fantaisie.

D. Vous avez rédigé la Solidarité ?

R. Non, monsieur, j’avais contacté une dette envers Merlin, et je voulais la payer en endossant sa responsabilité.

D. Comment les correspondances de Lyon vous arrivaient-elles à Saint-Etienne ?

R. Je n’en ai point reçu… Une seule lettre m’a été apportée par une dame Léo venant de Marseille.

Gillet a déclaré pendant l’instruction qu’une dame Gusse, maîtresse de piano, lui apportait deux fois par semaine sa correspondance.

D. Au mois de mai, il y a eu une première réunion dans un endroit isolé ?

R. Je proteste contre le mot de réunion. Nous étions en groupe d’ouvriers. Le soir après le travail, le dimanche, nous allions nous promener aux environs, et au retour, nous prenions soit un Vermouth, soit une absinthe.

D. Le 8 juin, il y a eu un autre congrès. Ce n’était pas une promenade d’ouvriers, cette fois. Vous attendiez des délégués des localités environnantes. Vous aviez désigné comme lieu de rendez-vous un endroit écarté ?

R. C’étaient quelques amis et camarades que j’avais invités à dîner.

Le président, voulant continuer l’interrogatoire, le prévenu, déclare l’entretien rompu. Il continue cependant à répondre.

D. Vous êtes allé en Suisse. Vous y avez vu Bakounine ?

R. Je suis allé en Suisse, mais n’y ai vu personne.

D. Vous avez essayé d’embaucher des militaires ?

R. Non

Gillet se débat contre la déposition de Latour. Il prétend que Latour a déclaré que sa déposition était écrite d’avance et qu’il n’a eu qu’à signer.

M. le président ordonne la lecture d’une seconde déposition de Latour, qui affirme, sous la foi du serment, l’exactitude de sa déposition précédente.

Gillet demande à poser une question à M. le procureur de la république.

M. le procureur de la république lui fait observer qu’il n’a pas été interrogé ; cependant qu’en raison de ce qu’en ce moment il est poli, il lui répondra.

Gillet donne quelques explications sur l’organisation du comité fédéral. Il réclame la lecture de son interrogatoire.

M. le procureur de la République lit à Gillet tous les détails qu’il a donnés et qu’il paraît regretter.

Gillet à un mot de M. le président, s’écrie avec violence : « Vous m’interrompez, vous ne voulez pas m’entendre, condamnez-moi tout de suite ». Il semble que le calme extrême de M. le président irrite le prévenu ; à plusieurs reprises Gillet répond durement : « Cela me regarde, je n’ai pas à vous le dire ».

Lachal

Il reconnaît avoir assisté aux réunions, dans la baraque abandonnée et dans la carrière, et au dîner donné au Chat, en compagnie de Gillet et de ses amis.

Il nie avoir été délégué à Lyon, il a assisté au congrès.

Il demande à donner quelques explications sur ce point. Il vint à Lyon voir Boriasse, alla dans la réunion qui eut lieu dans le sous-sol ; il n’y avait pas besoin de lumière, dit-il, c’était en plein jour. Il rencontra Gillet qui lui avait donné des papiers pour les remettre à Boriasse ; il lui remit les papiers et rentra avec lui dans le sous-sol.

Il connaissait Perroncel et, avec lui, il fut mis en relation avec Camet*. Il l’invita à dîner et ils passèrent la soirée ensemble. Camet me demanda s’il y avait du travail à Saint-Etienne ; il dit qu’il viendrait et s’arrêterait à Terre-Noire, parce qu’il avait un parent à la gare de Saint-Etienne. Le restaurant du Chat est sur la route, nous mangeâmes au Chat et nous partîmes pour Saint-Etienne.

Lachal ajoute qu’il ne connait pas les relations de Boriasse et de Dupuis.

Gouttenoire

D. Vous passez pour le chef du parti radical de Roanne.

Le prévenu rit

Ne riez pas et répondez ?

Le prévenu n’admet pas qu’il soit le chef dudit parti. Il reconnaît qu’il écrivait à Gillet sous un faux nom. La presse, dit-il, menaçant la France d’un coup d’Etat, je m’occupais de politique. Je ne voulais pas m’exposer, c’est pour cela que je signais Gaston.

Du reste, l’histoire nous a prouvé les dangers d’être connu comme homme politique.

D. Gillet vous écrivait aussi chez Mme Rambaud épicière, et sur la 2e enveloppe, pour Mlle Louise.

R. Non, répond l’accusé

D. Vous avez aussi écrit à Boriasse ?

R. Non

D. Mais vous lui écriviez sous le nom de Grégoire ?

R. Boriasse m’envoya des brochures pour 4 francs 10 c. Mme Latand m’apporta ces ouvrages. Boriasse lui disait sur un papier joint à l’envoi, je vous en enverrai d’autres, si vous le voulez ? Sur la note, il y avait l’indication de la fausse adresse que j’ai mise sur la lettre.

Le procureur lit la lettre.

« Compagnon et ami,

J’ai tardé de te répondre, j’étais absent… Il faut à tout prix nous entendre pour avoir le journal de Genève…pour ce qui est du Congrès, il faut attendre qu’il soit imprimé.

Il faut attaquer la tête du Jacobinisme, car le peuple est toujours attaché aux honneurs, il parle du Petit Lyonnais qu’il appelle une ordure.

Ecris-moi souvent, car j’aime te lire

Léon »

Le prévenu persiste à nier qu’il connût Boriasse, ce qui ne l’empêchait pas de le tutoyer. Rien, du reste, ne démonte l’aplomb de Gouttenoire.

Il a envoyé à Gillet un article résumé sur les ouvrages de Proudhon pour le Républicain de la Loire, cet article parut bientôt sous le titre : les Malthusiens.

Il reconnaît avoir reçu deux numéros de la Solidarité.

On lit une lettre dans laquelle Gouttenoire dit qu’il est d ‘avis que le bulletin vaut mieux que la Solidarité dans les campagnes.

Bien entendu, le prévenu se plaint que ses réponses n’ont pas été exactement reproduites par le juge d’instruction.

Gillet nie avoir reçu la lettre de Gouttenoire. Le procureur de la république lui répond par sa propre déposition ; Gillet ne dit mot. L’évidence cette fois est telle qu’il faut s’y rendre.

D. Vous avez été convoqué au congrès de Lyon le 15 août ?

R. Je suis venu à Lyon pour proposer de fonder un journal ; on n’accueillit pas ma proposition, je me retirai. J’avais été appelé par une lettre signée L. Je me suis arrêté à Tarrare pour accompagner Ayèle. Là, j’ai vu Polosse que j’avais rencontré chez Lafay. Polosse me plut ; il me fit l’efet d’un galant homme. Nous primes une consommation et nous causâmes de la politique militante.

D. Qu’appelez-vous politique militante ?

R. C’est la politique actuelle ; après tout, je ne connais pas bien mon français.

On lit à Gouttenoire un de ses interrogatoires, il s’écrie : « C’est épatant, c’est épatant ! Je ne veux, s’écrie-t-il, reconnaître que les feuilles signées par moi ».

On lui montre sa signature ; il est d’abord embarrassé ; puis comme l’interrogatoire est long, que la signature n’est que sur la dernière page, il prétend qu’on a intercalé les autres.

« Je ne répondrai plus, qu’on me condamne ».

Ayèle

Il a été condamné à 15 mois de prison pour tentative de vol et pour vol. Il explique de son mieux ce passé que prouve le casier judiciaire. Interrogatoire peu important .

Lafay

D. Vous avez reçu de Gouttenoire des Bulletins de la Révolution sociale ?

R. Je les ai reçu indirectement.

D. Ne les avez-vous pas communiqués à Polosse ?

R. Non

Les précédentes déclarations attestent qu’il en a remis à Polosse et à Gouttenoire.

D. Le jour de la Pentecôte, Gouttenoire n’est-il pas venu passer la journée avec vous ?

R. Polosse est venu, je ne me souviens pas si Gouttenoire était avec lui.

D. Vous avez assisté au congrès du 15 août à Lyon ?

R. Oui, monsieur.

Polosse

D. Vous êtes prévenu de vous être occupé beaucoup de politique ?

R. Je me suis occupé d’élections seulement.

D. Vous vous êtes emparé des pouvoirs de Tarare, au 4 septembre ?

R. Mon avocat prouvera que le pouvoir nous a été librement et légalement cédé.

D. Vous avez fait placarder pendant la Commune des affiches qui annonçaient vous sympathies pour sa cause ?

R. Non.

D. Gillet n’est-il pas allé vous voir à Tarare au mois de juin ?

R. J’ai beaucoup d’amis politiques, je reçois de nombreuses visites ; je ne me souviens pas de la sienne.

D. Pourquoi Gillet allait-il vous voir ?

R. Pour régler une affaire de grève. Je n’étais donc pas le but unique de sa visite.

On lit une lettre dans laquelle Gillet annonce qu’il se rend à Saint-Victor pour causer avec Lafay des besoins de l’association.

D. Vous dites que vous ne connaissez pas les doctrines de l’Internationale, et pourtant on a trouvé chez vous diverses brochures Internationalistes ?

R. J’avais trois brochures qui ne contenaient aucune exposition de doctrine.

D. La prévention vous reproche d’avoir fait partie de l’association. Boriasse n’a-t-il pas été chargé de vous apporter un revolver de la part de Pérard ?

R. Oui, j’avais laissé deux années auparavant, chez Pérard, un revolver. Je lui écrivis de me l’envoyer ; mais, ayant sous la main un ami commun, Boriasse, il le lui remit pour qu’il me le donnât à son passage à Tarare : c’était dans les premiers jours de janvier 1873.

Camet

D. Depuis quand faites-vous partie de l’Internationale ?

R. Depuis le 1er mai 1870.

D. Vous avez été membre de la Société du Salut de la France ?

R. Oui, monsieur.

D. Vous avez été compromis dans l’insurrection du 30 avril ?

R. Non

D. Vous avez disparu à cette époque ?

R. Oui, monsieur, j’étais en Suisse.

D. On a arrêté à Bellegarde, un nommé Sance, porteur de modèles de circulaire du Comité républicain central de la France républicaine. Vous les lui avez remis pour les faire imprimer ; il l’a déclaré.

R. Je ne m’en souviens pas.

D. Vous vous êtes fait affilier à l’association de Barcelone ?

R. Oui, mais j’étais soumis aux lois espagnoles.

D. Vous avez à Barcelone fondé un journal, la Fédération sociale ; vous en avez envoyé en France ?

R. J’ai fait ce journal, il est vrai, mais je n’en ai jamais envoyé en France.

D. Cependant il a passé la frontière.

R. Ce sont peut-être des amis à moi qui en auront envoyé.

D. Vous vous êtes caché en France à votre retour. Pourquoi ?

R. Pour ne pas attirer l’attention de la police.

D. Dans vos réunions, vous vous occupiez de questions internationalistes ?

R. Non.

D. Cependant dans tous vos écrits vous traitez de l’Internationale et vous exposez ses doctrines. Dans une feuille de Genève, vous avez annoncé la réorganisation de cette société ; vous l’avez annoncée aussi dans plusieurs de vos programmes.

Les plaidoiries commenceront probablement à l’audience de demain.

La Gazette des tribunaux 24 avril 1874

*Orthographié « Canut » dans le texte.

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