Cette, le 4 juillet 1881,
Chers compagnons de la Révolution sociale,
Nous sommes vivement étonnés de la lettre de Narbonne parue dans le Citoyen de Paris, numéro du 3 juillet, datée du 27 juin et revêtue des signatures de Bimard*, Gouiry, – et relatant certains passages des travaux du Congrès de Cette qui sont absolument erronée. Voici la vérité.
Lorsque le citoyen Tressaud, délégué de la Pensée-Libre de Marseille, en réponse au délégué du Cercle radical de Cette qui faisait l’apologie de Louis Blanc et de Victor Hugo, montrait la conduite de Louis Blanc pendant la semaine sanglante, et disait que pendant que celui-ci votait des remerciements pour les Versaillais, ses électeurs étaient massacrés par eux, – une voix de l’auditoire et venant des premières galeries, interrompit le citoyen Trassaud en disant que ce n’était pas le programme de Guesde, Tressaud répliqua : – pas plus Guesde que Malon, nous ne voulons les envoyer au parlement, car nous en ferons des Tolains et de Nadauds. Voilà l’exacte vérité ; ce n’est que la presse bourgeoise radicale et le sieur Bousquet qui dénaturèrent les paroles du citoyen Tressaud en assimilant Guesde et Malon à L. Blanc et V. Hugo.
Les délégués du Cercle de la Montagne de Narbonne et notamment Gouiry, signa la contre protestation adressée à Bousquet, dont il attribue à présent la rédaction uniquement aux anarchistes. C’est là, nous le reconnaissons, où le citoyen Gouiry est déjà de mauvaise foi.
Ils disent encore qu’ils protestèrent énergiquement dans les réunions préparatoires contre les violentes paroles du citoyen Tressaud prononcées la veille ; cela nous étonne beaucoup et nos collègues partagerons notre étonnement, convaincus comme nous que cette protestation n’a eut lieu dans aucune séance.
En effet, les citoyens délégués de Narbonne, dans la dernière séance, lurent la proposition suivante :
« Considérant que la division du parti socialiste telle qu’elle actuellement ne peut que causer notre défaite, mais que l’union fait la force : – Le congrès émet le vœu suivant :
Que l’on fasse disparaître toute qualification d’anarchistes et de collectivistes et que les diverses écoles se groupent sous le même nom de socialistes révolutionnaires. »
Le citoyen Marmier** seul qui vota toutes les résolutions avec les anarchistes, soutint la proposition Gouiry-Bimard. Il nous reste maintenant à savoir, comment auraient fait les délégués de Narbonne, s’ils avaient vu la majorité des délégués favorables aux principes collectivistes qu’ils défendaient ? Et nous répondrons nous même de la même façon qu’ont agi les délégués des congrès antérieurs, en déclarant le Congrès du Midi franchement collectiviste.
Nous ne pouvions faire ce qu’on fait les autre congrès, puisque les délégués étaient en majorité anarchistes ; nous ne pouvions déclarer que le Congrès du Midi était franchement collectiviste. Est-ce logique ?
Maintenant, cette proposition Gouiry-Bimard ne pouvait figurer au Compte-rendu officiel, puisque le citoyen Gouiry ne voulut pas la laisser entre les mains du secrétaire correspondant du Congrès.
Les citoyens Gouiry et Bimard se trompent quand ils disent que quatre délégués se prononconcèrent contre la majorité du Congrès. – Les résolutions ont été adoptées à l’unanimité moins deux voix (des deux délégués de Narbonne et six absents***).
Quant aux conclusions qu’ils disent avoir posées et avoir été rejetées par le congrès, nous n’en avons nullement connaissance, et nous sommes encore plus surpris de les voir figurer dans la lettre précitée.. Nous pensons fort qu’elles n’ont été formulées que dans l’esprit de ces délégués.
Quand à « l’illégalité dans l’organisation des congrès ouvriers », nous leur disons qu’un seul délégué représentait plusieurs groupes, et sauf les citoyens Gilly, de la Grande Combe, Marty de Graulhet et Hébrard de Cette, les autres ne représentaient qu’un seul groupe ou fraction de groupe, et les citoyens Gouiry et Bimard étaient dans ce dernier cas. En quoi donc peuvent-ils se plaindre des groupes ayant plusieurs délégués ? Nous leur dirons encore que ce n’est pas, grâce à ce qu’ils appellent une illégalité, que la majorité a été anarchiste, puisque l’ensemble des résolutions a été voté par 27 voix anarchistes, contre 2 voix collectivistes et 6 voix radicales absentes.
Voilà la vérité que nous défions à qui que ce soit de démentir.
Louis Hébrard.
La Révolution sociale 10 juillet 1881
*orthographié Bismark dans le document
**orthographié Marmiès dans le document
*** les délégués radicaux ayant quitté le congrès
Source : Arch. De la Préf de police Ba 32