Réunion des Groupes dissidents.
Nous avions annoncé qu’une réunion organisée par un Comité de protestation contre le Congrès de Bordeaux* devait avoir lien jeudi dernier dans le local des Chambres syndicales, rue Saint-Bruno, 111. Ce local, dont la disposition, parait-il, appartient à une commission dite locative, a été refusé aux organisateurs; mais la réunion a eu lieu quand même : elle s’est tenue dans une maison voisine, au numéro 89 de la même rue, croyons-nous, et on nous eu communique aujourd’hui le procès-verbal, que nous reproduisons à titre de document:
Président, le citoyen Gras; secrétaire, le citoyen Petit. Après l’adoption d’une protestation contre la fermeture de la salle des Syndicats, on passe à l’ordre du jour. Le citoyen Bergogne demande qu’on ne puisse pas engager les Syndicats sans avoir au préalable consulté ses groupes indistinctement.
Le citoyen Chapoulie demande aux présidents des Syndicats présents s’ils croient que leurs Syndicats adhèrent au Congrès national de Saint-Etienne et demande aux membres présents qu’ils fassent toutes les démarches au près de leurs groupes pour savoir si dans tous les cas ils veulent y adhérer.
Ont adhéré, séance tenante, les Syndicats des cordonniers, des ouvrières réunies, le Groupe de propagande anarchiste, le Cercle de l’Egalité.
Le citoyen Laveau vient déclarer que si l’on s’est réuni aujourd’hui, c’est pour faire autre chose que ce que fait le Congrès national de Bordeaux. Il trouve fort étonnant que des orateurs qui se réclament du parti ouvrier viennent impunément jeter à la face d’un public que la seule marche a suivre est l’épargne pour arriver à l’association, lorsque ces mêmes orateurs reconnaissent que l’ouvrier ne gagne pas assez pour vivre. Il conclut en disant que les travailleurs ne doivent attendre leur affranchissement que de la révolution sociale, ce grand levier des opprimés qui fera trembler un jour la féodalité capitaliste et engage tous les travailleurs à se grouper sous le drapeau de la révolution.
Le citoyen Bach, président du Syndicat des patrons cochers, demande si l’on veut accepter son Syndicat parmi les Syndicats ouvriers et les groupes d’études sociales pour marcher avec eux à l’émancipation, et pour l’envoi de délégués à Saint-Etienne.
Le citoyen Aurange répond au citoyen Bach que, s’il veut marcher individuellement avec nous, il sera très bien reçu; mais que pour accepter les Syndicats patronaux avec nous, c’est impossible, attendu que les travailleurs poursuivent la destruction du patronat.
Le citoyen Chapoulie demande pourquoi l’on n’accepterait pas le Syndicat en question, s’il veut marcher avec les travailleurs pour la destruction de ce vieux monde qu’il faut abattre, de ce vieux monde rongeur de l’humanité, exploiteur des faibles.
Le citoyen Laveau vient appuyer les idées du citoyen Chapoulie et ajoute à l’appui de son dire que les citoyens Flourens, Delescluze, Duval, qui sont morts sur les barricades pour la défense du peuple, des déshérités de la fortune, et Eridon et Elisée Reclus, le grand savant, certes, ceux-là n’auraient pas eu besoin de s’occuper des travailleurs, et cependant ils marchent à la tête de la révolution sociale pour acquérir l’affranchissement des travailleurs.
Il cite encore le prince Kropotkine qui est à la tête de la révolution russe et qui n’a pas craint d’exposer sa vie, sa fortune, au service de cette grande cause méconnue jusqu’à ce jour : l’humanité ! Mais il faudra bien qu’un jour les indifférents ouvrent les yeux à la lumière!
Il est décidé qu’une grande réunion publique et contradictoire sera donnée mercredi prochain, 13 septembre. On y invitera les délégués du Congrès national de Bordeaux. Le citoyen Guérin propose qu’on fasse imprimer des manifestes qui seraient affichés sur les mur de Bordeaux.
Le citoyen Chapoulie propose qu’il soit fait des prospectus qui seraient distribues pour annoncer la réunion. Ces prospectus seraient ainsi conçus : « Réunion publique et contradictoire donnée par les Chambres syndicales dissidentes, le groupe de Propagande anarchiste et le Cercle de l’Egalité. » Cette proposition est adoptée à la majorité
La Petite Gironde 12 septembre 1882
Réunion des Groupes dissidents.
Voici le texte de prospectus auxquels il a été fait allusion dans la réunion des groupes dissidents, dont nous avons publié hier le procès-verbal, et qui doivent être distribués pour annoncer la réunion de demain mercredi : SOCIALISME Mercredi 13 septembre, à huit heures et demie du soir, salle du Théâtre des Variétés, cours des Fossés, conférence publique contradictoire organisée par les Chambres syndicales dissidentes du Congrès national de Bordeaux et par les Groupes de propagande anarchiste et d’études sociales de l’Egalité. Ordre du jour : Des Congres ouvriers et de la Révolution. Prix d’entrée : 25 centimes. — Les délégués au Congrès sont priés d’assister à la conférence
La Petite Gironde 13 septembre 1882
TRIBUNE du travail
On nous prie d’insérer les communications suivantes : Lundi 18 septembre, à huit heures et demie du soir, salle Hussel, 251 route de Toulouse, deuxième conférence publique et contradictoire organisée par les chambres syndicales dissidentes du Congres national de Bordeaux, et par les groupes de propagande anarchiste et d’études sociales de l’Egalité. Ordre du jour: Des Congrès ouvriers et de la Révolution. Prix d’entée : 23 centimes. Les organisateurs délégués: L. Petit ; Chapoulie aîné.
La Petite Gironde 17 septembre 1882
*Congrès ouvrier socialiste de tendance modérée (mutuelliste et coopératiste). Cette tendance s’était séparée des collectivistes (dont les anarchistes) au Congrès ouvrier du Havre en 1880.