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Archives Mensuelles: janvier 2018

Une colonie anarchiste : Tarzout (Algérie). Refuge de déserteurs (3)

31 mercredi Jan 2018

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Palais de justice d’Orléansville (Algérie)

Algérie Alger le 30 juin 1894

Parquet du procureur général

Monsieur le Garde des sceaux

J’ai l’honneur, comme suite à mes rapports des 19 et 27 janvier dernier, de vous rendre compte du résultat de l’information suivie au tribunal d’Orléansville contre les nommés Regnier, André Reclus, Boisson, Cotinaud, Tracol, Lortal, Cheitanov et Antoine Lopez, inculpés du crime d’association de malfaiteurs, prévu par la loi du 18 décembre 1893.

Cette information a nettement démontré que le sieur Regnier, gendre d’Elisée Reclus, est à Tarzout, le chef reconnu d’une colonie exclusivement composée d’anarchistes français ou étrangers. Les membres de cette colonie entretiennent des rapports suivis avec les anarchistes d’Alger et sont en relations avec les anarchistes de la Métropole et de l’étranger.

Une commission rogatoire envoyée à Genève, à la suite de la saisie opérée au domicile de l’inculpé Cotinaud, a permis d’obtenir certains renseignements sur les déserteurs dont il est question dans la correspondance de cet anarchiste, correspondance dont je vous ai donné l’analyse à l’appui de mon rapport précité du 19 janvier.

Le sieur Combard Ferdinand, a été condamné le 5 juin 1888, par le conseil de guerre de Blida, à huit ans de travaux publics, pour voies de fait envers un supérieur et pour bris de clôture. Quelques mois après cette condamnation, le 16 décembre 1888, il s’évada de l’atelier n°1 et trouva asile à la ferme Regnier à Tartouz. L’inculpé Cotinaud prêta son livret militaire à l’évadé qui fut, grâce à cette pièce, dissimulé aux autorités et gagna Genève. Le livret prêté fut retourné à Cotinaud le 8 mai 1889. Le sieur Combard habita Genève pendant deux ans, il fut expulsé de cette ville le 12 avril 1891, à la suite d’une affaire de coups et blessures dans laquelle il avait joué un certain rôle et se rendit à Bruxelles. Il habiterait encore aujourd’hui la Belgique.

Le sieur Perrare Antonio, a été expulsé de Genève le 16 juillet 1889.

Le sieur Fourgatia a quitté Genève, où il était signalé au mois d’avril 1893, comme anarchiste militant.

Le sieur Philippot a été expulsé de Genève le 16 juillet 1889. Le 6 août de la même année, la même mesure a été prise contre Turina.

L’information ayant démontré que l’inculpé Lopez Antonio, entretenait des relations suspectes avec trois anarchistes d’Oran, ses compatriotes, les sieurs Bernabeu, Antonio Guerrero et Manuel Alcina, ces espagnols ont été également mis en état d’arrestation et impliqués dans les poursuites.

Il n’a pas été toutefois possible d’établir que l’association, non douteuse, existant entre ces divers individus, constituât une association ayant pour but de préparer ou de commettre des attentats, dans le sens où l’entend la loi du 18 décembre 1893.

Une ordonnance de non-lieu a donc été rendue, de ce chef, en faveur de Regnier, Reclus, Boisson, Cotinaud, Tracol, Cheitanov, Antoine Lopez, Bernabeu, Guerrero et Alcina.

Les nommés Boisson, Xixonnet, Cheitanov, Lortal et Tracol qui, lors des perquisitions opérées au domicile du sieur André Reclus, s’étaient rendus coupables d’outrages envers M. le commissaire central et ses agents, ont été déférés au tribunal correctionnel d’Orléansville qui, dans son audience du 21 juin courant, a condamné les prévenus, savoir : le 1er à six mois d’emprisonnement – le 2e à cinq mois – le 3e à quatre mois – le 4e à quinze jours – et le cinquième à 2 francs d’amende par application des articles 223 et 224 du code pénal.

Les nommés Cheitanov (sujet bugare), Bernabeu, Guerra, Alcina (sujets espagnols) ont été remis à l’autorité administrative, qui a déjà pris contre eux des arrêtés d’expulsion.

Le procureur général.

Source : Archives nationales BB 18 6450

Une colonie anarchiste : Tarzout (Algérie)(2)

30 mardi Jan 2018

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Paul REGNIER vers 1930. Document tenes.info

Les anarchistes algériens. – M. Régnier à Tarzout

Nous avons relaté, en leur temps, les incidents dont fut le théâtre la petite colonie algérienne de Tarzout, lors de l’exécution des récentes mesures prises contre les anarchistes.

On perquisitionna et on arrêta, à tort et à travers.

La colonie de Tarzout était particulièrement désignée à l’attention et aux sévérités d’une police soucieuse de la sécurité publique.

Tarzout a pour fondateurs, en effet, pour principaux habitants, des membres de la famille Reclus, et l’on sait tout ce que signifie ce nom de Reclus pour les braves Français habitués à demander aux organes de l’orthodoxie officielle quelle opinion ils doivent se faire des choses et des gens.

Les Reclus sont de paisibles citoyens qui vivent sans bruit, écrivent -€” l’un d’eux surtout -€” de beaux livres, et rêvant aux moyens de hâter la marche de l’humanité vers l’émancipation, le progrès, le bonheur. Ils ne feraient pas de mal à une mouche, comme on dit vulgairement. Mais enfin, il est entendu que ce ne sont pas des gens à fréquenter et qu’il faut se garder contre eux et contre leurs perverses doctrines.

Donc, un membre de la famille, M. Régnier, gendre d’Elisée Reclus, a fondé une colonie anarchiste à Tarzout. Un de nos confrères, Ernest Mallebay, dans le dernier numéro de la Revue Algérienne, nous dit un peu ce qui se passe à Tarzout. Vraiment, la description n’a rien de terrifiant ; il s’en dégage plutôt je ne sais quel parfum d’idylle.

M. Régnier est un ancien élève de Centrale qui, après sa sortie du l’école, alla s’établir comme architecte à Alger.

Mais, cet architecte aimait mieux le libre espace et la belle nature que ses crayons, ses compas et les pierres de taille qu’il avait à mettre les unes sur les autres, selon
les règles de l’équilibre et d’une esthétique plus ou moins imposée. Il quitta la ville pour les champs, avec l’intention bien arrêtée de se faire colon.

Sa bourse n’était pas grosse. Impossible, par conséquent, de songer à s’établir en quelque commode et riche propriété, dans le voisinage des villes. Il se mit donc à la recherche d’un domaine qui fût en rapport avec les ressources dont il disposait. Après avoir parcouru le pays à pied, il fixa son choix sur Tarzout. C’est un petit coin perdu en plein pays arabe et où l’on n’aborde que par un étroit sentier à casse-cou.

Une fois son domaine constitué par des achats de terre, M. Régnier se mit à l’œuvre sans plus tarder. Tout d’abord, il fallait se loger. II commença donc par se construire un gourbi. Pendant les travaux de construction, il couchait dehors, sous un olivier.
Puis, il cultiva et sema pour se rendre un peu compte de la valeur du sol et de ce qu’on en pourrait tirer. Les premiers résultats furent encourageants.

Eu conséquence, le colon songea à s’installer définitivement, à se bâtir une maison.

Terrible problème ! Gomment, sans chemin praticable, amener les matériaux à pied d’œuvre ? Bah ! M. Régnier ne fut pas longtemps en peine. Il ne fallait pas compter sur les chevaux ni sur les mulets. Il acheta une barque et fit venir par eau ses matériaux de Tenez à Tarzout. Puis,sa maison achevée, il y installa sa famille. Tels furent les commencements de la colonie.

Aujourd’hui, le petit noyau du début a considérablement grossi, Un ami a d’abord rejoint le fondateur, puis des parents, puis des gens qui demandaient du travail et du pain, que M. Régnier a accueillis, occupés, éprouvés à la besogne, qui ont voulu rester avec lui et qu’il a gardés.

Aussi Tarzout est un village qui a son école, car, chez les anarchistes, les bébés pullulent.

Et c’est un curieux spectacle que celui de toute cette population à l’œuvre, sous la direction de M. Régnier.

« En été, dit E. Mallebay, il est debout à deux heures du matin ; c’est lui qui va réveiller ses bergers et assiste à la sortie des troupeaux. Toute la journée, il est sur pied, allant partout, diriger, surveiller. Personne ne chôme chez lui ; les amis sont très bien reçus; mais, au bout de quelques jours, on leur fait comprendre que le travail est la meilleure des distractions, et s’ils ne se sentent aucun goût pour la vie rustique, ils n’ont qu’à reprendre le chemin par où ils sont venus.

» Régnier s’est bien gardé de donner dans le travers de la plupart des colons, qui se sont jetés à corps perdu dans la culture de la vigne. Chez lui, toutes les cultures possibles en Algérie sont représentées. Il fait de la vigne, des céréales, des légumes, il élève du bétail. Il a un jardin potager comme jamais je n’en ai vu de semblable : dans les plus grandes fermes. Il se livre même à la culture des plantes à essences ; il a trouvé le moyen de faire transporter chez lui une chaudière à vapeur. Il aura son moulin bientôt, et dans quelque temps tout un système de canaux d’irrigation va fonctionner. Enfin, il a construit à ses frais un chemin qui le relie à Cavaignac, »

Avec les Arabes du pays, les relations de la colonie sont excellentes. M. Régnier a appris leur langue qu’il parle aujourd’hui comme un Bédouin authentique. C’est autour de sa maison que se vendent les denrées du voisinage ; c’est là que se tient le marché.

Détail qui ne manque pas de saveur, l’anarchiste Régnier a été contraint, par la confiance des Arabes employés chez lui, à se faire banquier. Ils lui confient leurs économies, leur petit pécule, qu’il leur rend le jour où il leur prend envie d’aller faire un tour au gourbi natal.

Vous voyez que les bombes ne paraissent guère en honneur à Tarzout, et que, si l’on s’y préoccupe de marmites, c’est parce que, sans marmites, il est malaisé de faire la soupe.

B. Guinaudeau.

Source : La Justice 4 février 1894

Iconographie : site internet TENES/Algérie 1830-1962.

http://tenes.info/galerie/REGNIER/paul_regnier_colombi

Une colonie anarchiste : Tarzout (Algérie)(1)

29 lundi Jan 2018

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La ferme de Tarzout
construite par Paul Regnier en 1888/89. Document tenes.info

Lorsqu’on suit la belle route du littoral sur Ténès vers Mostaganem, après la ferme Dessoliers, derrière la Pointe-Rouge que l’on traverse par un chemin grimpant au flanc de la montagne, on aperçoit vers l’Ouest à 27 kms de Ténès, une bande étroite, entre les collines boisées et la mer, où les cultures soignées et quelques fermes se prolongent sur 16 kms jusqu’au village de la Marsa. Les installations sont anciennes, ayant commencé en 1888, et c’est la région où l’on a découvert, en 1894 la colonie dite « anarchiste » de Tarzout.

Toutes les créations, entre la Pointe-Rouge et El-Marsa, sont entièrement dues à l’initiative privée et ne doivent rien à l’intermédiaire de l’Etat – rien que l’indifférence, d’ailleurs souhaitée, de la commune mixte, et les incidents ridicules de 1894, qui troublèrent quelque peu les colons, habitués à la paix.

En 1888, on arrivait dans la région que par des sentiers muletiers ; il fallait vraiment aimer l’isolement et la brousse pour songer à s’y établir. Mais on avait la ressource du transport par mer, et cette voie suffit pour ravitailler les habitants et exporter leurs produits pendant 17 ans jusqu’en 1904, époque où l’on construisit la route du littoral.

Les premiers qui vécurent dans le pays furent avec un architecte d’Alger, Paul Régnier, gendre d’Elisée Reclus, un maçon et ses deux jeunes fils, un distillateur d’essences, puis un jeune homme qui fut facteur et devint forgeron. Une barque d’Alger, de 50 tonnes, leur apporta les éléments d’une baraque et à peu près ce qu’il faut pour construire, bâtir et cultiver.

Ces quatre aventuriers étaient des anarchistes. Ils avaient suivi les réunions d’Alger, frayé avec les « compagnons », lu les journaux de l’idée, mais il paraît qu’ils y avaient trouvé les prévisions trop lointaines, les réalisations trop rares, puisqu’ils voulaient arriver à vivre sur un terrain neuf et aussi loin que possible d’une aide qu’ils croyaient inutile.

Ils parlèrent bien, au préalable, de l’organisation de l’affaire : comment trouverait-on, avec la liberté, le moyen de vivre à sa guise sans le maudit argent ? On conclut qu’il faudrait des capitaux. L’oncle de l’un d’eux, un notaire féru aussi du travail de la terre, avança les 50.000 francs qu’il fallait pour acheter le sol, puis 15.000 francs pour vivre et cultiver. Ensuite,le père de l’architecte, puis les deux frères du même, puis le Crédit Foncier, firent les fonds. Bref, on dut passer par le capitalisme, et dès l’origine, on paya les ouvriers, ni plus ni moins qu’à Alger.

C’était donc une entreprise comme les autres pour le profit, et, éventuellement – comme ce fut le cas – pour les pertes, d’un petit nombre de maigres financiers. Cependant, il y eut, dans ce groupement, quelques chose de particulier qui le tient à part des colons ordinaires : ce fut une certaine solidarité qui ne se démentit pas, et qui, longtemps, les conserva unis. La communauté d’idées, le même idéalisme, que tous gardaient, firent de ce coin perdu un centre d’attraction, où vinrent se retremper bien des déçus de la vie.

Il en vint de partout : les parents, les amis de Paris, des hommes cultivés, des politiciens mécontents, des amants de la nature, des artistes peintres, des ouvriers d’art et des fils de colons. Ils arrivèrent à Tarzout, à pied ou sur des mulets, ou par barque, pour voir ce qui s’y faisait. Ils repartaient, les uns désenchantés de ce pays où il fallait « barder » pour gagner sa pauvre pitance, les autres en plaignant sincèrement leurs amis exilés. Cependant, beaucoup restèrent dans ce bled où l’on pouvait parler librement. Et ce sont ceux-là qui, maintenant peuplent la région.

Car, si l’on y parlait beaucoup et plutôt pour dire du mal de la société, on y travaillait ferme. En huit ans, on avait construit l’importante ferme de Tarzout et ses dépendances, la maison d’ Ouzidanne et la cave, la maison de Boukelifène, celle de Colombi, et ce sont les ouvriers de Tarzout qui avaient édifié la ferme de l’Oued-Zeboudj et celle de Bou-Larouah. On avait planté 60 hectares de vignes, qui existent à ce jour et sont parmi les plus belles de la région, construit une cave qui passe pour un modèle, fait des canaux de dérivation de trois kilomètres pour irriguer la plaine, planté et exploité dix hectares de géranium et quatre hectares de piment vivaces. On avait essayé toutes les cultures et l’on exportait, par la voie des mers, céréales, vins et divers.

Ce sont des marocains qui défrichèrent les 150 hectares de terre et défoncèrent les 60 ha. De vigne, les colons occupés à tracer, à bâtir, à tailler, à diriger la culture, ne pouvant défricher sous la pluie et le soleil. Ces marocains gagnaient de 2 francs à 2,50 par jour, dépensaient 0, 75 et partaient en mai chargés d’écus, c’est à dire 150 ou 200 francs qu’ils importaient dans leur pays, se sentant riches et puissants.

Donc à Tarzout, on exploitait les arabes et les Maghrébins, comme en France on fait de l’ouvrier. Mais il s’agit de savoir s’ils étaient plus heureux qu’avant l’arrivée des colons et ceci est une autre histoire. C’est celle de l’Algérie, des pays d’Europe, de partout et de tous les temps.

Les ouvriers de Tarzout furent très nombreux ; en dix ans, il en passa environ 150, dont une vingtaine restaient d’une façon constante. Les maçons, les menuisiers, forgerons se succédèrent, venant de Ténès et des environs. Les uns partant quand ils en avaient assez, les autres restant, achetant quelques lopins de terre aux alentours. Les cultivateurs venaient de Cavaignac, qui n’était pas encore le village prospère que l’on connait. Il en vint de France qui restèrent dans le pays. Presque tous arrivèrent à l’aisance et même à la fortune. Mais tous travaillèrent et bien.

La propriété de Tarzout 1.050 hectares, dont 800 de montagne inexploitable, et le restant de brousse et de palmiers nains, sauf une dizaine d’hectares de cultures indigènes, n’était pas habitée, si on excepte quelques gardiens chargés de veiller sur les récoltes lorsque venait l’époque de la moisson. C’était surtout une terre pour le bétail. Elle fut vendue aux anarchistes par un colon établi près de Cavaignac, qui l’avait acquise trois ans auparavant et s’en défit volontiers. Comme toute la côte, elle était peu prisée des Arabes qui, sous la menace des marins turcs prélevant des tributs avaient toujours préféré les hauteurs environnantes.

En arrivant, les nouveaux acquéreurs trouvèrent un petit gourbi arabe que des puces affamées défendaient. On demeura d’abord sous un vieux caroubier ( c’était au mois de juin) puis, on monta la baraque apportée d’Alger et l’on se mit à labourer. Tout était à faire : chemins, four à chaux, four à brique. On s’assura le concours d’une barque, montée par deux marins, pour établir la liaison entre Tarzout et Ténès, un chariot, deux chevaux, quatre bœufs suffirent pendant un an aux charrois. On construisit deux écuries, une menuiserie, une forge, un petit bâtiment d’habitation ; en 1891, on édifia trois autres bâtiments et une cave, et les colons se trouvèrent à peu près tous logés. On travaillait toujours avec ardeur.

Les femmes firent leur apparition à Tarzout quelques mois après les hommes. Une vaillante veuve vint y faire la popote commune : la femme d’un maçon arriva ensuite, puis les autres au fur et à mesure que l’on put construire quelques baraques.

Un an après l’arrivée de la balancelle de 50 tonnes apportant les choses de première nécessité, la colonie comptait dix hommes et cinq femmes. Elle vivait.

En 1894, quelques semaines après le vote par les chambres que l’attentat de Vaillant avait affolées, des lois dites « scélérates », le bruit se répandit en Alger, que la sûreté générale venait de dénicher, dans la région de Ténès, un repaire d’anarchistes. Le parquet d’Alger avait mobilisé toutes les forces policières dont il pouvait disposer et cette troupe, pourvue d’armes à feu et d’armes blanches, sous la conduite du commissaire central, était partie subrepticement pour surprendre, au petit jour, avant qu’il pût s’égailler dans les champs, ce redoutable nid de vipères.

Le soir, sur les terrasses des cafés et dans les cercles bien pensants, on commentait le fait avec passion. Le monsieur qui sait tout affirma que l’on avait découvert un vaste complot et saisi des documents d’une importance capitale ; le monsieur mieux renseigné encore, renchérissait sur son voisin, disant que les anarchistes de Tarzout, avaient opposé une vive résistance et qu’il y avait eu de la casse de part et d’autre. Et c’est ainsi que naquit la légende de la Colonie anarchiste.

Des perquisitions avaient eu lieu dans toute la France, et le 7 janvier arriva inopinément à Tarzout, une bande de policiers, dirigés par M. Paysan, commissaire central d’Alger. Quelle en était la raison ? Qu’avait-on fait de particulier cette année-là ? Rien. Mais Paul Reclus, le neveu du géographe, ayant prêté vingt francs à Vaillant, la veille de son attentat, était recherché par la police. On le chercha partout, et finalement on se dit qu’il devait être réfugié à Tarzout. Un malheureux bulgare, venu pour planter du géranium quelque jours avant, était signalé comme un Paul Reclus déguisé.

Le commissaire ne trouva rien à saisir, et le bulgare, interrogé ayant été mis hors de cause, la bande se dirigea vers la ferme d’André Reclus, frère de Paul, où malheureusement, pendant que Paysan perquisitionnait, arrivèrent les jeunes gens de Tarzout, un excités et qui s’étaient affublés pour la circonstance, des chemises rouges de Bulgare. On les prit pour des révoltés. L’un d’eux s’étant permis de faire de l’esprit avec la police, il en cuisit à tous. Ils furent arrêtés, ligotés par les gendarmes et emmenés à Ténès. Les gens que le commissaire avait tout d’abord considérés comme de doux philosophes étaient devenus subitement à ses yeux de dangereux criminels.

On emmena sept ouvriers à Ténès, puis à Orléansville. On les inculpa de participation à une « association de malfaiteurs » et avec eux, tous les hommes et femmes de la colonie qui n’avaient pas été arrêtés, mais qu’on estimait coupables. Deux mois après, le tribunal d’Orléansville acquitta tout le monde, sauf l’homme d’esprit, qui récolta deux mois de prison pour en avoir trop montré. Mais il fut relâché en même temps que ses camarades qui, tous avaient fait deux mois de prison préventive.

Les perquisitions administratives continuèrent : une liste de 200 noms fut remise aux mains d’agents spéciaux pour signaler toute personne se rendant à Tarzout : on déplaça des fonctionnaires, soupçonnés d’entretenir d’amicales relations avec les libertaires ; pendant cinq mois, on surveilla étroitement le domaine de Tarzout, on décacheta, on supprima toute correspondance qui paraissait suspecte ; on tenta, mais vainement – car ils furent aussitôt démasqués – d’introduire dans la colonie des agents provocateurs. C’était désagréable, évidemment, mais on se remit au travail, qui reprit sa marche normale malgré deux ou trois désertions de garçons trembleurs.

Qu’ont fait les colons de Tarzout en ces 37 ans et sans aucun concours ? Un vieux du pays m’a renseigné : ils ont, ma foi, à peu près tout réussi en cultivant ou en faisant autre chose – ce qui permet de dire que, comme le journalisme, l’anarchie mène tout à condition d’en sortir. L’un qui acheta sans argent des terres arables, est actuellement un des plus gros propriétaires terriens de la contrée ; l’autre, avec ses économies, un riche colon de Fromentin, malgré ses huit enfants ; un troisième, arrêté en 1894, qui s’était ensuite fixé dans le département de Constantine, est un puissant agriculteur ; un quatrième est rentré à Paris, où il fait de la littérature : l’artiste peintre Berteault est mort paysagiste très apprécié ; Paul Regnier est rentré faire à Alger de l’architecture, mais il a son fils à Colombie et il est toujours colon dans l’âme. Les fils, gendres, parents, amis des colons primitifs ont continué à travailler et à imiter leurs initiateurs.

Voyons ce que sont devenus des 18 kms de littoral, étroite bande de terre plate, où il n’y avait rien ou à peu près, et où aujourd’hui, on voit onze belles fermes :

A l’Ouest Zeboudj, la propriété de Bertcault (cinquante hectares de vignes) a été vendue à un colon quelconque. A Ouzidanne 40 hectares de vignes, plantées de 1891 à 1893 et toujours belles, cuve importante et maison. A Tarzout, maison datant de 1890, vignes magnifiques et de grand rapport et terres à froment. A Boukélifène, 20 hectares de vignes dans un site charmant. Ces trois propriétés vendues au gendre d’un des colons de la première heure, constituent aujourd’hui le plus beau domaine de son successeur. Ni l’un, ni l’autre, n’ont rien bâti, mais ils ont fait du bon vin avec la vigne plantée par les anarchistes, et tous deux sont riches.

La ferme d’André Reclus, parti au Maroc, a été vendue, s’est agrandie, mais c’est lui qui a fait la maison et mis en culture les 70 hectares qui la composent. Puis vient une ferme, crée et construite par un ancien ouvrier de Tarzout ; elle a 50 hectares et elle est très prospère. La petite maisonnette que l’on rencontre après cette ferme, est occupée par le forgeron de Tarzout. Il faut s’y arrêter et causer avec le seul « compagnon » qui n’ait pas fait fortune, parce qu’il ne l’a pas voulu. Cet anarchiste honoraire reste le forgeron attitré de toute la région : il est aimé et respecté de tous. A l’Oued-Sidi-Cheikh, à l’Aïn-Larouah, à Comombie, sont installés les fils et les gendres des anarchistes : agronomes expérimentés, ils ont transformé cette région sauvage et pittoresque en l’un des coins les plus attrayants et les plus riches du littoral algérois.

Ces colons ont mis en culture près d’un millier d’hectares, planté de beaux vignobles et des vergers, construit beaucoup et bien. Ils vivent et ils prospèrent. Ils n’ont jamais rien demandé à l’administration, qui ne s’est jamais intéressée à eux pour les ennuyer. Dans un pays perdu et pour ainsi dire, inconnu des Européens, ils ont crée des routes, jardins, troupeaux, domaines, sans faire crier les indigènes, sans pratiquer l’usure – ce qui semble anormal en Algérie. Ils ont fait eux-mêmes leur chaux, leurs briques, leurs pierres, construit leurs maisons, leurs caves, écuries, creusé leurs puits et leurs citernes, établi un débarcadère qui permet aux bateaux de petit tonnage d’aborder à Tarzout. Reconnaissons, cependant, que l’Etat a établi récemment une route en corniche… pour permettre aux cars de la Compagnie Transatlantique de promener les Anglais et qui par surcroit, sert aux colons. L’Etat a aussi arrangé quelques sources pour les cantonniers.

Tels sont les hommes que, à certain moment, le Gouvernement général parlait d’expulser. M’est avis que s’il y en avait beaucoup de ce calibre-là, l’Algérie serait autrement colonisée qu’elle ne l’est actuellement. Des 150 « compagnons » qui contribuèrent à la création de Tarzout, cinq y sont encore, trois ont conservé la vieille foi, et leur influence est restée vivace dans les mœurs de ce petit peuple. Je souhaite qu’elle y persiste toujours.

Tel est le sort de toutes les initiatives : elles se dénaturent, se modifient, se dissimulent mais il en reste toujours quelque chose.

Emile Violard

Source : Annales africaines : revue hebdomadaire de l’Afrique du Nord 15 avril 1927

Iconographie : site internet TENES/Algérie 1830-1962.

http://tenes.info/galerie/REGNIER/tarzout

L’anarchisme en Algérie (décembre 1893)

28 dimanche Jan 2018

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Journal publié par Jean Faure. Document Dictionnaire international des militants anarchistes

Algérie Alger le 27 janvier 1894

Parquet du procureur général

Monsieur le Garde des sceaux,

J’ai l’honneur de vous fournir les renseignements que vous avez bien voulu me demander le 13 décembre dernier sur l’organisation de l’anarchisme dans mon ressort.

Le parti anarchiste ne compte pas actuellement en Algérie un nombre très élevé d’adhérents. Sauf dans le département d’Alger où il existe un commencement assez sérieux d’organisation, ces adhérents ne paraissent pas ostensiblement tout au moins, constitués en comités ; la surveillance dont ils ont fait l’objet jusqu’à ce jour semble avoir suffit dans les départements de Constantine et d’Oran pour arrêter toute velléité de propagande publique. Les dispositions de la loi du 16 décembre 1893 permettant d’ailleurs de rendre cette surveillance plus effective et par suite plus efficiente.

Département d’Alger :

Le comité anarchiste d’Alger-Moustapha existe depuis 1887.

Les premières réunions ont eu lieu les 6 juillet et 24 août 1887. Dans la réunion du 24 août tenue au café Pinto 26 rue Michelet à Alger, la conférence porta sur le nécessité de supprimer toute autorité quelle qu’elle fut et de procéder à un partage général de tous les biens. Un assistant déclara que pour arriver à un résultat « il faudrait faire tomber 75 têtes sur cent ».

Le 3 novembre 1887, dans une réunion tenue chez un sieur Baudry, 8 rue Michelet à Alger, l’anarchiste Gros flétrissait le gouvernement américain à l’occasion de la condamnation à mort dont venaient d’être frappés sept anarchistes de Chicago.

En présence de l’accueil peu sympathique fait à leurs déclarations, les anarchistes algériens cessèrent dès la fin de l’année 1887 de se réunir dans les lieux publics.

D’après les renseignements fournis par le service de la police, ils ont d’assez fréquentes conférences entre eux mais les buts et objets de ces conférences a pu échapper jusqu’ici à un contrôle sérieux.

A diverses reprises des placards anarchistes ont été affichés sur les murs de la ville par des individus restés inconnus, mais qui, à n’en pas douter, appartiennent au groupe anarchiste.

Le 29 avril 1892, une information pour complot contre la sûreté de l’Etat fut requise contre plusieurs membres de ce groupe. Des perquisitions pratiquées au domicile des prévenus amenèrent la saisie d’écrits divers et de correspondances établissant que le comité d’Alger-Moustapha était en relations suivies avec les anarchistes de la Métropole. Cette information aboutit à une ordonnance de non lieu, mais elle permit de recueillir des indications à la suite desquelles M. le Gouverneur général de l’Algérie put prononcer l’expulsion d’un certain nombre d’anarchistes étrangers.

Le groupe d’Alger-Moustapha comprend actuellement 37 membres connus ; vous trouverez ci-joint, les notices de chacun de ces anarchistes, deux d’entre eux, les sieurs Llobera et Santoro sont étrangers. En présence des renseignements fournis sur leur compte par le service de la police de sûreté, il conviendrait à mon sens, de provoquer leur expulsion. J’ai cru devoir joindre également à ces notices celles de 24 anarchistes qui ont séjourné à Alger et qui ont quitté cette ville, soit à la suite de condamnations ou d’arrêtés d’expulsions, soit pour toute autre cause.

Mon rapport du 19 janvier courant vous a renseigné, Monsieur le Garde des sceaux sur l’organisation du parti anarchiste dans l’arrondissement d’Orléansville. Conformément à mes instructions, mon substitut s’est transporté le 21 courant à Tarzout, accompagné de M. le juge d’instruction d’Orléansville. Des perquisitions nouvelles opérées au domicile du sieur Régnier ont amené la saisie de 15 exemplaires du journal le Libertaire, feuille anarchiste paraissant à Bruxelles, de 3 numéros de la Révolte, deux numéros du Père Peinard et de la Revue anarchiste. Au domicile de l’anarchiste Boisson, on a saisi deux exemplaires du Freedom, journal anarchiste de Londres. Les magistrats ont également saisi une lettre dans laquelle le sieur  félicitait Boisson d’un article publié dans le Libertaire. Au bureau de poste de Ténès, ils ont saisi : des numéros de la Révolte adressés aux sieurs Régnier, Tracol et Boisson ; une lettre en langue russe venant de Paris et écrite à Régnier, à cette lettre est jointe un article de journal qui proteste contre l’arrestation de , cet article est signé « Nicolas Speranski, répétiteur à l’école des langues orientales » ; une carte postale en langue russe adressée à Scheitanoff, chez Régnier ; une lettre en langue russe envoyée au même.

Dans le rapport qu’il m’adresse au sujet de son transport à , mon substitut d’Orléansville s’exprime ainsi : « Le sieur Régnier est un homme très intelligent, d’une grande énergie et parfaitement capable de mettre en pratique les théories anti-sociales qu’il a adoptées.

Tous les colons de ce pays sont anarchistes à la dévotion de Régnier qui les a fanatisés comme certains marabouts fanatisent les arabes. Ces derniers même, refusent souvent de répondre aux renseignements qui leur sont demandés par les gendarmes en tournée, alléguant qu’ils sont au service de Régnier…. Les colons (de Tarzout) ont pour Régnier un véritable culte malgré qu’il commande en despote ». Mon substitut cite en outre un fait qui semble indiquer que le sieur Régnier ne s’est pas contenté de faire de la propagande près de ses employés : « A notre arrivée à Gavaignac, l’adjoint de cette commune nous avait donné trois bons chevaux avec lesquels nous avons pu parcourir assez facilement 100 kilomètres environs dans les broussailles et les ravins. Lundi le maire m’a déclaré que si nous nous étions adressés à lui, il nous aurait fait donner les plus mauvais chevaux de la commune, pour que nous ne puissions arriver à Tarzout avant trois jours. A quatre heure, pendant que nous dînions, il est allé boire avec l’anarchiste Cottineau qui venait d’être mis en état d’arrestation et était placé sous la garde d’un gendarme ».

J ‘ai signalé l’attitude du maire de Cavaignac à M. le Gouverneur général.

Il n’existe aucun anarchiste connu dans les arrondissements de Blida et de Tizi-Ouzou.

Département de Constantine :

Quatre individus « suspects d’anarchisme » habitent Constantine ; ce sont les nommés Clavel, Dantin, Pillot et Tauveron. Il n’est pas à la connaissance du service de police qu’ils aient jamais tenu de réunion et manifesté en public les opinions anarchistes qu’ils avaient professées avant leur arrivée à Constantine.

A Bône, la police surveille attentivement cinq individus qui affirment publiquement leurs opinions anarchistes ; ce sont les nommés Chabrolin, Baudry,, Coutureau et Biseglie . Deux d’entre eux Chabrolin et Lauze, ont du reste pris une part active au mouvement révolutionnaire dans la Métropole. Il me paraît qu’il y aurait utilité à provoquer l’expulsion de Biseglie qui est sujet italien. Un anarchiste des plus dangereux, le sieur Brulé, est actuellement détenu à l’atelier de travaux publics de Bône où il purge une condamnation prononcée par le Conseil de guerre de Grenoble. Dans plusieurs lettres interceptées par le l’autorité militaire et écrites au sieur Just Millirato, Brulé conseillait en 1892, comme moyen de terreur de faire sauter le Corps législatif.

A Biskias (arrondissement de Batna) est fixé un anarchiste nommé Barth. Il exerce la profession de plâtrier. Il a sans succès essayé de faire partager ses idées à ses camarades. Ceux-ci lui ont donné le surnom de Ravachol.

On ne compte pas d’anarchistes dans les arrondissements de Philippeville, de Guelma, Bougie et Sétif.

Les notices du département de Constantine sont jointes.

Département d’Oran :

On ne signale que trois anarchistes dans ce département. Ce sont les sieurs Dezechelles, Camélé et Dutiron, leurs notices sont jointes.

Le premier, auteur de l’attentat commis au mois de septembre dernier contre l’église de Saint-Denis du Sig, est détenu à Oran pour ce crime et va comparaître prochainement devant la cour d’assises. Il a fait l’objet de mon rapport du 11 novembre dernier.

Le second habitait il y a six mois Mostaganem où il exerçait la profession de cordonnier. Il recevait à ce moment plusieurs publications anarchistes et notamment La Révolte. Il serait fixé actuellement à Perrégaux (arrondissement de Mascara). Le troisième demeure à Mascara.

Le Procureur général.

Source : Archives nationales BB18 6449

Le Libertaire

organe algérien communiste anarchiste [puis] organe algérien

La CGTSR, 1926-1928 : un épisode de décentralisation syndicale par Claire Auzias

22 lundi Jan 2018

Posted by fortunehenry2 in Analyse, Non classé

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La troisième CGT de l’entre-deux-guerres serait encore inconnue des historiens du mouvement ouvrier sans les quelques pages que Jean Maitron lui consacra dans son histoire de l’anarchisme (1).

A partir des dépouillements des cartons d’Archives départementales du Rhône consacrés à la surveillance dite politique exercée sur les syndicats dans les années 1920, à partir de l’ensemble des sources écrites relatives au syndicalisme révolutionnaire dans le Rhône — étude quantifiée des répartitions syndicales des Premier Mai pour les trois centrales jusqu’en 1939, dépouillement d’archives syndicales, congrès, résolutions et répartition des votes par fédération et par syndicat, presse syndicaliste, notamment Le Combat syndicaliste, organe de la CGTSR —, et enfin, à partir du recueil et de l’analyse des sources orales — corpus majeur et premier de ma thèse —, j’ai étudié cette troisième centrale syndicale dans le département du Rhône. Un département particulièrement intéressant. C’est à Lyon en effet que la CGTSR fixe son siège national lors de sa création les 15 et 16 novembre 1926. C’est là que ce siège reste fixé pendant les deux premières années de son histoire. Un cas exceptionnel dans un pays aussi centralisé que la France. Un cas qui répond à une situation de fait : le département du Rhône est à cette date le seul en France où les syndicats dirigés par les anarcho-syndicalistes, les anarchistes, sont majoritaires. Depuis 1914 ce sont des anarchistes qui, avec Henri Bécirard, ont gardé le siège de l’Union des syndicats du Rhône, y compris au temps de l’Union sacrée.

Cet article ne se veut en aucune façon une histoire de la CGTSR. Pas même une histoire de sa période lyonnaise : il faudrait comme pour toute histoire du syndicalisme la confronter aux autres forces syndicales, à l’histoire du patronat lyonnais, à celle de la municipalité radicale, etc. Il s’agit, modestement, de présenter une chronologie des faits et de contribuer ainsi à une histoire qui reste à écrire. Enfin la nécessité d’équilibrer les différentes composantes de ce numéro dédié à la mémoire de Jean Maitron m’a conduite à limiter à l’extrême le système interprétatif (2).

Il est pourtant nécessaire d’évoquer en quelques mots les origines de la troisième CGT, sans revenir naturellement sur l’ensemble des problèmes complexes qui ont conduit en décembre 1921 (après l’exclusion dès février, par le CCN de la CGT, des syndicats qui se proposaient d’adhérer à l’Internationale syndicale rouge) à la scission entre CGTU et CGT (3). Le débat portait en partie sur les conclusions à tirer, au lendemain de la guerre et de la révolution russe, de la Charte d’Amiens et notamment du paragraphe selon lequel « afin que le syndicalisme atteigne son maximum d’effet l’action économique doit s’exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n’ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui, en dehors et à côté, peuvent poursuivre en toute liberté la transformation sociale ». Ce débat fut suractivé par les problèmes posés par l’éventuelle adhésion à l’ISR dont le congrès de fondation se tint à Moscou en juillet 1921. Aux yeux de nombreux anarchistes attachés à une interprétation littérale de la Charte d’Amiens, l’adhésion à l’ISR signifiait l’acceptation de l’existence des « noyaux communistes complètement subordonnés à l’ensemble du parti » et destinés à « conquérir les syndicats au communisme », conformément à la 9e condition d’admission à l’Internationale communiste. Pour coordonner leurs positions un certain nombre d’anarchistes, membres actifs des Comités syndicalistes révolutionnaires, reprenant une tradition anarchiste bakouniniste, signèrent en février 1921 un « pacte » secret par lequel ils s’engageaient à ne placer à la tête de la CGT, quand elle serait en leur pouvoir, que « des camarades purement syndicalistes révolutionnaires, autonomistes et anarchistes ». Verdier, Besnard et Fourcade, que l’on retrouvera quelques années plus tard à l’origine de la CGTSR, étaient les premiers signataires de ce texte : il signifiait l’organisation d’une tendance au sein de la minorité révolutionnaire de la CGT d’où allait sortir la CGTU.

Si, au congrès confédéral de la CGT en octobre 1920 à Orléans, la minorité révolutionnaire s’était encore retrouvée, notamment dans le Rhône où elle obtint, de justesse, la majorité, sur une motion Verdier, si, grâce au Pacte, Pierre Besnard put supplanter Pierre Monatte à la tête des CSR (4) et si en conséquence le bureau provisoire de la CGTU, de décembre 1921 au congrès constitutif de Saint-Etienne (juin 1922), resta placé sous son influence et celle de ses amis, il n’en fut plus de même à partir de Saint-Etienne : la majorité du congrès désavoua le Bureau et la CA. La motion Monmousseau, soutenue par les délégués communistes quoique Monmousseau ne fût pas membre de la SFIC, obtint 848 voix contre 399 à la motion Besnard. La suprématie communiste fut définitivement acquise au congrès de Bourges (novembre 1923) où près des quatre cinquièmes des délégués votèrent l’adhésion à l’ISR.

L’UD du Rhône pour sa. part était restée fidèle à ses positions anarcho-syndicalistes et anarchistes. Les partisans de la CGT, minoritaires, avaient dû quitter le siège historique du syndicalisme lyonnais et au congrès de Saint-Etienne l’UD avait voté à une majorité non négligeable — 34 mandats contre 27 — la motion Besnard. Rien d’étonnant dans ces conditions à ce qu’elle fasse partie des organisations syndicales qui, après Bourges, décident de quitter la CGTU et entrent dans l’autonomie. Elle le fait le 27 février 1924. La direction confédérale en juin’ ne parvient pas à rallier les dissidents. Et le 14 décembre 1924 c’est la CGTU qui doit à son tour quitter les locaux du syndicalisme lyonnais et greffer le syndicalisme rouge sur des lieux sans histoire.

Pierre Besnard. Document Wikipédia.

Les syndicats qui avaient quitté la CGTU devaient-ils rester dans l’autonomie ? Pierre Besnard avait pris en novembre 1924 l’initiative de les regrouper en une Union fédérative des syndicats autonomes (UFSA). Fallait-il aller plus loin et créer une centrale syndicale autour de cette tendance, ce qui signifiait mettre un terme, au moins provisoire, à l’espérance d’unité ? Tous n’étaient pas d’accord, loin s’en faut. Un Le Pen, délégué du Bâtiment, ne déclarait-il pas que « si nous avons une troisième CGT, c’est deux de trop que nous aurons » (5) ? En tout cas, à la conférence de Saint-Ouen de l’UFSA, le 28 juin 1925, Besnard en devient le secrétaire (6).

C’est finalement de Lyon, et non seulement de Besnard, que viennent les initiatives. Un syndicat unique du Bâtiment s’y organise en août-septembre 1926. Définitivement créé en octobre, il siège 86, cours Lafayette et regroupe les sections des terrassiers, des travaux publics (7), des asphalteurs, parqueteurs, plâtriers-peintres, charpentiers en bois, serruriers, vitriers, ainsi que les ouvriers des fournitures en bâtiment (8). Koch en est le secrétaire (9). Il restera le principal appui, et le plus stable, du syndicalisme, anarchiste de la région lyonnaise. Un mois tout juste après sa création, les 31 octobre et 1er novembre 1926, la création d’une nouvelle confédération fait un pas en avant. L’Union des syndicats autonomes du Rhône tient son congrès au cercle syndicaliste de la rue du Quatre-Août à Villeurbanne, sous la haute présidence de Pierre Besnard.

La première journée est consacrée au rapport moral (propagande, lutte contre le fascisme) ; la seconde, à l’orientation syndicale. La question d’une troisième CGT est examinée ; Fourcade demande la concentration des forces dans une CGT fidèle à l’avant-guerre. Besnard intervient longuement. S’il prône une CGT dans l’esprit de la Charte d’Amiens, il n’en est pas moins sensible aux conditions nouvelles de travail et de vie et met notamment l’accent sur la nécessité d’unir techniciens et scientifiques aux’ travailleurs manuels. Une résolution est votée : « L’unité doit être assurée solidement et ne peut l’être que par la constitution d’un nouvel organisme national, lié lui-même organiquement avec les mouvements syndicaux des pays se plaçant sur le même plan. » Enfin, cette CGT doit être « syndicaliste révolutionnaire, fédéraliste et anti-étatique » (10).

Les 13 et 14 novembre, c’est, à son tour la Fédération du bâtiment qui tient un congrès national extraordinaire à la mairie du 7e arrondissement de Lyon. Koch préside aux premiers débats ; Fourcade ouvre le congrès, puis Racamond, de la CGTU, invite l’auditoire à refuser une troisième CGT. Lucien Huart, au nom de l’UFSA, combat cette intervention ; Lansink, au nom de l’AIT, organisation internationale de tendance anarchiste née à Berlin en décembre 1922, face à l’ISR, en appelle à la situation des travailleurs étrangers en France pour démontrer l’urgence d’un rassemblement national conséquent, seul capable d’affronter ces questions.

Une motion clôt la première journée : les congressistes saluent Sacco et Vanzetti et décident de faire appel à la grève générale insurrectionnelle si besoin est, en réponse aux menaces fascistes.

Au matin du second jour, la résolution finale consacre par 52 voix contre 3 et 2 abstentions la constitution de la troisième CGT. L’après midi est réservée à l’audition des délégués étrangers : Severin, de la centrale suédoise, Buth du bâtiment allemand, Miranda pour la CGT portugaise et Lansink, pour la fédération des Pays-Bas (11). Une séance nocturne envisage la constitution d’une Internationale révolutionnaire du bâtiment.

Sans désemparer, s’ouvre le lendemain matin, lundi 16, l’assemblée des syndicats autonomes, à la mairie du 6e arrondissement. Cette conférence est convoquée par l’UFSA, la Fédération du bâtiment et la Fédération autonome des coiffeurs (12). 89 syndicats y sont représentés par 69 délégués (13). Les quatre délégués étrangers participent au congrès. Lansink représente, en outre, FAIT. Fourcade pour l’UD du Rhône, Madame Bonnefond pour les apprêteurs de Lyon, Charrent des terrassiers constituent le bureau de la première journée. Trois résolutions sont adoptées à l’unanimité en préambule aux délibérations : l’une en faveur de Sacco et Vanzetti, la seconde pour les emprisonnés et persécutés russes ; la dernière pour la création d’un journal et d’une revue.

La discussion sur la constitution d’une nouvelle confédération ne recueille pas l’assentiment de tous les congressistes. Le délégué du syndicat autonome des métaux de la Seine, Albert Guigui, déclare que depuis la création de l’UFSA deux années irrécupérables se sont écoulées qui rendent caduque la constitution d’une confédération. L’affaiblissement des forces signe, à son sens, la faillite du projet besnardien. L’Union autonome d’Amiens et la section du bâtiment de Besançon expriment les mêmes réserves. Les partisans les plus chaleureux d’une confédération « libre, autonome et indépendante » (14) sont autour de Pierre Besnard :  (du syndicat de la chaussure de Paris), Henri Fourcade (de l’UD du Rhône), Clément (des pipiers de Saint-Claude), Raitzon (des métaux de Lyon), Boisson (de la Fédération du bâtiment), Boudoux (du SUB de Paris), Leroy (des coiffeurs de Paris), Aigueperse (des cuirs et peaux de Saint-Etienne), Garros (de l’électricité de Lyon), Demonsais (des communaux de Toulon).

En fin de journée, le congrès affirme « que le premier devoir des syndicalistes consiste maintenant à rassembler d’urgence, dans un même organisme tous leurs éléments épars à travers le pays ; de faire, en un mot, sur leur plan, ce que les deux CGT ont fait sur le leur » (15). La constitution de la Confédération Générale du Travail Syndicaliste Révolutionnaire est votée par 84 voix contre 3 et 2 abstentions. En séance de nuit les quatre délégués étrangers apportent des informations sur le syndicalisme révolutionnaire dans leur pays et expriment leur solidarité morale et matérielle avec la CGTSR. Lansink définit le syndicalisme selon l’AIT et « exprime l’espoir que le mouvement français qui, dans le passé, fut le guide moral du mouvement syndicaliste révolutionnaire mondial reprendra bientôt sa place au sein de l’Internationale Syndicale reconstituée, suivant les principes définis par Bakounine » (16).

La seconde journée du congrès est consacrée à la discussion des statuts, présentés par Lucien Huart. Ceux-ci sont votés à l’unanimité moins deux voix (métaux de Paris et UD d’Amiens) (17). La CGTSR « repose de la base au faîte sur le producteur, garantissant à ce dernier la direction effective de l’organisation des travailleurs ; le congrès manifeste le désir formel de décentraliser fortement l’action confédérale » (18).

Dans cet esprit, la structure de l’organisme confédéral est étudiée et remaniée en unions locales, syndicats d’industrie, conseils d’usine et comités d’atelier. Les fonctions de chaque rouage et des militants responsables sont strictement limitées, selon les principes de la non-rééligibilité, du non-cumul des pouvoirs, de l’apolitisme et du fédéralisme. C’est ainsi que le siège de la confédération est fixé à Lyon, 86, cours Lafayette, sur proposition de la Fédération du bâtiment, par l’article 27 des statuts de la Centrale. Son organe officiel, Le Combat syndicaliste est administré et rédigé au siège de la CGTSR. Un projet de manifeste du syndicalisme révolutionnaire est lu alors par Pierre Besnard. Plus connu sous le nom de Charte de Lyon, ce manifeste reprend les grands axes des résolutions d’Amiens dont il se revendique et s’applique à formuler les conditions modernes faites au syndicalisme révolutionnaire par la concentration industrielle et les régimes fascistes (19). Cette résolution est acceptée par 80 voix dont 30 avec réserve.

En séance nocturne, l’adhésion à l’AIT est adoptée à l’unanimité ; puis on passe à l’élection du bureau confédéral. Fourcade, proposé par nombre de syndicats pour le poste de secrétaire confédéral, se récuse : « ne se sentant pas la force de mener cette rude tâche à bien » (20). L’insistance du congrès ne fléchit point ce refus ; Lucien Huart se propose alors pour un intérim de trois mois. Henri Raitzon est élu secrétaire administratif. Une commission provisoire de seize membres est nommée, parmi lesquels Allègre, Koch, Laplanche, Charrent, Chapuis, Madame Bonnefond.

Lucien Huart s’installe à Lyon pour la durée de son mandat.

Le 17 novembre au soir, la CGTSR invitait les travailleurs lyonnais à la mairie du 6e arrondissement à un meeting de présentation. Les orateurs en sont Lansink, Severin, Buth et Miranda ainsi que Besnard, Huart, Boisson et Boudoux. Allègre préside les débats assisté de Madame Bonnefond et de Pommier. Les thèmes de propagande pour la nouvelle CGT s’appuient sur le constat de la faillite des entreprises politiques libérale (gouvernement travailliste en Grande-Bretagne) et soviétique d’une part, sur le danger fasciste d’autre part (21).

Le 24 novembre, une réunion informative a lieu à la Bourse du travail ; ébénistes, menuisiers en siège, tapissiers, scieurs mécaniques, tonneliers, brossiers, personnel des maisons d’alimentation, ouvriers boulangers de Lyon et banlieue, métallurgistes de toute catégorie, SUB, ouvriers en cuivre sont convoqués (22).

Décembre et janvier sont consacrés à la campagne d’adhésion à. la CGTSR. Ainsi, le 13 décembre, c’est le personnel des maisons d’alimentation qui invite à rejoindre la CGTSR et installe le siège provisoire de son syndicat au « comptoir de la Bourse », 44, cours Morand (23). Une semaine plus tard c’est le syndicat autonome de l’habillement qui vote l’adhésion à la CGTSR (24). Un mois après la constitution de la confédération, cartes, timbres syndicaux et organe de presse sont distribués.

Dans Le Combat syndicaliste de janvier 1927, on peut lire sous la plume de Garros : « l’Union du Rhône qui fut une forteresse révolutionnaire […] se doit à son passé»; à l’oeuvre donc. Le 23 janvier, le congrès départemental de l’Union autonome se constitue en Union régionale de la CGTSR sous le nom de 8e région CGTSR. Par la voix de Fourcade, le fonctionnement de l’Union régionale est exposé comme le principe fédéraliste le plus adéquat aux nouvelles conditions économiques. En tête de ses revendications, la 8e région place le mot d’ordre de l’AIT : « journée de six heures » (25), qui restera son slogan numéro un. Une intense campagne est développée en ce sens (26). Des unions locales se constituent dans la région ; ainsi, celle de Saint-Etienne en décembre 1926 (27).

Des tournées de conférences, avec Huart ou Fourcade pour orateurs, sont réalisées à Grenoble et Romans qui aboutissent parfois à la constitution d’unions locales : c’est le cas de Grenoble. A Romans, le syndicat des travailleurs des cuirs et peaux vote son adhésion à la CGTSR et anime la propagande syndicaliste révolutionnaire dans cette ville. Une fédération CGTSR est en voie de constitution avec Raitzon pour responsable (28).

Le 13 mars 1927, les syndicats autonomes de la Seine forment à leur tour la première Union régionale CGTSR.

Par ailleurs, la fondation de la confédération suscite des heurts avec la CGTU. Allègre était une cible particulièrement choyée des militants unitaires en raison de ses fonctions de secrétaire de la Bourse du Travail de Lyon depuis 1924. Diverses campagnes de presse avaient depuis cette date discrédité Allègre ; les autonomes avaient fait face verbalement.

C’est le 12 décembre 1926 que le différend, focalisé sur Allègre, éclate physiquement. Ce jour-là, deux réunions parallèles, unitaires et autonomes, se tiennent à la Bourse du Travail. La bagarre se mène à coup de barres de fer et de bancs. Un poêle à charbon en combustion est jeté dans l’escalier, menaçant de mettre le feu à l’établissement. La salle n° 8 est dévastée ; bilan : un militant CGTSR brûlé à la main droite, un second fendu au front. Boudoux s’en sort avec deux dents cassées et le côté droit contusionné ; un autre militant CGTSR a le bras cassé en deux endroits.

Le lendemain 13 décembre, une délégation de cinq personnes se rend auprès de Révol, 5, passage Coste, quérir des explications. Le secrétaire départemental de la CGTU reçoit les syndicalistes, revolver au poing (29).

Cette affaire inaugure, à Lyon, le, temps des violences physiques entre militants des deux confédérations. Elles se succèdent sur ce modèle, s’aggravant jusqu’au tournant de 1934.

Le 1er mai 1927 est choisi par l’AIT comme journée internationale en faveur des six heures et de la semaine de trente-trois heures. La CGTSR pour la France, la CNT pour l’Espagne, l’USI pour l’Italie, les groupements anarcho-syndicalistes de Pologne et de Bulgarie, le Comité d’Émigration enfin, répondent à l’appel de l’AIT.

A Lyon, la CGTSR rassemble 300 auditeurs au meeting de la Bourse du Travail. Vernadet (du bâtiment), Richard (de la Libre Pensée), Ruault (des lithographes), Huart enfin, développent à la tribune la revendication des six heures, solution contre le chômage. Le Combat syndicaliste du 1er mai, édité conjointement par la CGTSR et le SUB, consacré à ce thème, est diffusé par les syndicalistes. Lucien Huart invite l’assistance à protester contre l’extradition de Durruti, Ascaso et Jover et contre la condamnation de Sacco et Vanzetti (30). L’après-midi, une fête champêtre au Clos Frizon (Villeurbanne) rassemble « quelques centaines » de militants autour de Charles d’Avray et de Renez, chansonniers anarchistes montmartrois, dont le récital est destiné au bénéfice de la CGTSR (31).

Aucune manifestation de rue commune aux trois CGT en cette année 1927. Seule, la CGTU organise un cortège avec 2 000 personnes. Majoritaire chez les militants, la CGTSR ne l’est donc pas quand il s’agit de rassembler des sympathisants.

Dans la région, aucune démonstration CGTSR n’est signalée. A Saint-Etienne, 2 000 manifestants défilent par la ville. A Dijon, Montceau-les-Mines, Le Creusot, seules CGT et CGTU semblent avoir pignon sur rue (32). Nicolas Berthet est le délégué CGTU du Rhône à SaintChamond, et Chabanis à Rive-de-Gier (33).

Les 14 et 15 août 1927 a lieu le 1er congrès national de la centrale CGTSR. Le Clos Frizon, 66, rue du 4-Août, accueille les congressistes. A l’ordre du jour : actualité et situation de la CGTSR- Le congrès a été précédé d’une conférence de Pierre Besnard, la veille, à la Bourse du Travail, sur « la situation financière mondiale et l’unité syndicale » (34).

En mars 1928, un programme de revendications immédiates, inspiré des délibérations du congrès confédéral national est établi. Il tient en huit points pour les revendications ouvrières, en deux points pour les revendications sociales. Ce sont :

1. diminution des heures de travail et application de la journée de six heures ;

2. augmentation générale des salaires ;

3. salaire unique, par industrie d’abord, nationalement ensuite ;

4. contrôle par les conseils d’usine de l’embauchage et du débauchage ;

5. contrôle syndical de la main-d’oeuvre étrangère ;

6. libre exercice du droit syndical pour tous les travailleurs sans distinction de nationalité ou de race;

7. délégués ouvriers à la sécurité et à l’hygiène pour chaque industrie, choisis par les ouvriers, sous le contrôle des syndicats et révocables par eux ;

8. paiement intégral du salaire aux accidentés du travail.

Les deux revendications sociales immédiates sont :

— l’amnistie totale et la suppression des conseils de guerre ;

— l’abrogation des lois scélérates (35) [il s’agit de la loi de 1920 contre l’avortement et la contraception].

La CGTSR consacre une attention soutenue à ces campagnes pour l’aménagement des conditions de travail : augmentation des salaires, réduction de la journée de travail, paiement des accidents du travail, hygiène et sécurité ; à l’exception de la journée de six heures, toutes ces revendications sont, de nos jours, acquises.

Seule la revendication du salaire unique distingue radicalement la CGTSR des deux autres centrales : elle traduit l’égalitarisme du syndicalisme révolutionnaire. La journée de six heures n’est pas seulement destinée à améliorer la condition morale et matérielle des salariés, notamment aux fins du développement intellectuel tant prôné par le syndicalisme révolutionnaire depuis le siècle dernier. Elle vise aussi à combattre le chômage. Enfin deux revendications concernent la main-d’œuvre étrangère : contrôle syndical et libre exercice du droit syndical pour tous les travailleurs sans distinction (ce sont les mots de la résolution) de nationalité ou de race.

Loin de s’en tenir à une argumentation déréalisée, il appert que la CGTSR engage sa lutte au nom d’une pensée sociale certes constituée au cours du XIXe siècle, mais sur un terrain qui s’avère, au XXe siècle, d’une certaine pertinence.

Le 1er mai 1928, le rapport des forces des trois centrales n’a pas bougé. La CGT rassembla 800 personnes le matin, pour un meeting à l’Eldorado (3e arrondissement) et la CGTU 2 000 manifestants pour le cortège de l’après-midi. La CGTSR comptait 400 militants au meeting de Villeurbanne (Cercle syndicaliste) ; Koch, secrétaire du SUB, reprit le mot d’ordre des six heures qu’il développa ; Richard s’exprima contre les bagnes militaires ; Andrieux fit campagne pour la CGTSR et, lettre de syndicalistes italiens à l’appui, engagea ses camarades à la lutte antifasciste. J.-S. Boudoux fit l’historique du 1er Mai et invita à resserrer les liens internationalistes pour la défense du prolétariat et de la révolution sociale mondiale (36).

Dès août 1928, la confédération prépare son IIe congrès national. Les syndicats adhérents désignent Lyon comme lieu du congrès, qui se tiendra en novembre. A l’ordre du jour, outre les rapports moral et financier, figurent la formation des Unions et fédérations, les six heures et la rationalisation, la situation économique et sociale de la femme, l’antimilitarisme, la presse ; les questions relatives à l’organisation intérieure de la CGTSR comportent notamment le renouvellement du bureau et de la CA (37).

Les 2, 3 et 4 novembre, c’est au Cercle syndicaliste de la rue du 4 Août que délibère ce IIe congrès, sous la présidence d’honneur de LouisPaul Vial (38). Pierre Besnard indique que si la confédération n’a point augmenté ses effectifs depuis sa création, du moins a-t-elle su les conserver. Un effort de persuasion sera tenté à l’égard des syndicats qui, en deçà de la centrale révolutionnaire, maintiennent leur statut d’autonomie.

Dès la première journée du congrès est abordé le problème du renouvellement du bureau et de la commission administrative. Malgré les recommandations et circulaires depuis août, aucune candidature n’est parvenue au bureau pour remplacer Huart, dont l’intérim au poste de secrétaire confédéral dure depuis deux années. Le congrès doit donc désigner un candidat et Lucien Huart propose Juhel, secrétaire fédéral du bâtiment (39). Rien d’étonnant : le SUB alimente massivement la vie syndicale ; à Lyon, il édite son propre organe, Le Réveil du Bâtiment, et il ne cesse de mener campagne pour les revendications de la CGTSR et de l’AIT (40). Juhel proteste et refuse l’offre ; il est élu, à son corps défendant, à l’unanimité, moins les quatre voix des syndicats qu’il représente ; il subordonne aussitôt sa nomination aux décisions de son syndicat.

S’engage alors une polémique inquiète autour de cette nomination. Le congrès et Lucien Huart plus particulièrement, en qualité d’ex-secrétaire confédéral, sont dans la nécessité d’user de leur autorité morale afin de pourvoir la confédération d’un secrétaire général à la hauteur de ses fonctions. Juhel qui remplit les conditions requises se voit ordonné secrétaire par la souveraineté du congrès : « Un syndicat ne peut priver la confédération tout entière de l’homme dont elle a besoin, sous prétexte de garder pour lui seul un militant capable » (41). Huart parle alors du discrédit attaché à la fonction syndicale, cause vraisemblable de l’absence de candidature pour le remplacer. C’est encore lui qui propose Paris comme siège syndical, la première Union régionale lui paraissant apte à fournir les militants nécessaires au bureau et à la CA.

Ainsi en est-il décidé par le congrès : la CGTSR siégera pour les deux années à venir à Paris ; son bureau se compose de Juhel, du SUB de Paris, comme secrétaire ; de Robinet, des coiffeurs de Paris (secrétaire adjoint), d’Andrée Robin, des employés de la région parisienne (trésorière), de Bournier, du bâtiment d’Argenteuil. L’archiviste sera choisi dans le syndicat du chauffage de Paris. Les syndicats de la région parisienne désignent, en Assemblée régionale, le 18 novembre, la commission administrative avec Andrieux (SUB), Besnard (cheminots), Boisson (bâtiment), Dousseau, Lejeune père et fils, Marguerite Pascoueau, Tavernier, Victor Giraud, Guilloret…

Le Combat syndicaliste publie encore son numéro de décembre 1928 à Lyon sous la responsabilité de Huart et la gestion de Fourcade. A partir de janvier 1929 la CGTSR lyonnaise est rendue à des tâches strictement départementales. Elle conserve son siège, 86, cours Lafayette et gère en outre le 193 de la rue Du Guesclin sous le nom de salle Sacco et Vanzetti (42) et le cercle syndicaliste de la rue du 4-Août à Villeurbanne.

Sa période glorieuse est terminée. Ses effectifs s’effritent, lentement, à l’exception du bloc du SUB, alors que croissent ceux de la CGTU. Quant à la CGTSR nationale qui a fait retour au centralisme ordinaire, elle éprouvera de plus en plus de difficultés à maintenir une activité proprement syndicale.

Comment expliquer l’épisode décentralisé de Lyon, unique dans l’histoire syndicale française et dont la brièveté ne doit pas conduire à sous estimer l’intérêt ? Il n’y eut pas volonté délibérée, cela est clair. Les syndicats autonomes parisiens — Le Pen, du Bâtiment, Guigui, des Métaux, le disent bien — n’étaient pas chauds pour créer une troisième CGT : faut-il en rendre responsable le milieu ouvrier, finalement plus politisé que d’autres, de la capitale et de sa banlieue ? On remarquera alors qu’il en fut de même chez les anars de Limoges. En tout cas, c’est un fait, les militants lyonnais assumèrent les responsabilités. Il serait insuffisant d’invoquer les composantes socio-professionnelles de la région lyonnaise : le SUB reste fidèle, bien après 1928, à la CGTSR, et les Métaux, qui à Paris sont massivement CGTU, la soutiennent longtemps. Il semble plus utile de chercher dans d’autres voies. Et d’abord d’explorer le long terme : la région lyonnaise s’est caractérisée entre 1830 et 1939 par la rencontre de fortes poussées revendicatives et syndicales, de projets révolutionnaires et de formes de syndicalisme d’action directe : des mutuelles de canuts à la première Internationale. Dès 1882 les anarchistes y constituent un noyau considérable, le plus important de là France sans doute. Le milieu ouvrier, très diversifié, facilite le passage d’un métier à l’autre, d’une entreprise à l’autre : on peut « ramasser ses clous » et retrouver du travail. Au XXe siècle cette prédominance de l’anarchisme se maintient, en basses comme en hautes eaux nationales. C’est ainsi que le préfet du Rhône note le 27 octobre 1916 : « En dépit de l’événement, l’élément révolutionnaire du Rhône n’a pas modifié ses opinions et son attitude (43) ». L’afflux, pendant les années 1920, notamment dans le Bâtiment, d’immigrés italiens antifascistes, d’obédience volontiers anarchiste, le rôle d’un militant de talent, Paul Massoubre, qui a conforté, dans les Métaux, l’héritage de Merrheim et des combats des minoritaires de guerre, tout cela demande à être mieux éclairé.

En tout cas, Lyon ne fut pas seulement, pour s’en tenir à la IIIe République, la ville où naquit en 1886 le syndicalisme guesdiste, et un des hauts lieux des premiers syndicats catholiques, notamment féminins, mais pendant deux ans la capitale reconnue de l’anarcho-syndicalisme français

Claire Auzias

(1) J. MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, tome 2 : de 1914 à nos jours, Paris, Maspero, 1975, 439 p.

(2) Cet article renvoie à ma thèse : Mémoires libertaires, Lyon 1919-1939, Université Lyon II, 1980, 428 pages, annexes, biblio. Le point de départ est une recherche d’histoire orale du mouvement anarchiste entre les deux guerres, constituée d’un corpus sonore de 65 heures d’entretiens, avec des militants nés entre 1890 et 1918, complétée d’un dépouillement d’archives écrites pour les questions d’histoire sociale absentes de l’historiographie restituée par les sources orales. Les archives de cette recherche, enregistrements, documents privés, biographies, photographies ont été déposées à l’Institut International d’Histoire Sociale d’Amsterdam, section Anarchisme, sous la direction de Rudolf de Jong.

Je remercie mes collègues et camarades J.-L. Pinol, R. Bianco et C. Maignien qui ont relu et corrigé cet article et m’ont apporté d’appréciables critiques. Je remercie tout particulièrement Madeleine Rebérioux, pour son exigence éclairée et chaleureuse.

(3) Cf. A. KRIEGEL, AUX origines du communisme français, Paris-La Haye, Mouton, 1964, 2 vol.; J. MAITRON et C. CHAMBELLAND, Syndicalisme révolutionnaire et communisme. Les archives de Pierre Monatte, Paris, Maspero, 1968 ; et J. CHARLES, « A propos de la scission syndicale de 1921 », dans Mélanges d’histoire sociale offerts à Jean Maitron, Paris, Les Éditions ouvrières, 1976.

(4) J. MAITRON, Le mouvement anarchiste…, op. cit., p. 65.

(5) Le Pen in : Compte rendu sténographique du congrès du Bâtiment, Lyon, 1925, p. 48. Sur ces événements, cf. K. AMDUR, « La tradition révolutionnaire entre syndicalisme et communisme dans la France de l’entre-deux-guerres », Le Mouvement social, avril-juin 1987, p. 34-38.

Le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier, sous la direction de Jean Maitron, puis de Claude Pennetier, est publié actuellement, concernant l’entre-deux-guerres, jusqu’à la lettre Kw (vol. 32). A1 la notable exception de Pierre Besnard, d’Henri Fourcade et de Koch (ou Kock), les militants ici cités n’y figurent pas encore ; toutes les biographies des syndicalistes anarchistes cités dans cet article entre 1919 et 1939 sont déposées à l’IIHS (Amsterdam).

(6) Lettre de la commission executive provisoire de l’UFSA (Besnard-Verdier) aux délégués du congrès fédéral du bâtiment, mairie du 7e arrondissement, Lyon ; Compte rendu sténographique, op. cit., p. 35. Et J. MAITRON, Le mouvement anarchiste en France, op. cit.

(7) Le Progrès de Lyon, 20-21 novembre 1926, Archives municipales de Lyon (AML).

(8) Ibid., 26 novembre 1926.

(9) Ibid., 15 novembre 1926. Koch était, au congrès de la Fédération du bâtiment de 1923, le délégué des ouvriers du bâtiment et travaux publics de la région parisienne ; cf. Compte rendu sténographique, op. cit., 1re séance. En juin 1926, il est secrétaire du syndicat des terrassiers du Rhône ; cf. Archives départementales du Rhône (ADR), 10 M 80, 7 juin 1926.

(10) Ibid., 3 novembre 1926.

(11) Ibid., 15 novembre 1926.

(12) Ibid., 3 novembre 1926.

(13) « Compte rendu analytique du congrès des syndicats autonomes de France (Lyon, 15-16 novembre 1926) », Le Combat syndicaliste, organe officiel de la CGTSR, n° 1, décembre 1926, p. 2: ADR, presse n° 118. Le Progrès de Lyon du 16 novembre 1926 parle de 87 syndicats et 61 délégués.

(14) Résolution du congrès de l’Union Autonome du Rhône, 1er novembre 1926, Le Progrès de Lyon, 3 novembre 1926.

(15) « Compte rendu analytique du congrès des syndicats autonomes de France », art. cit., p. 2.

(16) Ibid.

(17) Le 27 novembre 1926, le syndicat autonome des métaux de la Seine, tout en approuvant la position de son délégué, Guigui, au congrès de Lyon, « s’incline devant le désir quasi unanime des syndicats autonomes et donne son adhésion à la CGTSR » Le Combat syndicaliste, n° 1, p. 1.

(18) Ibid., Préambule des statuts de la CGTSR, p. 3.

(19) C. AUZIAS, Mémoires libertaires, op. cit., annexe La Charte de Lyon.

(20) Le Combat syndicaliste, n° 2, janvier 1927, compte rendu analytique, suite.

(21) Le Progrès de Lyon, 18 novembre 1926.. Les syndicats organisateurs sont: « asphalteurs, bétonniers, apprêteurs sur étoffe, boulangers, brossiers, chocolatiers, confiseurs, biscuitiers, électricité du Rhône, charpentiers en bois et en fer, chauffage, cuisiniers, ébénistes, guimpiers et guimpières, habillement du Rhône, lithographes, maçons et aides, plâtriers, parqueteurs, serruriers, scieries mécaniques, terrassiers, tonneliers, vitriers, dragueurs du Rhône, débardeurs des gares ». Des syndicats de métier, très spécialisés.

(22) Le Progrès de Lyon, 24 novembre 1926.

(23) Ibid., 13 décembre 1926.

(24) Ibid., 20 décembre 1926.

(25) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 3, février 1927, p. 1 et n° 4, mars 1927, p. 2.

(26) Par exemple, la conférence du 9 mars 1927 au cercle syndicaliste de Villeurbanne, sur « les six heures » : Le Progrès de Lyon.

(27) Le Combat syndicaliste, n° 2, janvier 1927, avec un article signé F.P. (Fernand Planche?).

(28) Ibid., Une Internationale syndicaliste des métaux, adhérente à l’AIT avait été fondée à Berlin, en septembre 1926.

(29) Ibid., « Les incidents de Lyon » : un article signé du bureau et de la CA de la CGTSR.

(30) Le Combat syndicaliste, n° 5, 1″ mai 1927, p. 1.

(31) ADR, série 10 M : 1er Mai. Le rapport de police se contente de cette approximation numérique. Le Progrès de Lyon du 2 mai 1927 parle d’une « assistance très nombreuse ».

(32) Le Progrès de Lyon, 2 mai 1927.

(33) ADR, série 10 M, 1er Mai, 28 avril 1927 : « prévisions en vue du Premier Mai ».

(34) Le Progrès de Lyon, 13 et 14 août 1927.

(35) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 7, 1er mars 1928, p. 2.

(36) ADR, série 10 M, 1er Mai ; préfet du Rhône à ministère de l’Intérieur, 2 mai 1928.

(37) Ibid., n° 15, octobre 1928.

(38)Ibid., n° 16, novembre 1928. Pour l’affaire Louis-Paul Vial, condamné au bagne militaire pour désertion en 1918, voir C. AUZIAS, Mémoires Libertaires, op. cit., p. 249. Voir également le Bulletin du Comité de Défense Sociale, n° 4, octobre 1928, entièrement consacré à L.-P. Vial : CIRA-Genève, Bro 6368 f (add. R.B.).

(39) Juhel était délégué titulaire du SUB de la Seine en 1925 ; cf. Compte rendu sténographique du congrès de la Fédération du bâtiment, Lyon, 1925, op. cit., p. 55.

(40) Cf. Le Combat syndicaliste, n° 13, août 1928 et Le Réveil du Bâtiment, 19271932, consultable aux ADR n° 732.

(41) Le Combat syndicaliste, n° 16, novembre 1928, p. 3.

(42) Ce local, ex-restaurant « communiste » entre 1914 et 1917, devint une coopérative d’achat gérée par l’USR jusqu’en 1920, puis fut aménagé par Francis Million, secrétaire de l’Union des Syndicats du Rhône avant 1914, en salle de réunion et de conférences. Divers groupements liés à l’USR y siègent ; le 193 de la rue Du Guesclin est alors usuellement nommé salle Francisco Ferrer. Après l’exécution de Sacco et Vanzetti, ce lieu fut renommé en leur mémoire.

(43) ADR, 4 M 260, Police Politique (PP), 27 octobre 1916.

(44) Selon l’étude de S. JOSPIN, La CGTSR à travers son journal (1916-1937), maîtrise, Université de Paris I, 1974, p. 102, l’expression syndicalisme révolutionnaire est abandonnée dans le Combat syndicaliste au profit d’anarcho-syndicalisme, synthèse d’anarchisme et du syndicalisme. Pour Boudoux, « l’anarcho-syndicalisme fut et reste l’épine dorsale du syndicalisme révolutionnaire ».

(45) Depuis le travail de Samuel Jospin, une thèse est en cours sur la CGTSR pendant l’entre-deux-guerres (Bernadette Siriex).

Le Mouvement social, supplément au n° 144, 1988. Les Éditions ouvrières, Paris

INGELAERE Jean, François

21 dimanche Jan 2018

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Document Éphéméride anarchiste.

Né le 18 novembre 1865 à Armentières (Nord). Ouvrier tisseur. Anarchiste d’ Armentières (Nord), de Lille (Nord), de Reims (Marne) et de Liège (Belgique).

Jean Ingelaère se maria le 10 mai 1890 à Vierviers (Belgique) avec Marie Barbe Fils, tisseuse, le couple habita tout d’abord dans cette ville, puis vint ensuite à Armentières, au Rond Point, en 1892.
En 1882, Jean Ingelaère était chargé de la correspondance du groupe anarchiste Les Révoltés de Lille, il demeurait alors 6 rue Constantin. Le 2 novembre 1882, il écrivit à Bourdon, gérant de L’Etendard révolutionnaire, pour lui annoncer la constitution du groupe et l’assurer de sa solidarité face à la magistrature, il poursuivait ainsi : « Oui, compagnons, frappez, frappez encore et toujours, contre cette bourgeoisie odieuse qui nous exploite et nous opprime. Jetez donc partout l’esprit de Révolte. Les anarchistes lillois feront tous leurs efforts pour vous aider dans cette lutte. »
Le 24 février 1884, lors du carnaval d’Armentières, un client d’un cabaret avait menacé le patron de faire sauter son établissement et les patrons à la dynamite ; lorsque ce patron avait voulu expulser le client, une quinzaine de personnes masquées et costumées étaient entrées dans le cabaret en disant au client « Ne sors pas, on va lui faire son affaire, Vive l’anarchie, vive la révolution sociale !  ».
Wable, le patron de l’établissement refusa de les servir, tous les carreaux de la devanture furent brisés. Dans la bagarre qui s’en était suivi : Stanislas Dessin, peigneur avait reçu un coup de poignard dans le bas ventre, L. Quesque, portefaix avait eu la cuisse droite traversée de plusieurs coups de couteau, E. Dubar, journalier avait reçu un coup de couteau au côté droit de la poitrine, A. Stuckmann, journalier, avait reçu un coup de poignard à l’épaule et Rudant, tisseur, un coup de ciseau par une femme qui accompagnait le groupe. Léon Ingelaère, le frère de Jean, fut arrêté immédiatement et le lendemain, ce fut au tour de Vincent Nocq, secrétaire du groupe Terre et indépendance d’Armentières, correspondant de l’Hydre anarchiste; J. Broch, tisseur, ancien agent de police à Lille, Jean Ingelaère, C. Aubin, A. et T. Dubreux, J. Houvenaeghel et Sonnelle
Jean Ingelaere, semble-t-il pris de boisson, et Janssens avaient blessé mortellement deux des victimes.
Il fut écroué le 27 à la prison de Loos.
Fin mai 1884, Jean Ingelaere et François Janssens comparurent devant la Cour d’assises de Douai. Bénéficiant de circonstances atténuantes, ils furent condamnés à 2 ans de prison.

En 1886, il fit partie du groupe communiste anarchiste d’Armentières rebaptisé Les Indomptables, après s’être nommé Terre et Indépendance puis les Insurgés.
En mai 1888, après avoir pris la défense d’un citoyen malmené par la police, sur la Grand place de Roubaix. Il ameuta la foule en criant : « La société n’est qu’une barbarie, il ne reste plus qu’aux travailleurs de changer les choses ». Il fut arrêté et conduit au poste, pour insultes à la police et condamné à Roubaix à 40 jours de prison.
En 1893 Ingelaère, né de parents belges, qui avait fait son service militaire à Lille, était à Reims où il fréquentait les anarchistes et notamment Hiverlet et Leprêtre. Il était qualifié « d’anarchiste dangereux et violent ». Fin mai 1893, alors qu’il était recherché par la gendarmerie pour effectuer une période militaire, il quittait Reims pour aller à Verviers en Belgique.
Le 21 mai 1893, à Liège, Jean Ingelaère, proche de Moineau, cria des insultes au prince Albert, en visite dans cette ville. Trouvé sans un sou en poche, dénué de moyens d’existence, la justice belge le condamna à 2 ans de réclusion dans un dépôt de mendicité.
En janvier 1895, lui et sa femme partirent pour Roubaix.
Signalé comme disparu de Watrelos (Pas de Calais), il travaillait en 1906 dans une fabrique de bretelles de Chauconnin (Seine et Marne) où il n’était l’objet d’aucune remarque défavorable.
Il divorça en 1907. En 1913, Ingelère demeurait 112 rue d’Erquighem à Armentières.
Après la guerre, il partit pour l’Amérique, où il fut repéré, inquiété et emprisonné, parce que militant anarchiste. Rapatrié en 1924, il fut de nouveau inquiété et enfermé à l’asile d’Esquermes sur signalement du maire et du commissaire de police. Il avait réclamé au gouvernement américain une indemnité pour le préjudice qui lui avait été causé durant son séjour outre-Atlantique.

Sources : Arch. Dép. Marne 30M107 – Arch. Dép. du Rhône – 2 U 433 – Arch. Dép. Seine et Marne M 4079 – Journal des débats, 18 mai 1884 – La Presse, 21 mai 1884 – Le Matin, 18 mai 1884 – La Croix, 26 mai 1893 – Le Temps 28 février 1884 – La Révolte, année 1888 – L’Idée ouvrière 2 juin 1888 – La Revue anarchiste avril 1930 – Gazette d’Armentières 6 avril 1897 – Chroniques des archives municipales d’Armentières : n° 134 sept-oct 2009, n° 135 nov-déc 2009, n°140 sept-oct 2010. – Notes Rolf Dupuy.

BAGUET Jean dit Jean Bayet

20 samedi Jan 2018

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Le Commissaire venu arrêter Bayet, ne le trouve pas, d’après sa femme, il serait parti depuis la veille à Heyrieux (Isère).

Né le 18 février 1847 à Buxières-les-Mines (Allier) ; cordonnier ; anarchiste lyonnais.

Jean Baguet était marié, sans enfant. Venu de Moulins (Allier), il s’installa à Lyon vers 1880.
En 1881, il était membre de la section de la Guillotière de la Fédération révolutionnaire (voir Joseph Bernard).
En février 1882, il était membre du conseil d’administration de l’organe de la Fédération révolutionnaire, Le Droit social.
En mars 1882, il présidait la commission exécutive de la grève des cordonniers lyonnais, relayée par Le Révolté. L’hebdomadaire indiquait qu’il fallait envoyer les secours financiers au café Laverrière, 8, rue de la Barre. Baguet habitait alors 6, rue Clos-Suiphon à Lyon (Rhône).
Le 25 mai, en compagnie de Toussaint Bordat et de Soubie, il colla l’affiche « Mort aux voleurs » dans plusieurs quartiers de Lyon.
Le 18 juin, lors d’une réunion publique franco-italienne organisée par les anciens compagnon de Garibaldi, il invita les citoyens de toutes nationalités à se joindre aux anarchistes et proposa de faire une collecte pour Dejoux. Dans cette réunion, il cria « Mort aux tyrans ! A bas les frontières ! Plus d’armée ! Vive la Révolution ! ».
Le lendemain, il distribua dans une réunion interne de la Fédération Révolutionnaire, l’affiche « Mort aux voleurs ». Au cours de cette réunion il fut désigné pour faire partie d’une commission de 5 membres qui devait s’adjoindre au groupe Marie Ferré pour organiser les conférences de Louise Michel et d’Émile Digeon.
Le 16 août 1882, Bayet assistait à la réunion publique organisée par la Fédération révolutionnaire, salle de la Perle à la Croix-Rousse, sous le titre de Tribunal Révolutionnaire, protestant contre la condamnation prononcée, le même jour, par la Cour d’assises du Rhône, contre Crestin et Bonthoux. A cette réunion présidée parPautet, ouvrier serrurier, Crestin, arrêté à l’audience fut condamné pour avoir adressé des menaces de mort à l’avocat général. On y préconisa la propagande par le fait et recommanda l’emploi du poignard, de la dynamite et des aiguilles empoisonnées. Le président de la république, les ministres, les généraux et toute la bourgeoisie en général, furent traités de voleurs et de bandits et après avoir demandé aux conscrits de refuser le service militaire, Cyvoct proposa et fit voter un arrêt de mort contre les juges et les jurés ayant condamné Crestin et Bonthoux.
Le 4 octobre 1882, Bayet assistait à la Croix-Rousse à la réunion publique des tisseurs, dans laquelle une manifestation à l’Hôtel de ville fut décidée, pour forcer la municipalité à prendre des mesures pour parer à la crise qui atteignait l’industrie du tissage. Boriasse qui était secrétaire du bureau proposa aux ouvriers, comme seul remède efficace d’aller prendre ce qui leur était nécessaire chez ceux qui possédaient.
Le 3 octobre 1882, lors de la réunion d’une commission de soutien aux victimes de la répression, il proposa d’éditer une affiche contenant un appel à la réorganisation de la Fédération révolutionnaire.
Le 6 octobre 1882, il assistait à la réunion privée des groupes anarchistes qui se tenait 108 rue Garibaldi. Il fut décidé de faire paraître en attendant la réapparition de l’Etendard révolutionnaire, un numéro exceptionnel, faisant connaître les causes de sa suspension. Ce projet avorta.
Le 21 octobre 1882, il accompagnait Émile Gautier, venu donner une conférence, lorsque celui-ci fut arrêté en gare de Vaise. Le soir même, il se rendit au meeting de Villefranche où Gautier était attendu, pour donner les raisons de son absence. C’était le début de la vague d’arrestations ordonnée suite aux événements de Montceau-les-Mines, en août 1882, et à l’attentat de L’Assommoir, en octobre 1882 (voir Cyvoct).
La répression s’abattant sur la Fédération Révolutionnaire, Baguet fit partie, avec Boriasse et André Courtois, du dernier noyau militant encore en liberté.
Dans les jours suivants, Courtois fut arrêté, tandis que Boriasse se réfugiait en Suisse, Baguet passait à la clandestinité.
Le 18 novembre 1882, un mandat d’amener fut délivré à son encontre, pour affiliation à l’Internationale.
Le 19 novembre 1882, à 6h du matin, la police perquisitionna à son domicile 6 Clos Suiphon et ne trouva que sa femme qui ne l’avait pas vu de puis le veille. La perquisition n’amena aucune découverte.
Le 17 janvier 1883, il fut arrêté en sortant d’une réunion à l’Élysée. Un inspecteur de police l’avait reconnu comme l’un des orateurs, bien qu’il ai coupé sa barbe. Il déclara qu’il n’avait jamais quitté Lyon. « J’attendais, déclara-t-il, la fin du procès pour savoir les condamnations. Si elles avaient été trop fortes, j’aurais émigré à Genève ; dans le cas contraire, je me serais constitué prisonnier. Maintenant que me voilà pris, j’aurai tout au moins la satisfaction de n’avoir pas fait de prison préventive. »
Bien qu’arrêté, il fut condamné par défaut, le 19 janvier 1883, à cinq ans de prison, 2 000 francs d’amende et cinq ans de privation des droits civils dans le cadre du Procès des 66 (voir Toussaint Bordat).
Il fit opposition au jugement et, en appel, le 13 février 1883, sa peine fut réduite à un an de prison, 100 francs d’amende et cinq ans de privation des droits civiques.

SOURCES : Arch. Dép. Rhône, 4M3 et 2U434 — Le Révolté de mars 1882 — Le Journal des débats du 20 janvier 1883 — Le Procès des anarchistes devant la police correctionnelle et la cour d’appel de Lyon, Lyon, 1883 — Marcel Massard, Histoire du Mouvement anarchiste à Lyon, 1880-1894, DES, Lyon, 1954 — notes de Guillaume Davranche et Marianne Enckell.

MOLINIER Jean, Adolphe

19 vendredi Jan 2018

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Né le 14 juillet 1883 à Tauves (Puy-de-Dôme) ; garçon limonadier, camelot ; anarchiste antimilitariste, illégaliste parisien.

 

Le 5 mai 1907, Jean Molinier posa, pour la forme, sa candidature à l’élection municipale complémentaire du quartier Saint-Gervais et signa les affiches anarchistes apposées, pour engager les électeurs à ne pas voter. Il organisa avec d’autres anarchistes plusieurs réunions abstentionnistes.
En mai 1907, il était un des signataires de l’affiche Aux soldats.
En Août 1907, il signa l’affiche antimilitariste Aux crimes, répondons par la révolte (voir Eugène Moucheboeuf), dont voici le texte :
Après les nombreuses assommades, arrestations, poursuites, condamnations de militants ouvriers à travers toute ta France ; après les tueries de Nantes et de Narbonne, la police vient a nouveau de sauver l’ordre bourgeois en faisant couler le sang ouvrier.
Devons-nous, en réponse a de tels crimes, rééditer les lieux communs de flétrissure ou de blâme a l’égard du gouvernement d’assassins !
A quoi bon ? Les ministres sont dans leur rôle en peuplant de nos amis les prisons républicaines. Les policiers ne font que remplir leurs fonctions lorsqu’ils assomment et assassinent.
A nous de nous défendre.
A la force, opposons la force. A la violence, répondons par la violence !
Aux travailleurs, on opposera les travailleurs revêtus de l’uniforme.
Soldats, vous refuserez de servir les policiers !
Vous vous souviendrez que la cause que nous défendons est la votre, celle de tous les opprimés.
Soldats, vous refuserez de tirer sur vos frères révoltés !
Comme vos camarades du 17e de ligne, vous vous insurgerez contre les chefs assassins !
L’exemple des soldats de Béziers vous sera utile. Ils ont commis une faute que vous ne renouvellerez pas.
Les soldats du 17e désarmés par les conseils et les promesses des politiciens ont été envoyés sous le soleil meurtrier d’Afrique.
Vous n’écouterez pas les endormeurs !
Si l’on fait appel a vos fusils pour nous combattre, vous ferez cause commune avec vos frères révolutionnaires.
Et au lieu de rendre les armes, vous vous servirez de vos cartouches contre les affameurs et les assassins qui nous gouvernent et qui vous commandent et vous les fusillerez sans pitié !

Poursuivi sous l’inculpation d’excitation des soldats à la désobéissance et au meurtre de leurs chefs, il fut condamné le 14 septembre 1907, à 3 ans de prison et 100 francs d’amende, par la Cour d’assises de la Seine. Au cours des débats, il se fit remarquer par la violence de ses déclarations antimilitaristes où il était question de gouvernement d’assassins, de brutes galonnées de Narbonne, de Raon l’Etape, d’infamies à tous les degrés. Il purgea sa peine à Clairvaux. Début avril 1909, avec 3 autres détenus politiques, Durupt, Goldschild et Ruff, condamnés eux aussi pour antimilitarisme, s’attendant à une libération prochaine, grâce à la loi d’amnistie, adoptée par la chambre mais le sénat repoussa la discussion au 18 mai, de colère les quatre détenus brisèrent tout ce qui se trouvait sous leurs mains et se barricadèrent dans la salle du quartier politique, injuriant le sénat et chantant l’Internationale. Le poste militaire dut intervenir pour mettre un terme à leurs violences.
Molinier fut libéré le 19 juin 1909.
En août 1909, il fut inscrit au carnet B de la Seine, sa notice individuelle le classant comme anarchiste antimilitariste.
Molinier était déjà signalé à la Sûreté, comme se livrant à la fabrication de fausse monnaie avec d’autres anarchistes. Il fréquenta le siège du Libertaire et représentait la librairie anarchiste du Progrès. Au cours d’une perquisition chez lui, on trouva des lettres et des cartes signées Jean Goldsky, Yvetot, Georges Durupt, Emile Goulain (de l’AIA).
Au mois de septembre 1910, le sacristain de l’église de Thenay (Loir-et-Cher) constatait la disparition du tryptique inscrit sur le catalogue des Beaux-Arts sous le n° 137 et représentant, ouvert, l’adoration des Mages, la présentation au Temple et la naissance du Christ. Fermés, les deux panneaux laissaient voir des anges et des banderoles ornées d’inscriptions latines.
Il était estime 10,000 fr. L’enquête de la police amena en octobre 1910 l’arrestation de Marcel Simonin, vingt et un ans, menuisier, déjà condamne par la Cour d’assises du Loir-et-Cher à dix ans de travaux forcés comme faux-monnayeur. En janvier 1911, la Sûreté parisienne arrêtait Moulinier pour vol d’une automobile, à Lyon. Il s’était servi de cette voiture pour le cambriolage de l’église de Thenay.
Le véhucule avait été volée avec Bonnot et Marcel Simonin, et ensuite amené à Choisy chez Dubois.
Deux nouveaux complices les rejoignirent à la prison de Blois, Roccasi-Colomb, arrêté à Loos (Nord) pour vol, escroquerie et abus de confiance, et Kermabon, mécanicien, âgé de trente ans.
Dans cette affaire Molinier fut condamné à 8 ans de réclusion par la Cour d’assises du Loir et Cher. Il fut libéré le 20 octobre 1918, par suite de remise de peine et dirigé sur le dépôt de la 1ère section d’exclus à Clermont-Ferrand, où il resta jusqu’en mars 1919, date à laquelle il fut renvoyé dans ses foyers en congé illimité (5e échelon de démobilisation)
En juillet 1921, Molinier fut rayé du Carnet B de la préfecture du Puy de Dôme, étant disparu depuis plus de deux ans.

SOURCES : Arch. Nat. 19940462 art 449 — Journal des débats 14 septembre 1907, 9 avril 1909, 28 novembre 1911, 30 avril 1912.

Les groupes et fédérations anarchistes en 1882

18 jeudi Jan 2018

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Lettre du Cercle d’Études sociales des travailleurs du canton de Saint-Chamond (Loire) à propos d’une conférence D’Émile Gautier à St Chamond.

Paris :

Groupe de l’Avant-Garde

Groupe des 5e et 13e arrondissement

Groupe du 6e arrondissement

Groupe du 20e arrondissement

Groupe du 11e arrondissement

Groupe du Panthéon

Groupe de la Jeunesse anarchiste

Groupe de la Jeunesse socialiste indépendante

Groupe de la Révolution sociale

Groupe de l’Alliance socialiste républicaine

Levallois-Perret

Cercle d’étude

Lyon

Groupe révolutionnaire de la Croix Rousse

Groupe Marie Ferré

Groupe communiste de la Guillotière

Saint-Etienne

Alliance anarchiste stéphanoise

Groupe anarchiste

Groupe des Outlaws

Cette

Groupe de la Révolte

Groupe des Ours

Groupe de la Misère

Groupe de l’Audace

Amiens

Groupe de l’Avant-Garde

Groupe d’Etudes sociales

Groupe de la Jeunesse Amiennoise

Vienne

Groupe des Révolutionnaires

Groupe des Indignés

Groupe de Ratapel

Fontaine (Isère)

Groupe révolutionnaire

Groupe anarchiste les Sans-Pitié

Troyes

Groupe les Niveleurs troyens

Le groupe de (nom illisible)

Groupe révolutionnaire anarchiste d’Annonay

Les Egalitaires de Reims

Le (illisble) Bas d’Alais

Les révolutionnaires de Saint-Quentin

Groupe de la révolte anarchiste

Marseille

Groupe anarchiste matérialiste

Groupe anarchiste international

Groupe les Criminels au Creusot

Groupe anarchiste de Libourne

Les révolutionnaires, les impatients à la Tour du Pin

Roubaix

Groupe révolutionnaire

Groupe des jeunes révolutionnaires

Groupe de Saint-Chamond

Les révolutionnaires de Thisy

Les révolutionnaires de Triteville (?)

Groupe Le Glaive de Villefranche

Groupe La Plèbe à Béziers

Groupe anarchiste à Narbonne

Groupe anarchiste au Havre

Groupe de (illisible) Oise

Groupe anarchiste de Perpignan

Groupe anarchiste de Rivesalte

Groupe anarchiste de Teigny (Yonne)

Groupe anarchiste du 5e canton de Bordeaux

Groupe anarchiste d’Arcachon

La Bande noire

Liste des Fédérations

Fédération du Sud-Est

Fédération anarchiste des révolutionnaires lyonnais

Fédération du Midi

Fédération de Roubaix

Fédération de Villefranche

Source : Archives Départementales du Rhône 2 U 434

Le Groupe révolutionnaire-anarchiste du 11e arrondissement (1882)

18 jeudi Jan 2018

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Un groupe révolutionnaire-anarchiste qui vient de se constituer à Paris dans le XIe arrondissement vient d’adresser un appel aux travailleurs annonçant sa constitution sur les principes suivants :

1. Il n’est oint de réformes partielles, point d’améliorations provisoires, qui puissent être réellement efficaces. L’organisation bourgeoise formant, en effet, un mécanisme complet, dont tous les rouages se commandent et s’enchaînent, l’émancipation du prolétariat, dont cette organisation est faite pour consacrer et maintenir la servitude, suppose sa refonte totale, dans ses détails comme dans son ensemble.

2. Cette indispensable refonte, à laquelle est subordonné l’avènement de la justice sociale et de la liberté, ne peut s’accomplir que par la force insurrectionnelle mise au service des revendications populaires. L’histoire, au surplus, la science, l’observation des faits contemporains et jusqu’au plus élémentaire bon sens, nous attestent à la fois la légitimité et la nécessité de la force.

3. Tous les abus, sans exception, ont pour origine un principe autoritaire. L’œuvre révolutionnaire doit donc consister essentiellement dans la destruction de toute institution qui, contenant de près ou de loin, un germe quelconque d’autorité, attribuerait à un homme – ou à un groupe d’hommes – le droit de commander aux autres et le pouvoir matériel de s’en faire obéir.

Dans l’ordre politique : l’abolition de l’État, l’abolition de l’autorité gouvernementale et de ses annexes, quels que soient, par ailleurs, sa forme, son étiquette et ses détenteurs, et son remplacement par la libre fédération des producteurs libres, spontanément associés, – c’est à dire L’ANARCHIE.

Dans l’ordre économique, l’abolition de la propriété individuelle, l’abolition de l’autorité capitaliste, et la mise à la disposition de tous, de toute la richesse sociale, de telle façon que chacun, travaillant selon ses facultés, puisse librement consommer selon ses besoins, – c’est à dire le COMMUNISME.

Tel est le double but que nous nous proposons ! Et nous ne considérerons la révolution comme achevée, nous ne nous estimerons autorisés à désarmer que quand il aura été définitivement atteint : – quand il n’y aura plus de privilèges d’aucune sorte ; – quand la liberté absolue (dans l’égalité) aura été une bonne fois assise sur d’inébranlables bases, – quand justice aura été faite (et bien faite) non seulement des dirigeants de l’heure actuelle, mais encore de tous ceux qui rêveront jamais de recueillir tout ou partie de leur héritage.

Jusque là, nous croirons de notre devoir de rester sur la brèche, en état d’insurrection permanente contre toutes les usurpations présentes, futures, probables ou possibles.

4. Il est évident, dès lors, que nous ne pouvons accepter sous aucun prétexte, – pas même à titre de moyen d’agitation, – le recours au suffrage universel, si justement appelé, d’une part, « le plus grand commun diviseur de la classe ouvrière » ; de l’autre, « la plus grande mystification du XIXe siècle »

Le suffrage universel ne peut, en effet, qu’entretenir le préjugé de la possibilité de réformes partielles et pacifiques, en même temps qu’il aboutit à la reconstitution hypocrite d’une autorité nouvelle, sans garantie,contrôle, ni sanctions.

Puisque la révolution violente est notre seule voie de salut, nous n’avons, en dehors d’elle, ni temps, ni efforts à perdre. Tout ce que nous avons et tout ce que nous sommes, nous le devons exclusivement consacrer à préparer cette révolution nécessaire, à lui rallier des soldats et à lui procurer des armes, à hâter, enfin, sa venue, et à multiplier ses chances de succès.

C’est un devoir de propagande et d’action auquel le groupe du XIe arrondissement fera en sorte de ne pas faillir.

Les citoyens qui partageraient les opinions ci-dessus exposées, et qui, dans le but de contribuer activement à leur propagation, désireraient faire partie du groupe anarchiste du XIe Arrondissement, sont invités à faire parvenir leurs adhésions à l’une des adresses suivantes :

CABOSSEL, tourneur, 98 rue de la Folie-Méricourt

THOMACHOT, tapissier, 243 rue Saint-Maur

LAROCQUE, chimiste, 68 rue du Chemin-Vert

HENON, chaisier, 13 cité Moynet

J. CARRE, cordonnier, 45 rue de l’Orillon

CLEMENT, 7 impasse Gaudelet

P. LEGRAND, ébéniste, 70 rue d’Angoulème

MEGE, fabricant de nécessaires, 70 rue d’Angoulème ;

Emile GAUTIER, publiciste, 48 avenue Parmentier ;

Charles THONARD, sculpteur, 221 boulevard Voltaire ;

BERNARD, serrurier, 21 rue de l’Orillon ;

CASTAIGNEDE, outilleur, 7 rue du Pont Louis-Philippe ;

BLANCHARD, négociant, 257 boulevard Voltaire ;

LEVEQUE, ciseleur, 23 rue Julien-Lacroix

TOUSSAINT marchand de vins, 144 rue Saint-Maur

NICAUD, ciseleur, 27 rue des Couronnes

Alphonse CLEMENT, bijoutier, 59 rue Montmartre

Louis BRECHEMIER, ébéniste, 2 passage Robineau

ASTULF, sellier, 52 rue des Gravilliers

J. CALLENSTEIN, plombier-zingueur, 9 rue Duris

BORE, charpentier, 37 rue Michel Bizot ; etc, etc…

Par les soins du Groupe, des Conférences contradictoires, – où chacun pourra venir librement discuter les idées anarchistes, demander ou donner, à ce propos, des explications, – seront organisées chaque mois sur un point quelconque de l’arrondissement.

Le Révolté du 30 septembre 1882

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